Comment évaluer les connexions intertextuelles au sein du canon biblique ?

Je m’intéresse de longue date à l’intertextualité, ou plutôt à “l’exégèse intra-biblique” pour reprendre l’appellation proposée initialement par Michael Fishbane dans sa monographie pionnière, Biblical Interpretation in Ancient Israel. L’un des aspects de ma thèse de doctorat consiste à analyser les relations textuelles qui unissent Esaïe 24-27, une section parfois appelée “L’apocalypse d’Esaïe”, aux onze premiers chapitres de la Genèse, la fameuse “Histoire des origines”.

CONSULTEZ >>Comment interpréter l’Histoire des origines ?


Dans le cadre de ma thèse, j’ai été amené à developper une méthode d’analyse des connexions littéraires qui lient différents textes canoniques. Cette méthodologie, légèrement modifiée, vient d’être publiée dans le numéro 289 de La Revue Réformée. L’objectif de cet article est de proposer une méthodologie permettant d’identifier les points de connexion qui lient les textes canoniques entre eux et d’évaluer comment de tels procédés littéraires en affectent le sens.

Merci à Jean-Philippe Bru et au comité d’édition de la revue de m’autoriser à diffuser cet article par voie numérique, merci à Élodie Bourin pour la traduction de larges portions de ma thèse pour les besoins de ce projet, et merci à Florent Varak, Daniel Saglietto, et Gaétan Brassard pour leur relecture attentive et leurs remarques utiles.

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Des résurrections étranges à la mort de Jésus (partie 4)

Des « morts vivants » par la mort de Jésus : étrange. Nous continuons nos réflexions sur les choses étranges concernant la résurrection. L’évangile de Matthieu rapporte que des tombeaux ont été ouverts et que des morts ont ressuscité et marché dans Jérusalem : étrange! Comment devons-nous comprendre ce passage que nous trouvons dans l’évangile de Matthieu 27.52-53?

52les tombeaux s’ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient décédés ressuscitèrent. 53Ils sortirent des tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après la résurrection (de Jésus) et apparurent à un grand nombre de personnes.

Il faut l’avouer, dans les prédications lorsqu’on parle de ce passage, les idées vont dans plusieurs directions. Il est assez difficile de construire une apologétique historique sur la seule base du texte, et souvent nous voyons les prédicateurs aller dans cette direction. Les athées ne manquent pas d’en faire la critique en soulignant le manque d’évidence et de source, Matthieu étant le seul à rapporter cet événement. Ils ont raison. Ceci dit, cela ne signifie pas qu’il ne s’est rien passé. Il faut quand même poser la question : « Qu’est-ce que Matthieu voulait faire en mentionnant cela? »

D’un point de vue chrétien, la théologie et l’histoire sont intimement liées. Pour nous, Dieu agit dans l’histoire afin de racheter un peuple. Par conséquent, cela signifie aussi qu’un événement peut avoir un sens à la lumière de cette histoire rédemptrice[1]. Comprendre un événement comme celui-là, c’est entré dans l’histoire de la rédemption. C’est aussi entré dans la philosophie de l’histoire biblique. Sans aller trop loin dans ces détails, j’aimerais donc suggérer que :

Cet événement étrange signale au lecteur que la mort de Jésus sur la croix est le commencement de la fin de l’ancienne création et l’inauguration de la nouvelle création.

Le grand récit biblique

Si nous prenons la bible dans son ensemble, structurellement parlant, la bible commence par la création (Genèse 1-2), la chute (Genèse 3) et se termine par la nouvelle création (Apocalypse 21-22). Entre Genèse 1-2 et Apocalypse 21-22, il y a la rédemption : Dieu rachète un peuple, à cause de Genèse 3.

Si nous voyions la bible comme une ligne du temps, nous verrions qu’au centre de cette ligne il y a la croix de Jésus. C’est-à-dire, que tout ce qui vient avant la croix pointe, converge, annonce les événements concernant l’évangile, concernant Jésus.[2] Et tout ce qui a lieu après dans l’histoire est rendu possible à cause de la mort et de la résurrection de Jésus.[3]

Si nous regardons l’histoire de l’Ancien Testament (AT) dans sa relation avec le Nouveau Testament (NT) nous pourrions la décrire comme ceci : Tout ce que l’AT prévoyait se produire à la fin des temps (« derniers jours ») a déjà commencé dans le premier siècle et se poursuit jusqu’à la dernière venue du Christ. L’expression « déjà, mais pas encore » fait référence à deux étapes d’accomplissement de ces « derniers jours ». C’est « déjà », parce que les derniers jours sont venus en Christ, mais ce n’est « pas encore » par ce que les derniers jours ne sont pas encore consommé. Les théologiens appellent cela une eschatologie inaugurée.[4]

La résurrection et la « fin des jours »

Si vous n’êtes pas familier avec les expressions « dernier jour », « temps de la fin » ou « jour à venir »[5], il faut mentionner que ce sont des expressions qui se rapportent dans la bible à partir dans l’AT. Le NT cite ces mêmes expressions souvent tirées des passages de l’AT.

