Ce que la science nous dit sur la question de l’origine

L’expérience Médium large

Pour faire suite au privilège d’avoir participé à une discussion radiophonique de Radio-Canada, Médium large : Ces fiers créationnistes qui voient Dieu dans les trous de la science, il me semble pertinent d’écrire un mot complémentaire sur ce que la science peut nous dire sur ce sujet. En effet, avec ce temps court et un sujet qui peut entraîner des discussions très variées, le sentiment général à la fin de cette émission était que beaucoup de ces sujets n’ont été qu’abordés sommairement.

La question de l’origine

Un sondage montre que 40 % des Canadiens croient en un univers créé par Dieu. On peut se demander si c’est dû à un manque de connaissance ou si ce point de vue est valable. Cette question est très large et est sujette à un examen philosophique, culturel, sociologique et scientifique. Pour répondre à la question de ce que la science a à dire à sur ce sujet, il faut d’abord définir ce qu’est la science.

Ce qu’est la science

La science est un modèle de la réalité utile à l’avancement de nouvelle technologie et la compréhension pragmatique du monde dans lequel nous vivons.

« La démarche scientifique n’utilise pas le verbe croire; la science se contente de proposer des modèles explicatifs provisoires de la réalité; et elle est prête à les modifier dès qu’une information nouvelle apporte une contradiction. »
Albert Jacquard – Petite philosophie à l’usage des non-philosophes, 1997

En science, il existe souvent plusieurs modèles distincts d’une même réalité par exemple la mécanique classique, la relativité et la mécanique quantique. Si l’on prend par exemple le phénomène d’attraction gravitationnelle dans ces trois descriptions scientifiques du monde. La mécanique classique décrit cette attraction par la gravitation universelle, une équation simple de description d’interaction de deux corps en relation. La relativité qui décrit la gravité comme une déformation de l’espace-temps permet à son tour d’inclure et dépasser les limites applicables de la théorie classique. Cependant, la mécanique quantique ne possède pas à ce jour de théorie quantique de la gravité qui soit applicable et vérifiable expérimentalement.  En d’autres mots, la science est une image imparfaite et pragmatique de notre monde réel. Cette image imparfaite de la réalité est selon l’esprit scientifique toujours mis à jour et améliorer pour refléter plus adéquatement la réalité.  

Il arrive que la science soit prise dans des paradoxes quelquefois déroutants. Un de ces paradoxes les plus connus est la dualité onde-corpuscule. Un photon, particule élémentaire de la force électromagnétique, se comporte tantôt comme une particule, tantôt comme une onde. Malgré ces paradoxes, le souci de cohérence en science est très important, même vital, à l’élaboration de nouvelles théories. 

Ce qui est considéré comme un fait scientifique ne provient pas d’une preuve absolue, mais de l’accumulation satisfaisante de données expérimentales directement attribuables à une équation ou un concept proposé. C’est pour cette raison que la science est toujours en construction. Certaines lois scientifiques n’ont jamais été démenties (comme c’est le cas des deux premiers principes de la thermodynamique), d’autres perdent leur fiabilité dans un contexte particulier (comme la mécanique classique pour des vitesses s’approchant celle de la lumière ou les équations de la mécanique des fluides dans un capillaire ou le nombre d’atomes est quantifiable).

Ce que la science a à dire

Un paradoxe très intéressant de la science nous mène à la question origine. Ce paradoxe provient des principes de la thermodynamique.

Ce premier principe concerne la conservation de l’énergie/matière. On ne crée pas l’énergie, on la transforme. Ce principe est aussi une loi générale pour toutes les théories physiques. On ne lui a jamais trouvé la moindre exception. Comme dit l’expression latine :

ex nihilo nihil fit

Rien ne vient de rien.

Ou brillamment dit par Lavoisier :

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

De ce principe – si l’on accepte une vision du monde purement matérielle – vient l’obligation de l’existence éternelle de la matière. Chaque atome de l’univers chaque quantum d’énergie aurait toujours existé sous une forme ou un autre. Jusque là, le monde peut s’expliquer d’une manière purement matérielle.

Le deuxième principe de la thermodynamique introduit la notion d’irréversibilité d’une transformation et la notion d’entropie. Il y a donc une dégradation de l’énergie irréversible. L’entropie d’un système isolé augmente, ou reste constante. Ce principe peut être illustré comme suit :

Tout tend à passer de l’ordre au désordre; du complexe au simple.

On observe cette entropie tous les jours dans notre monde. Cette accumulation d’entropie et son irréversibilité dans un système fermé comme l’univers demande clairement un état initial et un état final. Ce qui vient contredire la conclusion obtenue par une vision purement matérielle du monde avec le premier principe de la thermodynamique. 

  • La science elle-même, en particulier la thermodynamique, nous indique clairement qu’une vision purement matérielle de l’univers n’est simplement pas cohérente!

Cette conclusion est étonnamment rejetée par plusieurs scientifiques, cependant l’alternative demande un bris de la logique ou de l’un de ces deux principes scientifiques inébranlables.   

La cohérence scientifique

Le seul point de vue cohérent qui reste est donc l’existence d’un système non soumis à l’une de ces lois de la thermodynamique et les seul candidats connus a ce jours sont en dehors de du monde naturelle.  

Conclusion

Les deux lois de la thermodynamique indiquent que l’existence d’un système extérieur à l’univers non soumis à ces lois est donc nécessaire pour réconcilier la logique et la science.

Bien sûr, la croyance en un être surnaturel n’est pas motivée uniquement par la réflexion présentée ici. Beaucoup d’autre réflexion basée sur des arguments scientifiques, philosophie et sur l’expérience me permette de croire au Dieu de la Bible en toute intégrité intellectuelle et scientifique. Être un chrétien scientifique, sauvé par grâce, me donne la joie de pratiquer a mes activités préférer : remettre en doute les idées préconçues, poser de nouvelles questions et de nouvelles hypothèses avec un accès illimité a celui qui à inventé toutes ces merveilles et qui à le pouvoir de sauvé ou détruire l’âme et le corps.

Je voudrais remercier David Haines qui a effectué les démarches pour cette participation à la radio, Candide Proulx Recherchiste en chef chez Radio-Canada et Catherine Perrin de Médium Large pour le plaisir de cette belle expérience.

 

 

 

Alvin Plantinga : par où commencer?

