Des résurrections étranges à la mort de Jésus (partie 4)

Des « morts vivants » par la mort de Jésus : étrange. Nous continuons nos réflexions sur les choses étranges concernant la résurrection. L’évangile de Matthieu rapporte que des tombeaux ont été ouverts et que des morts ont ressuscité et marché dans Jérusalem : étrange! Comment devons-nous comprendre ce passage que nous trouvons dans l’évangile de Matthieu 27.52-53?

52les tombeaux s’ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient décédés ressuscitèrent. 53Ils sortirent des tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après la résurrection (de Jésus) et apparurent à un grand nombre de personnes.

Il faut l’avouer, dans les prédications lorsqu’on parle de ce passage, les idées vont dans plusieurs directions. Il est assez difficile de construire une apologétique historique sur la seule base du texte, et souvent nous voyons les prédicateurs aller dans cette direction. Les athées ne manquent pas d’en faire la critique en soulignant le manque d’évidence et de source, Matthieu étant le seul à rapporter cet événement. Ils ont raison. Ceci dit, cela ne signifie pas qu’il ne s’est rien passé. Il faut quand même poser la question : « Qu’est-ce que Matthieu voulait faire en mentionnant cela? »

D’un point de vue chrétien, la théologie et l’histoire sont intimement liées. Pour nous, Dieu agit dans l’histoire afin de racheter un peuple. Par conséquent, cela signifie aussi qu’un événement peut avoir un sens à la lumière de cette histoire rédemptrice[1]. Comprendre un événement comme celui-là, c’est entré dans l’histoire de la rédemption. C’est aussi entré dans la philosophie de l’histoire biblique. Sans aller trop loin dans ces détails, j’aimerais donc suggérer que :

Cet événement étrange signale au lecteur que la mort de Jésus sur la croix est le commencement de la fin de l’ancienne création et l’inauguration de la nouvelle création.

Le grand récit biblique

Si nous prenons la bible dans son ensemble, structurellement parlant, la bible commence par la création (Genèse 1-2), la chute (Genèse 3) et se termine par la nouvelle création (Apocalypse 21-22). Entre Genèse 1-2 et Apocalypse 21-22, il y a la rédemption : Dieu rachète un peuple, à cause de Genèse 3.

Si nous voyions la bible comme une ligne du temps, nous verrions qu’au centre de cette ligne il y a la croix de Jésus. C’est-à-dire, que tout ce qui vient avant la croix pointe, converge, annonce les événements concernant l’évangile, concernant Jésus.[2] Et tout ce qui a lieu après dans l’histoire est rendu possible à cause de la mort et de la résurrection de Jésus.[3]

Si nous regardons l’histoire de l’Ancien Testament (AT) dans sa relation avec le Nouveau Testament (NT) nous pourrions la décrire comme ceci : Tout ce que l’AT prévoyait se produire à la fin des temps (« derniers jours ») a déjà commencé dans le premier siècle et se poursuit jusqu’à la dernière venue du Christ. L’expression « déjà, mais pas encore » fait référence à deux étapes d’accomplissement de ces « derniers jours ». C’est « déjà », parce que les derniers jours sont venus en Christ, mais ce n’est « pas encore » par ce que les derniers jours ne sont pas encore consommé. Les théologiens appellent cela une eschatologie inaugurée.[4]

La résurrection et la « fin des jours »

Si vous n’êtes pas familier avec les expressions « dernier jour », « temps de la fin » ou « jour à venir »[5], il faut mentionner que ce sont des expressions qui se rapportent dans la bible à partir dans l’AT. Le NT cite ces mêmes expressions souvent tirées des passages de l’AT.

Dans ce cadre, la résurrection a été prédite par l’AT à se produire à la « fin des jours » dans le cadre de la nouvelle création. Dieu fera de l’humanité rachetée une partie de la nouvelle création en recréant des corps par la résurrection.[6]  En appui (voir note pour passage), Daniel 12.1-2 et Ézéchiel 37[7].

À première vue, nous pourrions penser qu’il s’agit de prophéties concernant la fin de toute chose lorsque Dieu reviendra à la toute fin dans le futur. Pour illustrer, nous regardons au jour final où Jésus paraîtra et qu’il nous donnera de nouveaux corps, comme un mariage. Les fiançailles sont faites, mais nous attendons de consommer notre union avec le Christ. Cela signifie donc que la nouvelle création a été placée au début, avec la résurrection de Jésus et non à la fin lors de son retour. Le Christ ressuscité n’est pas simplement l’inauguration spirituelle du nouveau cosmos, mais il est littéralement son commencement, puisqu’il a été ressuscité avec un corps physique et nouvellement créé.