Dans ce cadre, la résurrection a été prédite par l’AT à se produire à la « fin des jours » dans le cadre de la nouvelle création. Dieu fera de l’humanité rachetée une partie de la nouvelle création en recréant des corps par la résurrection.[6]  En appui (voir note pour passage), Daniel 12.1-2 et Ézéchiel 37[7].

À première vue, nous pourrions penser qu’il s’agit de prophéties concernant la fin de toute chose lorsque Dieu reviendra à la toute fin dans le futur. Pour illustrer, nous regardons au jour final où Jésus paraîtra et qu’il nous donnera de nouveaux corps, comme un mariage. Les fiançailles sont faites, mais nous attendons de consommer notre union avec le Christ. Cela signifie donc que la nouvelle création a été placée au début, avec la résurrection de Jésus et non à la fin lors de son retour. Le Christ ressuscité n’est pas simplement l’inauguration spirituelle du nouveau cosmos, mais il est littéralement son commencement, puisqu’il a été ressuscité avec un corps physique et nouvellement créé.

Une telle délivrance finale et complète de la servitude doit être non seulement spirituelle, mais aussi physique. Jean 5.24-29 met ensemble une référence claire et spirituelle de résurrection de Daniel 12.1-2 et Ézéchiel 37. Il l’emploie pour indiquer à la fois une résurrection inaugurée (spirituelle) et par la suite une résurrection physique la fin.

Ézéchiel 37.12-13 Jean 5.28
C’est pourquoi, prononce un oracle et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur DIEU : je vais ouvrir vos tombeaux ; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. 13Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR quand j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple. Que tout ceci ne vous étonne plus ! L’heure vient où tous ceux qui gisent dans les tombeaux entendront sa voix,

Bien qu’il y ait beaucoup à dire sur ces sujets, il est important de voir que la première venue de Jésus, et spécialement sa mort et sa résurrection inaugurent les derniers jours. C’est donc une compréhension de l’histoire centrée sur les événements entourant la mort et la résurrection de Jésus.

L’étrange résurrection de Matthieu 27.52-53

À l’intérieur de cette vision de l’histoire, nous pouvons donc apercevoir le sens que Matthieu donne à cet événement. De la même manière, Matthieu 27.52 utilise Ézéchiel 37.12-13 pour décrire une résurrection physique.[8]

Ézéchiel 37.12-13 Matthieu 27.52-53
C’est pourquoi, prononce un oracle et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Je vais ouvrir vos tombeaux ; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. 13Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR quand j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple. 52les tombeaux s’ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient décédés ressuscitèrent. 53Ils sortirent des tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après la résurrection (de Jésus) et apparurent à un grand nombre de personnes.

 

Immédiatement après avoir décrit la mort de Jésus (Matthieu 27.50), Matthieu ajoute ces versets 27.52-53. La croyance en la résurrection générale est construite à partir de l’AT lorsque le Messie viendrait.[9] Ce qui était inattendu c’était la mort et la résurrection du Messie avant la résurrection générale et le jugement final. Il est probable que cette poignée de fidèles supplémentaires revenant à la vie devait garantir que la résurrection de Jésus fonctionnait en fait comme les prémices de beaucoup plus à venir (1 Corinthiens 15.20-22).[10]

Conclusion

C’est évident que je n’ai pas prouvé ces résurrections et les tombeaux ouverts de ce passage biblique. Quant à moi, cela ne changerait pas grand-chose, dans la mesure où la résurrection de Jésus est validée beaucoup plus fortement par l’évidence historique. Il vaut la peine en conclusion d’apporter deux nuances nécessaires :

  1. Je ne désire en aucun cas laisser entendre que ces événements ne se sont pas produits. La vie entière de Jésus, sa mort et sa résurrection sont des événements uniques incrustés dans l’histoire. Dieu se révèle à nous et se dévoile dans l’histoire. Et sur cette conviction nous sommes en droit, même en devoir, de rechercher ce que Dieu désire nous dévoiler dans cette histoire. Cela produit un amour plus grand pour l’évangile et une augmentation de mon affection pour Jésus.
  2. Certains théologiens pourraient m’accuser de spiritualiser le texte, à cause que je n’ai pas expliqué le texte de manière historique-littérale-grammaticale. Loin de moi le désir de spiritualiser ces événements. Pourquoi opposé spirituel à littérale? La nouvelle naissance elle-même est une réalité spirituelle et littérale! L’approche que j’ai utilisée pour le texte de Matthieu a l’avantage de faire ressortir ce qui est littérale-historique-grammaticale. Elle nous permet, entre autres, de voir les allusions à l’AT. À la lumière de l’histoire de la rédemption, ce passage devient plus clair.

La cohérence interne à la bible me fascine! L’étude de cet événement rapporté par Matthieu me confirme encore une fois que Jésus a accompli tout ce que prévoyait l’AT. Par son corps ressuscité il inaugure et rend réel les promesses de la vie éternelle dans l’anticipation de notre restauration finale et consommé.

[1] Historico-rédemptrice : C’est l’évangile dans l’histoire. C’est une terminologie consacrée pour parler de ce que Dieu a fait dans son plan qui traverse les siècles de l’histoire.