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Alvin Plantinga

Si vous lisez régulièrement le blog de l’association axiome, vous verrez que le nom d’Alvin Plantinga revient assez souvent. C’est un philosophe chrétien évangélique prolifique, souvent reconnu comme étant un des plus grands philosophes analytiques contemporains, et il est grandement responsable pour la véritable renaissance de la philosophie chrétienne qui s’est produite dans les départements de philosophie des universités anglo-saxonnes ces 50 dernières années.

Il écrit sur des sujets cruciaux, argumente avec une rigueur à l’épreuve des balles, et en plus trouve le moyen d’avoir un sens de l’humour très fin, de telle sorte que certaines de ses phrases sont tout bonnement hilarantes, tout en argumentant de manière très sérieuse. En bref, c’est un régal de le lire, quelque soit le sujet.

Evidemment, pour le lire en français, il faut se lever de bonne heure; mais si vous lisez correctement l’anglais et que vous voulez vous lancer dans des lectures du grand maître de la philosophie analytique chrétienne, voici un petit guide de lecture.

Quel livre lire en premier? Cela dépend de vos centres d’intérêt. Quel sujet vous intéresse-t-il? Voici certains de ses chefs d’oeuvre que vous trouverez intéressants:

warranted-Si vous êtes intéressés par la notion du savoir, de la connaissance, et de la rationalité de toute croyance, et plus particulièrement de la croyance en Dieu, alors Plantinga est l’expert. Cette discipline qui s’intéresse au savoir, s’appelle l’épistémologie. Contrairement aux théories prévalantes au siècle des lumières, Plantinga affirme et défend la thèse que le savoir ne requiert pas nécessairement un argument ou une preuve. Il montre qu’il y a toutes sortes de choses que l’on sait, et pourtant sans argument: ce sont des croyances “proprement basiques”. Plantinga offre alors un modèle pour évaluer si l’on peut savoir que Dieu existe, sans argument: il offre un modèle de ce qu’il appelle le “Warrant”, qui est cet ingrédient supplémentaire à la croyance, pour que cette croyance devienne une instance de savoir, et montre ensuite que selon ce modèle un croyant pourrait tout à fait être justifié, rationnel, “warranted”, dans son savoir que Dieu existe, même sans argument. (Et il ne dit pas que nous n’avons pas de bon argument pour l’existence de Dieu, il dit simplement que même si on n’en n’avait pas, cela ne serait pas suffisant pour rendre le théisme irrationnel).

Pour ces sujets, il faut lire son tome classique “Warranted Christian Belief”, qui est en fait le volume 3 de sa trilogie sur le Warrant. Récemment, il vient de publier une version plus courte et plus accessible, appelée “Knowledge and Christian Belief”, que je conseille donc très fortement.

nature-necessity-Si vous êtes intéressés par la question du problème du mal, et du libre arbitre, Plantinga est l’artisan de la soi-disante “défense du libre arbitre”. Il écrit  beaucoup sur ce sujet, impliquant des notions de “logique modale”, et son classique académique en la matière est “The Nature of Necessity”. Il est assez opaque, mais je le conseille fortement, le jeu en vaut la chandelle. Si vous n’avez pas encore lu ce genre de traité difficile de philosophie analytique, vous pouvez préférer son volume un peu allégé et plus accessible, appelé “God, Freedom and Evil”. Après avoir discuté les concepts de logique modale nécessaires, Plantinga les applique à la fois au problème du mal, et au célèbre “argument ontologique” pour l’existence de Dieu. Il a redonné un souffle intéressant à cet argument classique.

conflict-Si vous êtes intéressé par la relation entre la science et la foi, l’évolution et la création, Plantinga a offert encore un argument original et classique, qui consiste à dire que le naturalisme et l’évolution ne sont pas affirmable rationnellement: l’un et l’autre ne vont pas ensemble. Plantinga affirme que si Dieu n’existe pas, et que l’évolution est vraie, alors nos facultés cognitives sont le résultat de mutations génétiques aléatoires et de la sélection naturelle, dans le but non pas de découvrir la vérité, mais de survivre et de se reproduire. Si c’est le cas, Plantinga affirme, alors nos facultés cognitives ne sont pas fiables pour accéder à la vérité, puisque ce n’est pas leur fonction. Mais alors si on ne peut pas faire confiance à nos facultés cognitives, on ne peut pas faire confiance à toutes les croyances qu’elles nous procurent: cela inclut le naturalisme et l’évolution. Un argument fascinant.

Pour ce genre de sujet, lire son tome “Where the Conflict Really Lies”, ou bien de manière plus compacte, une critique en ligne de Richard Dawkins’ (cliquez ici), dans laquelle il défend le même argument, le “evolutionary argument against naturalism”.

Les livres ci-dessus sont tous des chefs d’oeuvres qui valent la peine, mais je répète en conclusion que tout ce que touche Plantinga est en général de haute qualité, et il est difficile de se tromper. Alors si vous lisez l’anglais, que vous aimez résoudre des puzzles logiques au sujet de la défense de la foi chrétienne et que vous voulez apprendre un peu de philosophie analytique pour répondre à ce genre de questions, lancez-vous et attrapez un volume d’Alvin Plantinga, vous ne le regretterez pas.

Une vierge, Une souris et la biologie – Réflexion sur la naissance virginale de Jésus

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J’aimerais simplement faire quelques réflexions pour ce temps des fêtes concernant Noël. On proclame beaucoup que « le sauveur est né », mais on se soucie souvent moins du contexte dans lequel il est né. Soyons directs : il est né d’une vierge !

Peut-on croire que Jésus est né d’une vierge? Il est évident que deux visions s’affrontent aujourd’hui. D’une part, ceux qui croient que tout ce qui existe est matériel (matérialiste ou naturaliste) et d’autre part ceux qui croient en l’existence du surnaturel. Et l’argument le plus souvent avancé aujourd’hui contre la naissance virginale de Jésus provient de la science : c’est une impossibilité biologique. Ou encore, c’est hautement improbable.

La biologie aujourd’hui est une science développée qui nous montre pratiquement dans les détails comment un enfant est conçu. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que ça prend toujours un mâle et une femelle pour concevoir un enfant. Une conception virginale demande d’avoir une espèce de génération spontanée du « sperme masculin », ce qui va à l’encontre des lois de la biologie. Aucune expérimentation en laboratoire n’a pu reproduire cela. D’un point de vue purement matériel : Ça ne se peut pas!