Une telle délivrance finale et complète de la servitude doit être non seulement spirituelle, mais aussi physique. Jean 5.24-29 met ensemble une référence claire et spirituelle de résurrection de Daniel 12.1-2 et Ézéchiel 37. Il l’emploie pour indiquer à la fois une résurrection inaugurée (spirituelle) et par la suite une résurrection physique la fin.

Ézéchiel 37.12-13 Jean 5.28
C’est pourquoi, prononce un oracle et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur DIEU : je vais ouvrir vos tombeaux ; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. 13Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR quand j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple. Que tout ceci ne vous étonne plus ! L’heure vient où tous ceux qui gisent dans les tombeaux entendront sa voix,

Bien qu’il y ait beaucoup à dire sur ces sujets, il est important de voir que la première venue de Jésus, et spécialement sa mort et sa résurrection inaugurent les derniers jours. C’est donc une compréhension de l’histoire centrée sur les événements entourant la mort et la résurrection de Jésus.

L’étrange résurrection de Matthieu 27.52-53

À l’intérieur de cette vision de l’histoire, nous pouvons donc apercevoir le sens que Matthieu donne à cet événement. De la même manière, Matthieu 27.52 utilise Ézéchiel 37.12-13 pour décrire une résurrection physique.[8]

Ézéchiel 37.12-13 Matthieu 27.52-53
C’est pourquoi, prononce un oracle et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Je vais ouvrir vos tombeaux ; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. 13Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR quand j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple. 52les tombeaux s’ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient décédés ressuscitèrent. 53Ils sortirent des tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après la résurrection (de Jésus) et apparurent à un grand nombre de personnes.

 

Immédiatement après avoir décrit la mort de Jésus (Matthieu 27.50), Matthieu ajoute ces versets 27.52-53. La croyance en la résurrection générale est construite à partir de l’AT lorsque le Messie viendrait.[9] Ce qui était inattendu c’était la mort et la résurrection du Messie avant la résurrection générale et le jugement final. Il est probable que cette poignée de fidèles supplémentaires revenant à la vie devait garantir que la résurrection de Jésus fonctionnait en fait comme les prémices de beaucoup plus à venir (1 Corinthiens 15.20-22).[10]

Conclusion

C’est évident que je n’ai pas prouvé ces résurrections et les tombeaux ouverts de ce passage biblique. Quant à moi, cela ne changerait pas grand-chose, dans la mesure où la résurrection de Jésus est validée beaucoup plus fortement par l’évidence historique. Il vaut la peine en conclusion d’apporter deux nuances nécessaires :

  1. Je ne désire en aucun cas laisser entendre que ces événements ne se sont pas produits. La vie entière de Jésus, sa mort et sa résurrection sont des événements uniques incrustés dans l’histoire. Dieu se révèle à nous et se dévoile dans l’histoire. Et sur cette conviction nous sommes en droit, même en devoir, de rechercher ce que Dieu désire nous dévoiler dans cette histoire. Cela produit un amour plus grand pour l’évangile et une augmentation de mon affection pour Jésus.
  2. Certains théologiens pourraient m’accuser de spiritualiser le texte, à cause que je n’ai pas expliqué le texte de manière historique-littérale-grammaticale. Loin de moi le désir de spiritualiser ces événements. Pourquoi opposé spirituel à littérale? La nouvelle naissance elle-même est une réalité spirituelle et littérale! L’approche que j’ai utilisée pour le texte de Matthieu a l’avantage de faire ressortir ce qui est littérale-historique-grammaticale. Elle nous permet, entre autres, de voir les allusions à l’AT. À la lumière de l’histoire de la rédemption, ce passage devient plus clair.

La cohérence interne à la bible me fascine! L’étude de cet événement rapporté par Matthieu me confirme encore une fois que Jésus a accompli tout ce que prévoyait l’AT. Par son corps ressuscité il inaugure et rend réel les promesses de la vie éternelle dans l’anticipation de notre restauration finale et consommé.

[1] Historico-rédemptrice : C’est l’évangile dans l’histoire. C’est une terminologie consacrée pour parler de ce que Dieu a fait dans son plan qui traverse les siècles de l’histoire.