[2] Voir par exemple, Éphésiens 1.4-6; 2 Timothée 1.9-10

[3] Voir par exemple, 2 Corinthiens 1.20; Romains 8.32; Éphésiens 4.4-8; Hébreux 13.20-21; 1 Pierre 4.11

[4] Gladd L., Benjamin and Harmon, Matthew S., Making all thinks new: inaugurated eschatology for the life of the church. Baker Academic, Grand Rapids, 2016, p.8-11

[5] L’AT utilise ces termes qui ne sont pas toujours eschatologiques, mais quelques fois les auteurs ont réellement l’eschatologie en vue.

[6] Gladd, p.10

[7] Passage sélectionné pour réduire le texte. Il vaut la peine de lire tout le chapitre.

Daniel 12.1-2 Ézéchiel 37.6, 12-14
1En ce temps-là se dressera Michel, le grand Prince,
lui qui se tient auprès des fils de ton peuple.
Ce sera un temps d’angoisse
tel qu’il n’en est pas advenu depuis qu’il existe une nation
jusqu’à ce temps-là.
En ce temps-là, ton peuple en réchappera,
quiconque se trouvera inscrit dans le Livre.
2Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront,
ceux-ci pour la vie éternelle,
ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle.

 

6Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître sur vous de la chair, j’étendrai sur vous de la peau, je mettrai en vous un souffle et vous vivrez ; alors vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR. »

12C’est pourquoi, prononce un oracle et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Je vais ouvrir vos tombeaux ; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. 13Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR quand j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple. 14Je mettrai mon souffle en vous pour que vous viviez ; je vous établirai sur votre sol ; alors vous connaîtrez que c’est moi le SEIGNEUR qui parle et accomplis – oracle du SEIGNEUR. »

 

[8] Le tremblement de terre rappelle les paroles de Zacharie 14.4-5.

[9] Craig L. Blomberg dans, Carson D.A. and Beale, G.K., Commentary on the New Testament use of the Old Testament, Baker Academic, Appolos, Grand Rapids, Michigan, 2007, p.98.

[10] Blomberg, p.98

Une déclaration étrange après la résurrection (partie 2 suite): Les témoins de Jéhovah et Jean 20.28 

« Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jean 20.28)

Probablement dans votre entourage, vos connaissances, ou quelqu’un au travail, est Témoins de Jéhovah. Nous savons que les Témoins de Jéhovah n’ont pas la même conception de Jésus que nous pouvons l’avoir, nous chrétiens évangéliques. Ils doivent eux aussi interpréter ce passage (Jn 20.28) et en offrir une explication conforme avec leur compréhension de Jésus. Prendre ce verset pour ce qu’il déclare est extrêmement difficile pour eux, car ils croient au mieux que Jésus est une divinité de « second rang », comme on le verra. Enfin, ils donnent quelques explications pour harmoniser avec ce qu’ils croient :

  1. C’est une exclamation de surprise.

« Mon Seigneur ! Mon Dieu! » Il serait surprenant que ce texte s’interprète de cette façon. La première réponse de Thomas serait de nature blasphématoire et vulgaire. Nous savons que chaque culture a ses expressions grossières qui leur sont propres  et ici c’est ce que Thomas ferait. Ce serait invraisemblable pour au moins trois raisons :

  1. Parce que Thomas est un juif dévoué et le mot « Dieu » vient avec son bagage juif de considération.
  2. Même si cela était possible, cette interprétation tombe en considérant le mot « et », qui la rend ridicule.
  3. Advenant que ce soit le cas, cela voudrait dire que Jésus accepte l’adoration de Thomas.

Cette première tentative est plus qu’improbable, car elle ne tient pas en compte du contexte propre au texte, ainsi qu’au judaïsme de l’époque. Elle est plutôt une tentative d’imposer leur théologie sur le texte, au lieu d’être dirigé par le texte.

  1. Thomas s’adresse à Jésus en termes d’une divinité dans une position exceptionnelle devant Jéhovah.

C’est probablement l’explication la plus courante et la plus développée. Voici en quoi elle consiste dans leur livre Comment raisonner à partir des Écritures, dans la citation intégrale :

« Rien ne s’opposait à ce que Thomas appela Jésus ‘’Dieu’’, si c’est bien là ce qu’il a voulu dire? Cela s’harmoniserait avec un texte des Psaumes que Jésus a cité dans lequel des juges puissants sont qualifiés de ‘’dieu’’. (Jean 10;34, 35, Tob; Ps 82.1-6.) Bien entendu, Jésus occupe une position de loin supérieure à celle de ces hommes. En raison de sa position exceptionnelle vis-à-vis Jéhovah. Jésus est appelé ‘’le dieu fils unique’’ en Jean 1 :18 (MN; voir également GL, CT, VB). Par ailleurs, Essaie 9 :6 le qualifie en termes prophétiques de ‘’dieu puissant’’, mais pas de Dieu Tout-Puissant. Tout cela s’accorde avec le fait que Jésus est décrit comme étant ‘’dieu’’, ou un ‘’être divin’’, en Jean 1 :1 (MN, CE). »[1]

Il y a plusieurs éléments à considérer dans ce paragraphe :