Si nous analysons la façon dont un humain est conçu, nous voyons qu’à tous les coups la conception est faite avec mâle et femelle. Et avec la masse d’évidence reproduite des millions de fois nous avons cette loi biologique. Mais est-elle une loi absolue? Le fait qu’une chose ne puisse être reproduite en laboratoire ne signifie pas qu’elle ne se soit jamais produite. Dans chaque cas de reproduction, il existe une tonne de variables à tenir en compte.

Dans le cas d’une naissance virginale, il y a une variable que le modèle matérialiste ne prend pas en compte : Dieu. La réalité de Dieu agissant réellement dans l’histoire. Il faut l’inclure dans notre modèle, car ceux qui revendiquent ce genre de naissance pour Jésus l’incluent. Voyez-vous un scientifique peut discuter de la probabilité ou l’improbabilité d’une théorie, mais jamais son impossibilité. Car pour cela il faudrait qu’il connaisse toutes les lois qui régissent l’univers. Nous sommes en présence d’un événement unique, qui relève beaucoup plus de l’histoire que de la science en laboratoire. La science s’intéresse à ce qui se produit de façon répétitive, non aux événements uniques.

En fin de compte, l’argument contre les chrétiens concernant le miracle, c’est qu’il implique un événement unique. Mais nier un événement parce qu’il est unique n’est pas faire preuve d’un esprit scientifique, mais plutôt de préjugé. Il suffit de penser à l’origine de l’univers qu’ils nomment eux même « singularité ». C’est un terme scientifique pour parler d’un événement unique, pourtant. Peut-on l’étudier? Avant d’étudier des centaines de souris pour voir comment la conception se fait, il faut étudier une souris. De même, avant d’analyser la vie de Jésus il faut accepter le premier. Car la vie au complet de Jésus est une série d’événements uniques. Ceux qui ont entouré Jésus durant sa vie ont été surpris eux aussi de ce qui passait. Beaucoup avaient du mal à croire ce qui se passait, malgré le fait qu’ils étaient dans une société ou la valeur commune était l’existence de Dieu. Ils n’étaient pas matérialistes, alors imaginez nous!

La foi chrétienne tient ferme ou s’écroule avec le caractère unique de Jésus-Christ! Jésus-Christ est unique. Le contexte ne laisse place à aucun doute quant à la parole adressée à Marie. À propos de la conception dans le sein de Marie ainsi que la grossesse de sa cousine Élisabeth, l’ange ajoute : « Car rien n’est impossible à Dieu. » (Luc 1.37) La question de l’impossibilité est soulevée précisément parce que l’annonce faite par l’ange enfreint les lois de probabilité. Les auteurs du Nouveau Testament étaient comme nous, aussi critiques que nous pouvons l’être. Ils savaient eux aussi que pour faire une souris ou un bébé, il faut un mâle et une femelle. Il ne faut pas penser qu’ils étaient tous des épais parce qu’ils n’avaient pas de microscope électronique.

Rappelons-nous ceci :

  1. Un chrétien ne croit pas à une naissance virginale sans Dieu!
  2. Un chrétien, tout comme le non-chrétien, trouve ridicule une naissance humaine virginale, sans Dieu.
  3. Mais, les chrétiens croient en Dieu. Plus précisément un Dieu qui s’investit dans sa création.
  4. La création fournit des évidences fortes en l’existence de Dieu.
  5. Par conséquent, il est probable que Dieu ait agi dans sa création.

Ces événements sont rapportés et validés par la méthode historique, par les témoins oculaires, la diversité des sources, la fiabilité des sources, voire même ceux qui rejetaient Jésus. Tout concorde pour dire que Jésus est unique.

Ce n’est pas seulement un enfant qui naît, c’est l’incarnation de Dieu. Jésus est unique.

 

Qu’est-ce que l’évangile? – Partie 2 (L’évangile est-il tolérant en condamnant?)

Dans l’avant-propos du commentaire « The death of death in the death of Christ » écrit par John Owen, J.I. Packer souligne l’urgence de retrouver l’évangile:

« Sans nous en rendre compte, nous avons, au cours du dernier siècle, troqué l’évangile pour un substitut qui lui ressemble à plusieurs égards, mais qui dans son entité, constitue une notion tout à fait différente. De là tous nos troubles, car le substitut ne peut arriver au même résultat que l’évangile authentique qui a si puissamment fait ses preuves dans le passé.»[1]              

L’observation de Packer est plus que pertinente. Si l’évangile est le fondement de la vie chrétienne et qu’il doit diriger l’église, le ministère, la sainteté, l’évangélisation, l’édification, la discipline et la vie en générale, alors c’est un véritable problème de changer cet évangile. Ce « nouvel évangile »[2] pour reprendre l’expression de Packer, échoue à la transformation du chrétien. Quel est donc le problème? Selon Packer :

« Il n’amène pas les hommes à être centré sur Dieu dans leurs pensées et n’inspire pas la crainte de Dieu à leurs cœurs, car ce n’est pas son but premier. En d’autres termes, la différence entre l’ancien évangile et le nouveau est que ce dernier s’intéresse exclusivement à « aider » l’homme – lui apporter la paix, le réconfort, le bonheur, la satisfaction – et se soucie trop peu de glorifier Dieu. »[3]

Cela met la table pour regarder le contenu de l’évangile dans la lettre de Paul aux Galates. Pourquoi? Parce qu’à la première lecture cette lettre, nous constatons qu’il y a un problème sérieux concernant l’évangile. Rapidement dans la lettre le sujet y est apporté avec un langage unique que Paul n’utilise nulle part ailleurs dans ces écrits. En effet, il y a une damnation attachée à ce sujet (1.9).

A.        Le problème des Galates concernant l’évangile

C’est une épître qui contient un avertissement que nous ne trouvons nulle part ailleurs :

« Mais si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (1.8)

Selon ce verset si nous n’avons pas le bon évangile, nous sommes damnés. Le problème n’est pas seulement que les Galates se sont trompés doctrinalement, mais bien qu’ils se sont détournés de celui qui les « […] a appelés » (1.6) pour passer à un autre évangile. C’est donc un évangile différent de celui prêché par Paul et approuvé des apôtres et par conséquent, ce n’est donc pas l’évangile (1.7)[4].

Le fait que Paul parle d’un « autre » évangile (1.6, 7) ou d’un « évangile différent » (1.8, 9), suggère qu’il y a un contenu à l’évangile. Un contenu tellement important que si nous le manquons nous ne sommes pas seulement dans l’erreur, mais on se détourne de Dieu lui-même. À première vue ce ne semble pas être une bonne nouvelle.