[2] Voir par exemple, Éphésiens 1.4-6; 2 Timothée 1.9-10

[3] Voir par exemple, 2 Corinthiens 1.20; Romains 8.32; Éphésiens 4.4-8; Hébreux 13.20-21; 1 Pierre 4.11

[4] Gladd L., Benjamin and Harmon, Matthew S., Making all thinks new: inaugurated eschatology for the life of the church. Baker Academic, Grand Rapids, 2016, p.8-11

[5] L’AT utilise ces termes qui ne sont pas toujours eschatologiques, mais quelques fois les auteurs ont réellement l’eschatologie en vue.

[6] Gladd, p.10

[7] Passage sélectionné pour réduire le texte. Il vaut la peine de lire tout le chapitre.

Daniel 12.1-2 Ézéchiel 37.6, 12-14
1En ce temps-là se dressera Michel, le grand Prince,
lui qui se tient auprès des fils de ton peuple.
Ce sera un temps d’angoisse
tel qu’il n’en est pas advenu depuis qu’il existe une nation
jusqu’à ce temps-là.
En ce temps-là, ton peuple en réchappera,
quiconque se trouvera inscrit dans le Livre.
2Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront,
ceux-ci pour la vie éternelle,
ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle.

 

6Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître sur vous de la chair, j’étendrai sur vous de la peau, je mettrai en vous un souffle et vous vivrez ; alors vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR. »

12C’est pourquoi, prononce un oracle et dis-leur : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Je vais ouvrir vos tombeaux ; je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur le sol d’Israël. 13Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR quand j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple. 14Je mettrai mon souffle en vous pour que vous viviez ; je vous établirai sur votre sol ; alors vous connaîtrez que c’est moi le SEIGNEUR qui parle et accomplis – oracle du SEIGNEUR. »

 

[8] Le tremblement de terre rappelle les paroles de Zacharie 14.4-5.

[9] Craig L. Blomberg dans, Carson D.A. and Beale, G.K., Commentary on the New Testament use of the Old Testament, Baker Academic, Appolos, Grand Rapids, Michigan, 2007, p.98.

[10] Blomberg, p.98

Une déclaration étrange après la résurrection (partie 2 suite): Les témoins de Jéhovah et Jean 20.28 

« Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jean 20.28)

Probablement dans votre entourage, vos connaissances, ou quelqu’un au travail, est Témoins de Jéhovah. Nous savons que les Témoins de Jéhovah n’ont pas la même conception de Jésus que nous pouvons l’avoir, nous chrétiens évangéliques. Ils doivent eux aussi interpréter ce passage (Jn 20.28) et en offrir une explication conforme avec leur compréhension de Jésus. Prendre ce verset pour ce qu’il déclare est extrêmement difficile pour eux, car ils croient au mieux que Jésus est une divinité de « second rang », comme on le verra. Enfin, ils donnent quelques explications pour harmoniser avec ce qu’ils croient :

  1. C’est une exclamation de surprise.

« Mon Seigneur ! Mon Dieu! » Il serait surprenant que ce texte s’interprète de cette façon. La première réponse de Thomas serait de nature blasphématoire et vulgaire. Nous savons que chaque culture a ses expressions grossières qui leur sont propres  et ici c’est ce que Thomas ferait. Ce serait invraisemblable pour au moins trois raisons :

  1. Parce que Thomas est un juif dévoué et le mot « Dieu » vient avec son bagage juif de considération.
  2. Même si cela était possible, cette interprétation tombe en considérant le mot « et », qui la rend ridicule.
  3. Advenant que ce soit le cas, cela voudrait dire que Jésus accepte l’adoration de Thomas.

Cette première tentative est plus qu’improbable, car elle ne tient pas en compte du contexte propre au texte, ainsi qu’au judaïsme de l’époque. Elle est plutôt une tentative d’imposer leur théologie sur le texte, au lieu d’être dirigé par le texte.

  1. Thomas s’adresse à Jésus en termes d’une divinité dans une position exceptionnelle devant Jéhovah.

C’est probablement l’explication la plus courante et la plus développée. Voici en quoi elle consiste dans leur livre Comment raisonner à partir des Écritures, dans la citation intégrale :

« Rien ne s’opposait à ce que Thomas appela Jésus ‘’Dieu’’, si c’est bien là ce qu’il a voulu dire? Cela s’harmoniserait avec un texte des Psaumes que Jésus a cité dans lequel des juges puissants sont qualifiés de ‘’dieu’’. (Jean 10;34, 35, Tob; Ps 82.1-6.) Bien entendu, Jésus occupe une position de loin supérieure à celle de ces hommes. En raison de sa position exceptionnelle vis-à-vis Jéhovah. Jésus est appelé ‘’le dieu fils unique’’ en Jean 1 :18 (MN; voir également GL, CT, VB). Par ailleurs, Essaie 9 :6 le qualifie en termes prophétiques de ‘’dieu puissant’’, mais pas de Dieu Tout-Puissant. Tout cela s’accorde avec le fait que Jésus est décrit comme étant ‘’dieu’’, ou un ‘’être divin’’, en Jean 1 :1 (MN, CE). »[1]