  1. La conception de l’argument : En logique nous appelons cela une pétition de principe. Il nous demande de considérer comme admis ce qui doit être démontré. C’est-à-dire, que la réponse est déjà orientée d’une certaine façon vers la conclusion. Voilà la forme de l’argument :
    1. « Rien ne s’opposait à ce que Thomas appela Jésus ‘’Dieu’’ […]»
    2. « […] si c’est bien là ce qu’il a voulu dire? »
    3. « Cela s’harmoniserait avec […] »

En fait cela s’harmoniserait avec leur propre vision à savoir que Jésus n’est pas Dieu. Mais c’est justement cela qu’il faut démontrer. Le psaume cité en Jean 10.34-35 ne concerne pas Jésus directement. Il s’adresse aux juifs qui jugent Jésus justement parce qu’il s’est fait Dieu (Jn 10.33). Les juifs eux-mêmes reconnaissaient qu’ils se faisaient Dieu, et c’est la raison pour laquelle ils voulaient le lapidé (Jn 10.33).

  1. Ils orientent leur interprétation selon deux versets tirés de l’évangile de Jean, qui est évidemment interprété selon eux comme « Jésus = être divin » (Jn 17.3; 20.17). La démonstration n’en est pas faite. Ils ont simplement commencé en supposant la question résolue, en y trouvant ce qui est déjà déterminé. C’est une orientation théologique tendancieuse. À titre d’exemple, il mentionne que le Fils est qualifié en « […] termes prophétiques de ‘’dieu puissant’’, mais pas de Dieu Tout-Puissant. » Il faut simplement lire le verset au complet pour répondre à cela et y voir qu’il est aussi appelé Père éternel:

« Car un enfant nous est né, Un fils nous est donné, Et la souveraineté (reposera) sur son épaule ; On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix.» (Esaïe 9.5 CL [6])

  1. Il commence dans la reconnaissance que Thomas a appelé Jésus « Dieu » [D majuscule] et que rien ne s’y opposait. Par la suite, dans le texte jamais il est appelé « Dieu », mais bien « dieu » [d minuscule]. Malgré cela, leur Traduction du monde nouveau conserve le « D » majuscule[2], ainsi que leur texte grec interlinéaire.[3]

Il semble que rien ne s’opposait à appeler Jésus « Dieu », à l’exception de leur théologie. Suite à ce paragraphe, immédiatement ils nous annoncent que « le contexte nous aide à tirer les bonnes conclusions. »[4] Voilà qui nous intéresse. Cela commence par un rappel de Jean 17.3 ou Thomas aurait entendu Jésus prier qu’à son Père comme « au seul vrai Dieu ».[5] Ensuite,

« Une fois ressuscité, Jésus avait fait dire à ses apôtres, dont Thomas, qui venait de voir Jésus et de toucher Jésus ressuscité, l’apôtre Jean a déclaré : ‘’[Ces signes] ont été [rapportés] pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.’’ (Jean 20 :31, Tob). Par conséquent, si quelqu’un en était venu à penser, sur la foi des paroles de Thomas, que Jésus lui-même est le ‘’seul vrai Dieu’’ ou ‘’Dieu le Fils’’ au sein de la trinité, il aurait intérêt à reconsidérer la déclaration de Jésus (v.17) et la conclusion très claire que tire l’apôtre Jean. »[6]

Faisons quelques observations encore une fois :

  1. Ils font seulement allusion au contexte du chapitre 20 de Jean, sans les explications contextuelles nécessaires. Le contexte n’est-il pas roi?
  2. Ils font allusion encore une fois à des passages (Jean 17.3) déjà interpréter selon leur théologie. Où est la démonstration? Où sont les autres passages qui parlent explicitement de Thomas dans l’évangile (11.16; 14.5-6) qui établit le portrait de Thomas et de son doute? Nous pourrions faire une tout autre liste qui mentionne la divinité de Jésus et le fait que c’était le motif de mise à mort par la lapidation. D’ailleurs ce motif est explicitement mentionné dans les passages comme Jean 10.33 [cf. motif Jn 8.58; 11.8]. Les Témoins de Jéhovah refusent de voir que Jésus lui-même se faisait Dieu, les juifs eux-mêmes l’ayant compris.
  3. Par conséquent, la conclusion, c’est que si nous ne pensons pas comme eux nous devrions nous interroger et considérer la conclusion de Jean 20.17, 31. Dresser une christologie sur la base de deux versets, sans le contexte, c’est très difficile.

Sans revenir à tout ce que nous avons dit dans l’article précédent[7] sur le contexte du passage, nous devons admettre le caractère très personnel de la confession de Thomas, lui, juif monothéiste du premier siècle. L’évidence textuelle, historique et contextuelle ne va pas dans le sens de la compréhension des témoins de Jéhovah.

Conclusion

En traçant les grandes lignes d’une réponse aux témoins de Jéhovah, j’espère avoir rendu clair mon amour pour eux. Loin de moi l’idée des ridiculisé. Mon désir est de rendre clair l’évangile de Jésus-Christ, la bonne nouvelle de tout ce que Dieu a fait en Jésus-Christ. Cet essai tente donc d’ouvrir une brèche pour questionner les témoins de Jéhovah, mais surtout, les amené dans le texte biblique et non par la compréhension de la société des témoins de Jéhovah. Une compréhension de la divinité de Jésus est certainement nécessaire, et cela commence sans aucun doute dans les textes mêmes de la bible qui nous rapporte les événements entourant la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Le texte est Roi!