B. L’évangile dans Galates

Quel est donc le contenu de l’évangile, dans le contexte de l’épître aux Galates? Paul souligne un contenu minimum et irréductible commun aux autres écrits du Nouveau Testament[5]. Le langage utilisé par Paul dans son introduction, ainsi que le fait que Paul souligne qu’ils se sont détournés vers un « autre » évangile (1.6), laisse entendre que les versets qui précèdent 1.6 sont déterminants en ce qui concerne le contenu irréductible de l’évangile, car il y fait référence dans le reste de la lettre. La formulation du contenu diverge selon l’auteur, mais nous sommes capables de tracer un contenu minimum. Par exemple, F.F. Bruce souligne deux points[6] :

  1. Que Jésus-Christ s’est donné lui-même pour nos péchés (1.4a)
  2. Et que l’objectif de ce sacrifice était de nous délivrer du présent siècle mauvais (1.4b)

D’un autre côté, D.A. Carson dans un cours sur Galates[7] souligne la compréhension que Paul a de l’évangile en trois points[8] :

  1. Sa mort
  2. Sa résurrection
  3. Un certain point de vue eschatologique qui accomplit quelque chose à la fin par Jésus-Christ

Nous revenons encore à notre résumé[9] de l’évangile: « L’évangile est la bonne nouvelle de tout ce que  Dieu a fait pour nous, par son Fils unique à la croix et la résurrection. »[10] On peut ajouter beaucoup de détail[11], mais jamais moins que cela. Le contenu de l’évangile et le sérieux avertissement adressé par Paul nous font dire que « la croix est la seule voie de salut; aucune autre partie des Écritures ne le dit plus explicitement que l’épître aux Galates. »[12] C’est une déclaration d’exclusivité!

C. L’évangile est-il tolérant en condamnant?

Les religions ne se valent-elles tous pas? Par définition l’évangile en condamnant, n’est-elle pas intolérant? Il vaut la peine de rectifier quelques informations :

1)      Tout système de pensée est implicitement ou explicitement exclusif. Tout système de pensée religieux ou philosophique[13] va se réclamer d’une certaine forme d’exclusivisme.

2)      La tolérance présuppose d’abord qu’il y a au moins quelque chose de négatif (ou de faux) dans la pensée de l’autre. En dénonçant la fausseté d’une pensée (religieuse ou philosophique) nous pourrions croire que c’est intolérant, surtout pour celui qui le reçoit, mais elle peut aussi être la marque du plus grand amour qui soit! D’ailleurs, beaucoup de chrétiens par amour son mort pour annoncer l’évangile, car ils croyaient que le monde courrait à la perdition.

3)      Beaucoup réclament la tolérance par ignorance, par refus de croire, par rejet d’évidences ou par doute. Cela dispense donc de remettre en question ma propre philosophie. Il y a longtemps qu’Henri Poincaré nous disait :

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »

Il faut l’avouer, souvent ceux qui rejettent le christianisme ont raison de nous accuser. Le problème que nous rencontrons souvent de la part des chrétiens, c’est le manque d’amour. D’ailleurs, je pourrais vous raconter plusieurs moments ou moi-même j’en ai manqué. Cependant, le manque d’amour dans la communication n’est pas gage de fausseté. D’ailleurs, Paul, malgré son affirmation percutante, fait preuve d’un grand amour pastoral afin d’éviter la dérive des chrétiens de Galatie. C’est la raison pour laquelle il faut toujours lier vérité et amour.

L’évangile met en lumière nos péchés (souvent considérer condamnant), mais c’est à la fois un message de grâce disponible pour tous ceux qui croient. L’évangile est sérieux et rempli d’amour. Gardons l’équilibre dans la proclamation de la vérité et l’amour exprimé :

« […] mais en disant la vérité avec amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. » (Éphésiens 4.15)


[1] John Owen, La vie par sa mort, Édition SEMBEQ, 2010, p.10.

[2] Ibid., p.10

[3] Ibid., p.10

[4] Le problème ne se limite pas au contenu doctrinal seulement. Car nous agissons en fonction de ce que nous croyons. C’est pour cela que Paul ajoute que la vie chrétienne doit être vécue selon la vérité de l’évangile (2.14).

[5] Malgré que nous devions faire souvent la distinction entre la bonne nouvelle elle-même et sa proclamation, il n’en demeure pas moins que Paul souligne un contenu minimum irréductible, un contenu commun à son utilisation.

[6] F.F. Bruce, The epistle to the Galatians, NIGTC, Eerdmans, 1982, p.33.

[7] D.A. Carson, cours Sembeq : Épître aux Galates (2014).

[8] Dans le contexte de Galates. Voir aussi de façon plus détaillé e1 Corinthiens 15.1-8.

[9] Qu’est-ce que l’évangile, partie 1 : https://www.associationaxiome.com/quest-ce-que-levangile-partie-1/

[10] Ibid.

[11] Entre autres l’espérance que nous avons dans les promesses futures, comme ici dans Galates.

[12] D.A. Carson et Douglas Moo, Introduction au Nouveau Testament, Excelsis, Charols, 2005, p.439.

[13] Même en science. Si nous disons que tout ce que l’on peut connaître provient de la science, je rejette à la fois les systèmes qui y font moins référence ou pas du tout, à tort ou à raison.