En terminant, Jésus disait en Jean 5.39 : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. »

 

 

 

 

 

 

[1] Comment raisonner à partir des Écritures, Watch Tower Bible and Tract society of Pennsylvania, 1986, p.206-207.

[2] Sans entrer dans les détails techniques, il ne respecte pas leur propre règle de grec qui fait mettre un petit « d » à Jean 1.1, 18 [lorsque Dieu est précédé d’un article défini, il faut un grand D, mais pas si l’article n’y est pas]. Il semble que les règles exégétiques sont très sélectives.

[3] The Kingdom interlinear translation of the Greek Scripture: Three bible texts. Watch Tower Bible and Tract society of Pennsylvania and International bible students association, 1985, p.513

[4] Comment raisonner, p.207

[5] Comment raisonner, p.207

[6] Comment raisonner, p.207

[7] https://www.associationaxiome.com/declaration-etrange-apres-resurrection-partie-2/

Une déclaration étrange après la résurrection (partie 2)

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »  Henri Poincaré   Dans le premier article, nous avons regardé la proposition selon laquelle le NT se construit sur l’AT. À partir des récits de la résurrection, nous avons vu que cette proposition est très difficile […]

Un évangile qui donne de la valeur aux femmes!

Jesus_kissing_his_mother_maryLes femmes « dans » la bible (Partie 2)

« La vraie féminité c’est de rendre clair au monde et de manière unique que Dieu est glorieux! »

Dans la première partie, j’ai donné deux arguments afin de répondre à ceux qui disent que la bible dit que la femme est inférieure à l’homme, surtout à partir du livre de la Genèse dans la bible. Dans le présent article, j’aimerais montrer que l’évangile donne énormément de valeur aux femmes. Même que, dans un sens, l’évangile est le fondement de cette valeur accordée aux femmes.

Encore une fois, dire que la bible et plus spécifiquement que l’évangile donne de la valeur aux femmes ne vont pas dans le sens du discours philosophique contemporain. Le célèbre auteur français Michel Onfray popularise l’idée selon laquelle le christianisme est inévitablement castrateur et que cette « […] machine à produire des eunuques, des vierges, des saintes, des mères et des épouses en quantités, s’effectue toujours au détriment du féminin dans la femme. »[1]

On doit cependant concéder avec justesse que la religion, surtout politisée, s’effectue généralement au détriment des femmes. Malheureusement, l’histoire nous le montre trop souvent, peu importe la religion ou la croyance, même athée. Mais c’est une affirmation qui généralise toutes les visions chrétiennes, qui absolutise le message biblique et qui ne tient pas en compte le fait que lui-même prend la première section de son livre à nous raconter son expérience de jeunesse à l’orphelinat chez des prêtres salésiens. Et avec raisons nous devons dénoncer les abus en tous genres et je lui lève mon chapeau de le faire. Cependant, je ne peux généraliser et rendre absolue sa vision du christianisme influencé grandement par son expérience et encore moins réduire l’essence du christianisme à une mécanique inévitablement dénigrante, réductrice et antiféminine.

Mon argument principal est celui-ci : Une des façons que l’on a de considérée la valeur de la femme, dans la bible, est de regarder la relation que Dieu veut que l’homme établisse avec elle.

À quoi ressemble cette relation?

Commençons par lire, en nous limitant à ce que Paul dit en Éphésiens 5.31-32 :

« 31C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux deviendront une seule chair.32Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église.»

Paul dans ce passage considère le mariage et cite un passage de la Genèse (2.24) et il y découvre un grand mystère (5.32). Pourquoi? Au risque de trop simplifier, disons simplement que Paul depuis le début de sa lettre utilise l’image d’un corps pour parler de son Église (1.23; 4.4, 12-16; etc.). Tous ceux qui mettent leur foi en Christ font partie de son corps. Ils sont l’organisme par lequel Dieu manifeste sa vie.

Paul fait un parallèle avec le mariage : Marie et femme deviennent une seule chair, comme Christ et l’église deviennent un même corps. Paul utilise le mariage comme une image représentant notre union avec Christ. « Une seule chair » versus « un corps ». Et Paul cite Genèse 2.24 en référence directe à l’union de Christ et de l’église. C’est ici que cela devient intéressant, car théologiquement, l’argument de Paul ne bouge pas des relations humaines de mariage vers Christ et l’Église. Plutôt, Christ et l’Église dans leur relation d’amour sont le paradigme pour le mari et la femme dans la genèse.[2] Autrement dit, Paul cite un texte concernant la création et le mariage et il dit : J’ai conçu le mariage sur le modèle de l’amour que Christ a pour son Église.

 

L’amour de Christ pour son Église : Notre modèle

Inévitablement, cela soulève la question : quel est donc le modèle d’amour? À quoi ça ressemble? Qu’est-ce ça mange en hiver? En fin de compte nous pouvons le résumer assez rapidement : « […] l’Église de Dieu qu’il s’est acquise par son propre sang. » (Actes 20.28). L’Église est précieuse au point de donner sa vie!