« Guerre ouverte ? » : La science et la religion – Partie 10 de ma critique du « traité d’athéologie » de Michel Onfray

<<< Partie 9

galaxyDans la partie précédente, nous remarquions que le matérialisme de Michel Onfray n’était aucunement établi par la science (et nous offrions même de bonnes raisons de penser que le matérialisme était faux). Nous poursuivons maintenant avec la liste des thèses plus concrètes que Michel Onfray pense être établies par la science, et incompatibles avec la religion. Il se plaint ainsi des réjections de ces thèses par le croyant : « Des chercheurs croient à l’éternité du monde ? A la pluralité des mondes ? (Thèses par ailleurs épicuriennes…) Impossible : Dieu a créé l’univers à partir de rien. Avant rien, il n’y a … rien. » (p.130)

Commençons par « l’éternité du monde ». La vue chrétienne sur le sujet est effectivement que le monde n’est pas éternel dans le passé ; il a été créé par Dieu, « au commencement », selon l’expression de Genèse 1 et Jean 1. Est-ce donc un problème vis-à-vis de nos connaissances scientifiques ? Pas le moins du monde. Je ne sais pas quels scientifiques Onfray a en tête quand il nous dit que « des chercheurs » croient à l’éternité du monde, mais la science moderne enseigne précisément le contraire. La totalité des preuves scientifiques dont on dispose aujourd’hui pointent vers un début de l’univers. Ce fait est pour le moins problématique pour l’athéisme, car c’est un principe basique et fondamental de métaphysique, que tout ce qui commence à exister doit avoir une cause. Les choses n’apparaissent pas magiquement à partir du rien absolu, sans aucune explication.Presto L’espace et le temps ayant ainsi un début, il s’ensuit que l’espace et le temps ont une cause, qui, en tant que cause de l’univers, est donc en dehors de l’espace et du temps : cette cause doit ainsi être immatérielle, non-spatiale, atemporelle (et donc éternelle), et incroyablement puissante, car capable de créer l’univers entier. Cette cause se recoupe précisément avec la conception chrétienne du Dieu créateur, et donc cette ligne de pensée a été employée à juste titre par les philosophes chrétiens pour supporter scientifiquement l’existence de Dieu. Cet argument en faveur d’un créateur de l’univers s’appelle « l’argument cosmologique de Kalaam », et a généré une quantité incroyable de littérature académique discutant ses mérites. Pour rejeter sa conclusion, Michel Onfray n’a logiquement que deux alternatives : affirmer que l’univers peut apparaître spontanément à partir du néant absolu, sans l’ombre d’une cause ou explication ; ou bien rejeter le fait que l’univers admet un commencement, et maintenir plutôt la thèse qu’il suggère, « l’éternité du monde ». Mais dès lors, c’est lui qui tourne le dos à toutes les preuves scientifiques modernes, tout en accusant le chrétien de ce même obscurantisme. Les options de l’athée sur la question sont clairement peu attrayantes, et c’est le chrétien qui est en accord avec la science moderne quand il affirme qu’« au commencement, Dieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1 :1).

Qu’en est-il ensuite de la « pluralité des mondes » ? Il fait ici probablement référence à la thèse du « multivers », qui postule que notre univers, avec ses lois de la nature et ses constantes, n’est qu’un univers parmi une large collection d’univers ayant tous des lois et des constantes physiques différentes. Michel Onfray ne nous dit pas quel problème cela poserait au chrétien si cette thèse s’avérait correcte. À vrai dire, il n’y a aucun conflit avec la doctrine de la création, et au contraire, elle révèle une autre raison importante de penser que notre univers est le fruit d’un dessein intelligent. Pourquoi certains théoriciens en sont-ils venus à postuler l’existence incroyable d’une infinité d’univers parallèles ? La réponse est que la science moderne a découvert qu’un certain nombre des constantes intervenant dans les équations des lois fondamentales de la physique (la constante de gravitation, le quotient des masses de l’électron et du proton, etc.), ainsi qu’un certain nombre de quantités initiales de notre univers (la vitesse d’expansion, le niveau initial d’entropie, etc.) semblent avoir été ajustées avec une précision incommensurable, pour permettre la vie dans l’univers. Si ces constantes ou quantités avaient été ne serait-ce qu’une fraction plus petites ou plus grandes, la vie aurait été impossible où que ce soit dans l’univers. Ce fait remarquable requiert une explication. Est-ce le hasard pur que l’univers permette la vie ? Aucune chance ! Les nombres sont tels qu’un univers ne permettant pas la vie aurait été littéralement des milliards de milliards de fois plus probable. Est-ce du à la nécessité physique ? Probablement pas non plus, car des variations de ces quantités et constantes auraient été compatibles avec nos mêmes lois de la nature ; il n’y a aucune raison de penser que ce fin réglage soit physiquement nécessaire. Mais donc il ne reste qu’une explication alternative plausible : l’univers exhibe un réglage fin pour permettre la vie, parce que…l’univers a été réglé finement dans le but de permettre la vie ! Mais donc cela implique encore une fois que l’univers a un créateur et designer, qui a finement réglé l’univers avec pour but de permettre l’existence de la vie.

lotoLa « pluralité des mondes » est donc une tentative pour peu désespérée de rescaper l’hypothèse de la chance : s’il y a une infinité d’univers parallèles avec des valeurs différentes, il devient moins improbable que l’un d’entre eux tombe par hasard sur les bons numéros et permette la vie. Cependant, deux problèmes rendent cette stratégie peu séduisante. D’abord, si notre univers n’était qu’un membre aléatoire de cette collection presque infinie, il est hautement improbable qu’il fût aussi grand. Parmi les univers qui permettent la vie, la probabilité d’avoir un univers largement plus petit que le notre est extrêmement haute, ce qui fait que la grande taille de notre univers sape l’hypothèse du hasard. Et deuxièmement, il n’y a tout simplement aucune preuve pour le multivers. Aucune. La seule raison de le postuler est d’éviter la conclusion que notre univers admet un designer. Mais donc c’est présupposer que Dieu n’existe pas, et ce n’est pas suivre les preuves scientifiques où elles nous mènent. Jusqu’ici, c’est donc bien le théiste qui a le privilège d’accepter la science moderne.

darwinEnsuite, Michel Onfray mentionne évidemment « l’évolution et la transformation des espèces », et la thèse que l’homme descend du singe (p.131). Ce sujet est trop chargé pour que je le traite en détail ici, mais disons quelques mots à son sujet. D’abord, le terme « évolution », laissé tout seul, est extrêmement mal défini, et il faudrait commencer par préciser de quoi il s’agit avant de savoir si la thèse est établie et/ou incompatible avec la religion. En vérité, le terme regroupe en général plusieurs thèses : la théorie de la descendance commune, un tracé des relations historiques entre les espèces évoluant d’une en l’autre, et enfin un mécanisme, le Darwinisme, expliquant la diversité biologique par une succession de mutations génétiques aléatoires, filtrées ensuite par la sélection naturelle. Une fois que chacune de ces thèses est proprement identifiée, le chrétien a deux options : admettre qu’une thèse est établie mais compatible avec la bible, ou admettre que la bible enseigne une vision contradictoire, mais rejeter la thèse comme non prouvée. Tous les chrétiens ne sont pas d’accord sur quelles thèses requièrent laquelle de ces deux réponses, mais je n’ai pas besoin de rentrer plus dans le détail ici, dans la mesure ou Onfray ne précise pas vraiment l’accusation. Je me contenterai donc pour l’heure de maintenir en réponse que « l’évolution », quelque soit la thèse qui est en vue, n’est pas une bonne raison de rejeter le christianisme biblique, et encore moins le théisme.

Michel Onfray mentionne alors l’âge de la terre, annonçant là encore un conflit entre la science moderne et l’enseignement biblique. Il dit que le datage de strates donne un âge du monde vieux, alors que « Les chrétiens affirment que le monde a quatre mille ans, ni plus ni moins »  (p.131-132). Pardon ? D’abord, il n’y a pas qu’une vue sur le sujet chez « les chrétiens ». Il y a d’un côté ceux qui affirment que l’univers est vieux de 13,7 milliards d’années, tel que le modèle scientifique majoritaire le soutient. Mais même pour ceux qui affirment la vue opposée, les « créationnistes terre-jeune », qui soutiennent que la bible requiert une création plus récente et qui rejettent que la science ait solidement établi le contraire, ils affirment que l’univers a été créé il y a plus de quatre mille ans ! Je n’ai jamais entendu ce nombre proposé par qui que ce soit. Les créationnistes terre-jeune, selon les interprétations, affirment entre six et dix mille ans au moins. Une fois de plus, la critique d’Onfray manque donc sa cible.

Enfin, il explique que la haine supposée de la science provient de l’apôtre Paul lui même (p.133) : « la condamnation des vérités scientifiques – la théorie atomiste, l’option matérialiste, l’astronomie héliocentrique, la datation géologique, le transformisme, puis l’évolutionnisme, la thérapie psychoanalytique, le génie génétique – voilà les succès de Paul de Tarse qui appelait à tuer la science. Projet réussi au-delà de toute espérance ! »

telescopePaul appelait à tuer la science ? Je me ferais un plaisir de corriger son exégèse si je savais où Michel Onfray va chercher tout cela, mais j’ignore sincèrement quel verset pourrait même être tordu pour étayer l’accusation (et j’ai une maîtrise en littérature biblique avec emphase sur le Nouveau Testament !) Bien au contraire, Paul affirme la valeur du monde physique, expliquant même dans Romains 1 que Dieu le créateur est révélé par sa création : « les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. » C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles le chrétien peut être enthousiaste au sujet de la science : lorsqu’elle est faite proprement et sans présupposer l’athéisme de manière circulaire, ultimement, elle révèle et glorifie Dieu.

>>> Partie 11

Trois étapes pour des évidences en faveur du théisme : Revue de Dallas Willard

Revue de Dallas Willard: Language, Being, God, and the three stages of
theistic evidence
[1]

Dieu existe-t-il? Pourquoi écrire une revue d’un chapitre de livre sur l’existence de Dieu? Est-ce parce que je suis un intellectuel renfermé dans un bureau et coupé du reste du monde? À qui s’adresse cette revue? En fait, la réponse à ces questions est assez simple. C’est parce que c’est pertinent pour vous! Peut-être que vous ne la trouvez pas intéressante ou pertinente, mais il faut néanmoins admettre que votre réponse à cette question déterminera comment vous allez interpréter le monde et comment vous allez agir dans le monde. Il vaut la peine de confronté ou de réfléchir sur nos convictions, et c’est mon désir dans ce compte rendu.

L’article de Willard est une réponse au professeur athée Nielsen qui accusait Dallas Willard d’avoir une croyance « irrationnel » en Dieu. Bien que la discussion à ce propos soit intéressante, elle n’est qu’une partie de l’article, et ce n’est pas l’intérêt principal de cette revue. Quand même, il faut mentionner que ce contexte servira à offrir une argumentation en trois étapes pour valider le théisme [2]. Et c’est ici l’objectif de cette revue, à savoir, exposer les trois étapes de son argument en faveur du théisme.

  • Remarques sur l’argumentation :

Pour construire son raisonnement il fait deux remarques importantes :

1)      Ce ne sont pas trois arguments ou moyens, dont chacun nous mène à un même point logique. Chaque phase de l’argumentation n’est pas une fin en soi, mais ils ont une force collective. Ce qui est soutenu dans chaque phase ne détermine pas la suite des autres étapes de l’argumentation. Par exemple, lors de la première étape il est montré qu’il pourrait y avoir quelque chose que l’on nomme Dieu, dans un sens conventionnel.

2)      Il est difficile de discuter de ces questions sans tomber dans des enchevêtrements de questions qui n’ont rien à voir avec le sujet. C’est pourquoi il veut se limiter à l’examen de preuves et de démonstrations.

À cet effet, il souligne ce qu’il entend par démonstration :

« Par démonstration, je veux dire une structure logique de propositions où les prémisses sont vraies et impliquent logiquement (ou entraînent) la conclusion lorsqu’ils sont pris ensemble. » [3]

A)     Étapes Un : Argument concernant la nature et l’existence de la réalité physique [4]

« Il est vrai qu’il existe un monde physique et nous savons que cela est vrai ». En plus, « il y a certaines choses sur son caractère général que nous connaissons pour vrai. » L’un de ces caractères est le suivant : toute réalité physique doit son être à autre chose que lui-même. « Peu importe comment on divise en parties la réalité physique, le résultat sera un état qui doit son existence à quelque chose autre qu’elle-même. » [5] Que ce soit par l’expérience personnelle ou encore en science, malgré la complexité de la question, nous savons que cela est vrai.

« […] que chaque état ​​physique, quel que soit inclusive, a une condition nécessaire à un certain type spécifique d’état qui le précède immédiatement dans le temps et est entièrement existant avant l’apparition de l’état qui le conditionne. » [6]

Qu’est-ce que cela signifie? Prenons une pomme dans mon panier sur ma table. Nous savons qu’elle n’est pas apparue d’elle-même. Nous savons que ce que ça prend pour qu’elle puisse être dans ce panier, c’est un arbre en santé qui produit des pommes. Ajouter à cela, toutes les conditions nécessaires qui doivent préexister avant même l’apparition de la pomme. Elles doivent toutes être complétées dans le temps avant son apparition afin qu’elle puisse croitre dans l’arbre. La pomme n’explique pas sa propre existence, elle est dépendante de certaines conditions qui doivent être complété dans le temps pour produire l’entité que nous sommes en train de discuter présentement [7]. Nous pouvons remonter à l’arbre et à une série de processus qui amène la pomme à exister.