L’évangile vous donne de la valeur d’au moins deux façons :

  1. Dans la joie que nous devons y trouver. La bible énonce une vérité étonnante : « Que chacun aime sa femme comme lui-même » (Eph 5.33). Tous nous cherchons notre joie et notre bonheur. Et voici une vérité biblique : c’est que l’amour véritable recherche sa joie dans celle de l’être aimé. Nous sommes appelés à trouver notre joie dans notre relation. Le Seigneur ne nous demande jamais de nous réjouir en quelque chose qui n’a pas d’importance.
  2. La relation d’amour que nous devons avoir avec nos femmes est semblable à celle de Christ et de l’église (5.25). Quelle valeur elle a pour la comparer à l’amour de Christ envers l’église. Il s’est donné. Il avait un plan et il avait comme dessein pour de nous racheter au prix de son propre Fils. Et c’est exactement ce qu’il nous dit : tu l’aimeras exactement comme cela.

Tu vas l’aimer au point que jour après jour tu te donneras pour elle. Jésus s’est donné pour vous. Vos femmes de même ont une si grande valeur que tu te donneras pour elle.

Mettre les pièces ensemble!

Mettons les choses en ordre : Dieu n’existe pas pour rendre gloire à la femme. La femme existe, afin de rendre Gloire à Dieu. Elle existe afin de rendre clair au monde que Dieu est merveilleux. Quand Dieu a dit ses intentions concernant sa création en Es 43, il a dit que ce qu’il a créé est pour sa gloire. La femme existe pour la gloire de Dieu. Et donc, la place privilégiée, c’est celle d’être une image de Dieu qui reflète sa gloire. C’est privilégié non pas parce qu’elles sont supérieures. Mais parce que Dieu les a créés aussi pour sa gloire et il leur accorde une grande valeur.

Si vous tentez de réduire la féminité à des caractéristiques physique et/ou à des fonctions biologiques, à une place dans la société à travers les compétences, vous diminuer l’évangile, et par conséquent votre valeur. C’est un message qui est faux. Les femmes ne sont pas des compétitrices avec nous, contrairement aux messages féministes qu’on entend trop souvent. Elles sont nos égales en nature, mais différentes dans leurs expressions!!! À de trop nombreuses places dans le monde on met les femmes plus bas que des animaux, mais

« Il existe une différence énorme entre la contemplation d’une aurore boréale avec votre conjoint et l’observation du même phénomène en compagnie de votre chien[3]. »

La bible est littéralement contre cette pensée. Un des plus beaux passages de la bible concernant nos femmes, est sans doute le proverbe 31.10 : « Qui trouvera une femme de valeur? Son prix dépasse beaucoup celui des perles. » Vous avez de la valeur, plus que la beauté d’une perle. Plus que sa richesse. Malheureusement, nous rendons souvent très mal cette valeur que Dieu vous accorde.

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Onfray, Michel, La puissance d’exister : Manifeste hédoniste, Grasset & Fasquelle, 2006, p.150.

[2] O’BRIEN, Peter T., The Letter to the Ephesians, Pillar New testament commentary, Apollos, Eerdmans, Grand Rapids, 1999, p. 433

[3] Piper John, Prendre plaisir en Dieu: Réflexions d’un hédoniste chrétien, Éd. La Clairière, Coll. Sentier, Québec, 1995, p.170

Les femmes « dans » la bible (Partie 1): Une réponse à ceux qui pensent que la bible dénigre les femmes!

Ce que je m’apprête à faire est dangereux, c’est-à-dire, écrire un article sur la valeur des femmes dans la bible. Nous sommes en terrain glissant, car nous entendons tellement de préjugés et de critiques que souvent on considère comme vraie, tel que « que la bible donne peut de valeur à la femme ». Mais j’aimerais donner une réponse à ce préjugé. Au contraire, la bible accorde une grande valeur aux femmes.

Plusieurs mouvement aujourd’hui attaque directement l’identité féminine ou la déforme complètement. Encore dernièrement, j’entendais une entrevue ou on a discuté de la femme dans les religions. Et lors de l’entrevue on a parlé de la création (dans la Genèse) et on nous traitait de fondamentaliste et la bible, disait-on, est le pire livre religieux et le plus détaillé concernant l’identité de la femme. Du point de vue de la bible, d’après ce point de vue, la femme est inférieure depuis le début. Après tout, elle est tirée de l’homme, et cela la rend inférieur!

Je ne veux pas minimiser les actes de tous les groupes à travers le temps qui ont réduit les femmes à un simple objet ou encore sur le dos de la bible ont justifié des actes qui sont carrément aberrants. Et il faut le dire. Mais cela n’est pas le fruit d’une conception biblique.

Quelques réflexions :

  1. Ce genre de commentaire reflète premièrement une ignorance du contexte et un rejet du texte dans son contexte littéraire.
  2. Cela souligne une ignorance du genre littéraire et mène à de mauvaises interprétations, si au minimum, ils ont lu le texte.
  3. En plus d’être tendancieux, c’est le genre d’argument qui est orienté vers un préjugé que l’on qualifie de religieux et comme c’est religieux c’est nécessairement dévalorisant pour les femmes.
  4.  On nous demande d’accepter comme vraie[1] leur conclusion humaniste, sans même nous démontrer soit que nous avons tords ou encore qu’ils ont raison. C’est toujours facile de prendre des extrêmes et de ridiculiser les chrétiens.
  5. Souvent, la ligne de pensée est fortement influencée et dirigée par l’image véhiculée dans la tradition ou la culture, sans référence au texte. Autrement dit, on interprète la bible avec le Journal de Montréal.

1reréfutation : C’est hors contexte

Dans le contexte de Genèse 2 : Dieu a d’abord créé Adam et là placé seul dans le jardin et lui a donné son commandement de ne pas manger le fruit (2.16-17). Puis au verset 18 il dit :

« L’Éternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis. » (2.18)

Cela indique que Dieu a créé Adam comme un être de communication et de partage. Dieu nous a créés pour être des communicateurs et ce dont une personne a besoin dans le contexte de ce chapitre, c’est d’une autre personne avec qui il peut partager l’amour de Dieu. Et comme il ne trouve pas dans la création, Dieu va lui apporter comme un cadeau (2.22). Il faut que l’autre soit autre et non pas un animal (2.19-20). Il y a une très grande différence entre contempler une aurore boréale avec votre conjoint et l’observation du même phénomène avec votre chien.

J’attire votre attention sur 2.23 :

« Et l’homme dit : Cette fois c’est l’os de mes os, La chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme. Car elle a été prise de l’homme. »

1)      La femme est de même nature que l’homme.

2)      La joie subjective d’Adam en face de celle qui os de ses os. Nous avons tendance à lire ce passage comme si c’était le texte le plus monotone qui soit. Mais il y a un contraste établi avec sa recherche avec les animaux. Si on lit le verset « littéralement »[2] :

« WATATOW… TU M’AS-TU VU LA BEAUTÉ… WOW »

Et de là, la bible tire la conclusion[3] sur le mariage de l’union avec elle. Dieu a créé l’homme et de là il a tiré la femme et lui a amené une femme devant lui pour découvrir c’est quoi être une seule chair dans une communion vivante. Il quittera son père et sa mère, parce que Dieu lui  amené quelqu’un d’autre[4] (2.24).

Bien qu’il existe plusieurs débats sur le genre littéraire (poésie, historique, symbolique, etc.) ça n’importe peu pour voir que le texte est empreint d’amour de l’homme envers sa femme et de Dieu envers sa création. Nous devons donc rejeter les arguments faciles hors contexte pour penser que Dieu n’accorde pas valeur à la femme à partir de ces textes.

 

2e réfutation : C’est illogique

Le raisonnement dans la Genèse est le suivant :

1)      Tout ce qui est créé dans l’image de Dieu à une grande valeur

2)      La femme est créée dans l’image de Dieu

3)      Donc, la femme a une grande valeur

 

Ce qui est créé à l’image de Dieu dans la bible a une grande valeur et le texte est clair sur cela et il donne plusieurs indications à cet effet[5]. Il est donc capable de relation, de communication et de connaissance. Et le texte est clair que ce n’est pas seulement l’homme qui porte l’image de Dieu, mais « homme et femme » (1.27). En plus, cela indique une valeur, une importance et une dignité égale et l’auteur va ajouter à deux reprises que la femme est son « vis-à-vis » (2.18, 20), littéralement « face à face ». L’auteur rend clair que nous sommes égaux dans notre nature, mais différent dans notre expression. Nous sommes donc complémentaires.[6] Homme et femme reflètent de manière différente, pour ainsi dire, l’image de Dieu.

 

Conclusion :

Mes conclusions sont simples et directes :

 

  1. On doit rejeter l’idée que « le livre de la Genèse dit que la femme est inférieure à l’homme. » C’est hors contexte et illogique.
  2. On ne doit pas baser notre jugement sur un préjugé fallacieux et tendancieux.
  3. On doit dénoncer les extrémistes chrétiens ou autres, qui voudraient diminuer la femme en importance, en stature ou en valeur.


[1] En philosophie, on parle d’une  « pétition de principe ».

[2] Blague… C’est pour noter la joie d’Adam.

[3] 2.24 commence par « C’est pourquoi » s’appuyant sur le verset 2.23.

[4] Le verset à la base du mariage.

[5] 1)          Dans la progression du texte, la création de l’homme est le pinacle de la création.

2)            Il est le seul à qui est introduit de façon personnelle de la part de Dieu. « Faisons l’homme à notre image »

3)            Dans les versets 1.26-27, « image de Dieu » revient à 3 reprises.

4)            Utilisation d’un terme différent pour créer l’homme. Il désigne un potier qui façonne l’argile de ses mains.

5)            Il est donné la place de direction sur la création

6)            Il est consacré un chapitre supplémentaire sur leur création avec plus de détails.

[6] C’est ce que l’on appelle le complémentarisme, qui dit que nous sommes égaux dans notre nature et différent en notre expression. Homme et femme sont complémentaire et non en opposition.

QU’EST-CE QUE L’HERMÉNEUTIQUE ?