Cette compréhension générale de la dépendance de l’état physique est quelque chose de bien connu. Aristote le nommait « cause ». Toutes les conditions nécessaires à un certain « état » doivent être entièrement existantes avant l’apparition de l’événement ou de l’état d’une quantité physique, ou d’une réalité physique. La série de cause est terminée par un événement ou un état donné. Cet ensemble achevé de causes est très structuré dans le temps et doit être fini.

« Ainsi, aucun état physique est temporellement ou ontologiquement avant lui-même […] Le plus important pour les intérêts présents, puisque la série de causes pour un état donné est terminée, non seulement il présente une structure rigoureuse, comme indiqué, mais que la structure dispose également d’un premier mandat. Autrement dit, il est au moins une «cause», un état d’être, qui ne tire pas son existence de quelque chose d’autre. Il est auto-existant.».

Ainsi, la réalité physique concrète implique un être radicalement différent de lui-même : un être qui, contrairement à un état physique quelconque, est auto-existant. Autrement dit, on ne peut pas remonter à un infini de cause ou de série d’événement.

Pour illustrer, imaginons une ligne de dominos. S’il y a un nombre infini de dominos qui doit tomber avant de frapper un domino x, il ne sera jamais frappé. C’est pourquoi, la réalité physique concrète implique un être (cause) radicalement différent(e) de lui-même, qui lui est auto-existant et non physique. À moins d’être prêt (comme Spinoza) à traiter l’univers lui-même comme ayant un type d’être essentiellement différent, on doit concéder ce point.

Il est fréquent d’entendre, en réponse à cet argument, l’affirmation selon laquelle il ne peut tout simplement pas être un être existant en soi. Mais il faut souligner aussi qu’il est très rare d’entendre une très bonne raison de cette affirmation. C’est une conséquence logiquement nécessaire qu’il y est quelque chose dont l’existence ne découle pas d’une autre chose. À la question de l’enfant  « D’où vient Dieu? La réponse c’est qu’il ne vient pas de rien, car il n’est pas venu du tout. » Dallas Willard a raison de souligner que « l’on aura de la difficulté avec cette réponse que si nous avons déjà assimilé « existence » à l’existence physique. » [8]

Aucune réalité physique n’existe par elle-même et aussi aucune quantité de  temps ne peut consumer une série infinie de cause pour vous mener à l’état présent. Ce qui signifie qu’en quelque part, tout cela s’explique par une cause auto-existante qui n’est pas matériel (physique). Parce que toute quantité physique ou réalité physique ne s’explique pas par elle-même. C.S. Lewis explique cela dans son livre God in the Dock:

« Un œuf qui n’est pas venu d’un  oiseau n’est pas plus « naturel » qu’un oiseau qui a existé éternellement. »[9] [10]

Aujourd’hui, c’est une tendance à traiter la théorie du « Big Bang » comme un état apparu sans cause. En un mot, il tire son origine « à partir de rien ». Ce qui lui confère une originalité, car c’est un « bang » très différent de tous les autres. Comment le traite-t-on ce « Big Bang »? Souvent de façon mystique, soit celui de jouer le rôle de Dieu, ce qui à première vue est attrayant. Mais il semble manquer quelque chose, car une chose ne peut pas sortir de rien par elle-même. Comme le fait remarquer Dallas Willard en ajout à C.S. Lewis :

« Et nous devons au moins préciser qu’un être auto-subsistant éternellement n’est pas plus improbable qu’un événement auto-subsistant émergent sans cause. » [11]

B)      Étapes deux : Argument téléologique (dessein)

Bien que je ne partage pas toutes les vues de Willard, il est nécessaire de souligner quand même quelques points importants de cette deuxième étape.

Premièrement, de façon générale, l’argument téléologique veut montrer que l’ordre dans l’univers est le produit d’un dessein, ce qui implique un principe intelligent et ordonnateur. Autrement dit, d’un créateur. Dallas Willard a raison de souligner que les débats entourant l’argument du dessein crée souvent de la confusion de part et d’autre, ainsi que des discussions qui souvent sont en dehors du propos.

Deuxièmement, il a aussi raison de soulever la réflexion concernant la théorie de l’évolution qui ne peut être une théorie ultime de l’existence et de l’ordre. [12] L’évolution n’est pas une explication ultime de l’origine. Elle n’explique pas le « Big Bang ». Est-ce que le Big Bang a évolué. Qu’est-ce qui a causé le Big Bang? Il est important de noter ceci : C’est l’argument vers le dessein et non à partir du dessein. La distinction est importante.

Après avoir discuté sur ces propos, Willard résume la deuxième étape de son argument :

« Nous avons établi que tout ordre est évolué [13] et par rapport à nos données, il y a la probabilité de zéro que cette ordre soit sorti du chaos ou de rien pour venir dans le monde physique. En outre, nous avons l’expérience de l’ordre émergeant de l’esprit (notre esprit) dans le monde physique. » [14]

Quel est l’effet de tout cela? Ce n’est pas une démonstration de l’existence de Dieu dans le sens complet du théisme, mais tout comme la première étape, l’existence de Dieu est devenue beaucoup plus importante. Il développe l’idée selon laquelle nous voyons par l’expérience que l’intelligence peut produire de la complexité, ou de l’ordre et que la cause ou les causes de l’ordre dans l’univers supporte probablement une lointaine analogie à l’intelligence humaine [15].

Dallas Willard ne développe pas de façon exhaustive l’argument téléologique qu’il laisse à un J.P. Moreland dans un autre chapitre du livre paru à l’origine. À mon sens, il y a d’autres formulations de l’argument téléologique de l’existence de Dieu qui ont plus de force, mais l’idée centrale à retenir, c’est justement que la complexité n’est pas le fruit d’une évolution strictement physique et que la complexité, ainsi que l’ordre dans l’univers peut s’expliquer par l’existence d’une entité intelligente, ainsi qu’elle n’apparait pas à partir de rien. Dans la mesure où ne comprenons que rien ne produit rien, il y a la possibilité qu’un être intelligent en dehors de la matière l’ait fait, tout comme les humains qui produisent par leur volonté des choses complexes.

C)      Étapes trois : Argument tiré du cours des événements humains : historiques, sociales et individuelles

Suite aux deux étapes de l’argumentation qui précède, nous devons donc placer et interpréter la vie humaine dans un cadre « extranaturel » (étape 1) et d’un « intellectualisme » plausible (étape 2).