Écrit par Gilles Despins

Le mot ‘herméneutique’ est tiré du mot grec herméneia qui signifie ‘interprétation’. Il se réfère à la discipline d’interprétation du texte biblique et aux règles qui dirigent ce processus. Ces règles sont reliées aux mots du texte, à la structure, à la forme littéraire, au contexte et à l’arrière-plan. L’herméneutique est particulièrement déterminée par les présupposés concernant l’inspiration de la Bible et son inerrance[1]. L’herméneutique peut aussi être fortement sous l’influence des présupposés de l’interprète concernant les alliances bibliques, les différentes dispensations et la distinction entre Israël et l’Église.

 Mais c’est en fait notre herméneutique qui devrait déterminer notre système théologique. L’application de principes herméneutiques appropriés renforcera l’objectivité, forçant l’interprète à mettre de côté ses tendances. L’utilisation générale de l’Ancien Testament par Christ et les apôtres laisse comprendre qu’ils l’ont interprété dans son sens normal, c’est-à-dire avec une herméneutique littérale grammaticale-historique et ce, de manière cohérente.

 

L’HERMÉNEUTIQUE LITTÉRALE GRAMMATICALE-HISTORIQUE

Ceci signifie que la Bible devrait être interprétée et comprise dans son sens normatif, en appliquant les règles suivantes : 

  1. Culture – l’arrière-plan historique et culturel.
  2. Interprétation littérale – le sens d’un mot est déterminé par son usage normal.
  3. Contexte – l’étude d’un passage dans le paragraphe, dans le chapitre, dans le livre, et dans la Bible.
  4. Passages parallèles et cohérence théologique – il n’y a pas de contradiction dans la Bible.

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE L’HERMÉNEUTIQUE LITTÉRALE ET L’HERMÉNEUTIQUE ALLÉGORIQUE ?

L’herméneutique littérale cherche à interpréter les mots dans leur sens normal, selon leur usage normal. À l’opposé, l’herméneutique allégorique “cherche à attribuer aux mots un sens secondaire qui n’est pas exprimé par les mots.”[2] Avec ce genre d’approche, il n’y a pratiquement aucune limite à l’interprétation: on peut faire dire au texte ce qu’on veut qu’il dise. Il n’y a probablement pas de meilleure façon pour justifier des concepts théologiques et des doctrines que d’interpréter le texte allégoriquement. Mais les concepts théologiques et les doctrines doivent provenir d’une approche herméneutique correcte; il faut chercher ce qui sort du texte et non pas ce que nous voulons y trouver.L’approche littérale grammaticale-historique reconnait également les formes littéraires particulières, les figures de style, et le symbolisme; mais ils sont facilement identifiables à l’intérieur de leur contexte. Il est probablement exagéré de qualifier l’interprétation allégorique comme étant ‘satanique’, comme Calvin l’a fait[4], mais elle doit être rejetée en raison de son incohérence.

 

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE L’HERMÉNEUTIQUE LITTÉRALE ET L’HERMÉNEUTIQUE DE LA SPIRITUALISATION ?

L’allégorisation et la spiritualisation sont souvent confondues. Il est vrai que ces deux méthodes utilisent l’interprétation non-littérale des mots mais elles sont quand même distinctes. Christopher Cone a écrit: “Alors que l’herméneutique allégorique cherche en fait à résoudre les difficultés textuelles soulevées par l’interprétation littérale, la spiritualisation cherche un sens plus profond dans le texte et utilise la méthode allégorique pour y arriver.”[5] La spiritualisation est particulièrement utilisée dans la prophétie, ce qui résulte en un manque d’objectivité.

 

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE L’HERMÉNEUTIQUE LITTÉRALE ET L’HERMÉNEUTIQUE DU GENRE ?

L’importance de l’étude de la forme littéraire est reconnue par tous les étudiants et érudits de la Bible. La Parole de Dieu nous est parvenue dans plusieurs formes littéraires. Scot McKnight écrit: “Les différents genres méritent tous leur propre manuel de principes d’interprétation.  Mais il ne fait aussi aucun doute que l’analyse grammaticale, les études de mot, la critique textuelle et le contexte culturel et historique doivent tous être considérés peu importe la forme littéraire”[6]. Bien que le genre soit important dans l’herméneutique, il ne doit pas être le principal facteur d’interprétation. L’approche littérale grammaticale-historique doit être constamment utilisée, peu importe la forme littéraire.



[1] L’inerrance des Saintes Écritures signifie que la Bible, ou plutôt, les manuscrits qui sont à l’origine de la Bible, ne contiennent aucune erreur, parce qu’ils ont été directement inspirés. Par contre, la copie et la traduction des manuscrits, étant exécutés par la science et la main de l’homme, ne sont pas absolument exempts d’erreurs. Mais il faut avouer que les erreurs dues à l’intervention humaine sont généralement de peu d’importance. Ces erreurs ne concernent pas les doctrines essentielles de la foi. Elles sont particulièrement mineures et en petit nombre.

[2] Couch, Mal,  AN INTRODUCTION TO CLASSICAL EVANGELICAL HERMENEUTICS, p.37.

[3] Ibid., p.37.

[4] Enns, P. P., THE MOODY HANDBOOK OF THEOLOGY, p.447.

[5] Cone, Christopher, PROLEGOMENA, p.138.

[6] McKnight, S., INTRODUCING NEW TESTAMENT INTERPRETATION, p.9.