Quand nous regardons l’histoire du monde, nous pouvons poser la question suivante : Comment expliquer plusieurs faits dans l’histoire? Il y a des choses qui se sont produites dans l’histoire qui sont inexplicable en terme strictement naturaliste, à moins bien sûr d’avoir adopté une incrédulité systématique en matière de religion, voir même d’histoire.

Ce que nous savons c’est « que les esprits humains créent, de façon standard, pour un but et qu’ils conservent un intérêt actif dans la chose créé; ils se sentent intimement investi dans ce qu’ils créent et cela d’autant plus l’originalité ou la « créativité » est impliquée. » [16] Autrement dit, comme dirait un de mes amis : « je n’achète pas un chien pour le mettre au fond du terrain pour ne jamais avoir de relation avec lui. » Et si on élargie l’analogie à Dieu, il faut considérer la possibilité qu’il entretienne une certaine relation avec sa création. Cela est rendu probable à cause des deux premiers arguments, mais aussi une fois que l’on place l’humain dans un contexte qui n’est pas exclusivement matérialiste.

Plus important que des spéculations dans le troisième argument, c’est l’examen du cours réel de l’histoire et le contenu de l’expérience humaine, observé le plus honnêtement et complètement possible. Avant d’être accusé de religieux superstitieux, considérer les paroles de Willard :

« Mais nous devons aussi être approfondies, et nous avons le droit d’exiger la même chose de nos co-chercheurs athées et d’ignorer leurs griefs s’ils refusent. La foi ne se limite pas aux personnes religieuses, ni le préjudice aveugle et le dogmatisme. L’athée qui ne prend pas la peine de se pencher sérieusement sur les faits allégués pour des histoires religieuses et de l’expérience religieuse est le frère jumeau de l’ecclésiastique qui a refusé de regarder à travers la lunette de Galilée, car il savait déjà ce qui était et ne devait pas être vu. »

Enfin, pour ce troisième argument nous sommes invités à regarder Jésus, sa vie, sa mort et sa résurrection, mais à la lumière du contexte des deux premiers arguments. D’ailleurs, Jésus nous appelais à faire de même : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14.2), il en va de sa véritable nature et de son identité. Nous sommes donc invités à considérer les évidences concernant la personne de Jésus et de s’approprier les critères rationnels pour prendre une décision.

De quelle façon pouvons-nous faire une enquête sur Jésus de façon crédible? La réponse de Willard : « Par une inférence en termes de « meilleure explication », mais « meilleure » dans la pleine lumière des résultats des étapes un et deux. » [17]

Bien que ce travail soit une tentative d’aider le chercheur à être ouvert à ce qu’il peut découvrir, sans adhérer aveuglément à un rejet de tout ce que nous pourrions nommer de « religieux », Willard n’explique pas tout dans ces paragraphes touchant le sujet de Jésus, mais suggère néanmoins le rôle que Dieu peut avoir exercé dans l’histoire, surtout à partir de la vie, la mort et la résurrection de Jésus.

  • Remarques finales :

Bien que Dallas Willard ne traite pas exhaustivement de chacun de ces trois sujets, il invite à considérer les limites de son travail. [18] Nous devrions en faire autant et rester ouvert aux opportunités qu’elle nous offre, par exemple, de considérer la possibilité réelle que nous ayons été créé et que l’humain se trouve dans le contexte de cette création.

Deuxième possibilité qu’elle nous offre, c’est de considérer que tout comme l’humain, il se peut que Dieu s’intéresse à sa création et cela nous pouvons le voir dans l’histoire.

Enfin, retenons la structure des trois arguments à l’intérieur desquels nous pouvons travailler à présenter la cohérence du théisme d’une manière logique. À cet effet, terminons par sa remarque de conclusion :

« J’ai tenté dans ces pages de clarifier certains points au sujet de la structure dans laquelle des preuves du théisme doivent être organisés, si nous voulons les apprécié correctement. » [19]

 


[1] Willard, Dallas, Language, Being, God, and the three stages of theistic evidence, in Does God exist, edd. Moreland and nielson, 1993. Le document original: Willard Dallas, in Moreland J.P., and Nielsen, Does God exist? Les citations ainsi que les pages cités sont tirés de la version disponible sur son site internet à l’adresse suivante, version imprimable : http://www.dwillard.org/articles/artview.asp?artID=42 Visité  pour la dernière fois le 20 mai 2014.

[2] Enseignement qui admet l’existence d’un Dieu unique et personnel comme cause du monde.

[3] Ibid. p.3

[4] Ou encore de « quantité physique ».

[5] Willard, p.3

[6]

[7] Image tiré de Ravi Zacharias : https://www.youtube.com/watch?v=VTVOufIzyPY, visualisé le 12 juin 2014.

[8] Willard, p.4

[9] Willard, p.4

[10] Voici la citation complète : « Un œuf qui n’est pas venu d’un  oiseau n’est pas plus « naturel » qu’un oiseau qui a existé éternellement. Puisque la séquence œuf-oiseau-œuf ne conduit à aucun commencement plausible, n’est-il pas raisonnable de chercher sa véritable origine à l’extérieur de la séquence? Vous devez regarder ailleurs que parmi les machines pour trouver l’origine de la fusée; vous devez plutôt regardez chez les hommes. N’est-il pas raisonnable de regarder à l’extérieur de la nature pour trouver la véritable origine de l’ordre naturel? » Lewis C.S. God in the Dock : Essays on theology and ethics (Grand Rapids) Eerdmans Publishing, 2001, p.211). La citation française est tirée de Cahill Mark, Destination Finale : Votre pèlerinage vers l’éternité (Québec) Aujourd’hui l’espoir, 2011, p.22.

[11] Willard, p.4

[12] « Toute sorte d’évolution  de l’ordre, de quelque nature qu’elle soit, présuppose toujours un ordre préexistant et aussi des entités préexistantes gouverner par celle-ci. »Willard, p.6

[13] Nous pouvons aussi comprendre « complexe ». Tout ce qui est ordonné est complexe.

[14] Willard, p.7

[15] Citation de David Hume apporté avec nuance par Willard. Je ne l’ai pas traduit littéralement, je rapporte l’idée centrale.

[16] Willard, p.7

[17] Willard, p.8

[18] Willard, p.9

[19] Willard, p.9