Il y a plusieurs éléments à considérer dans ce paragraphe :

  1. La conception de l’argument : En logique nous appelons cela une pétition de principe. Il nous demande de considérer comme admis ce qui doit être démontré. C’est-à-dire, que la réponse est déjà orientée d’une certaine façon vers la conclusion. Voilà la forme de l’argument :
    1. « Rien ne s’opposait à ce que Thomas appela Jésus ‘’Dieu’’ […]»
    2. « […] si c’est bien là ce qu’il a voulu dire? »
    3. « Cela s’harmoniserait avec […] »

En fait cela s’harmoniserait avec leur propre vision à savoir que Jésus n’est pas Dieu. Mais c’est justement cela qu’il faut démontrer. Le psaume cité en Jean 10.34-35 ne concerne pas Jésus directement. Il s’adresse aux juifs qui jugent Jésus justement parce qu’il s’est fait Dieu (Jn 10.33). Les juifs eux-mêmes reconnaissaient qu’ils se faisaient Dieu, et c’est la raison pour laquelle ils voulaient le lapidé (Jn 10.33).

  1. Ils orientent leur interprétation selon deux versets tirés de l’évangile de Jean, qui est évidemment interprété selon eux comme « Jésus = être divin » (Jn 17.3; 20.17). La démonstration n’en est pas faite. Ils ont simplement commencé en supposant la question résolue, en y trouvant ce qui est déjà déterminé. C’est une orientation théologique tendancieuse. À titre d’exemple, il mentionne que le Fils est qualifié en « […] termes prophétiques de ‘’dieu puissant’’, mais pas de Dieu Tout-Puissant. » Il faut simplement lire le verset au complet pour répondre à cela et y voir qu’il est aussi appelé Père éternel:

« Car un enfant nous est né, Un fils nous est donné, Et la souveraineté (reposera) sur son épaule ; On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix.» (Esaïe 9.5 CL [6])

  1. Il commence dans la reconnaissance que Thomas a appelé Jésus « Dieu » [D majuscule] et que rien ne s’y opposait. Par la suite, dans le texte jamais il est appelé « Dieu », mais bien « dieu » [d minuscule]. Malgré cela, leur Traduction du monde nouveau conserve le « D » majuscule[2], ainsi que leur texte grec interlinéaire.[3]

Il semble que rien ne s’opposait à appeler Jésus « Dieu », à l’exception de leur théologie. Suite à ce paragraphe, immédiatement ils nous annoncent que « le contexte nous aide à tirer les bonnes conclusions. »[4] Voilà qui nous intéresse. Cela commence par un rappel de Jean 17.3 ou Thomas aurait entendu Jésus prier qu’à son Père comme « au seul vrai Dieu ».[5] Ensuite,

« Une fois ressuscité, Jésus avait fait dire à ses apôtres, dont Thomas, qui venait de voir Jésus et de toucher Jésus ressuscité, l’apôtre Jean a déclaré : ‘’[Ces signes] ont été [rapportés] pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.’’ (Jean 20 :31, Tob). Par conséquent, si quelqu’un en était venu à penser, sur la foi des paroles de Thomas, que Jésus lui-même est le ‘’seul vrai Dieu’’ ou ‘’Dieu le Fils’’ au sein de la trinité, il aurait intérêt à reconsidérer la déclaration de Jésus (v.17) et la conclusion très claire que tire l’apôtre Jean. »[6]

Faisons quelques observations encore une fois :

  1. Ils font seulement allusion au contexte du chapitre 20 de Jean, sans les explications contextuelles nécessaires. Le contexte n’est-il pas roi?
  2. Ils font allusion encore une fois à des passages (Jean 17.3) déjà interpréter selon leur théologie. Où est la démonstration? Où sont les autres passages qui parlent explicitement de Thomas dans l’évangile (11.16; 14.5-6) qui établit le portrait de Thomas et de son doute? Nous pourrions faire une tout autre liste qui mentionne la divinité de Jésus et le fait que c’était le motif de mise à mort par la lapidation. D’ailleurs ce motif est explicitement mentionné dans les passages comme Jean 10.33 [cf. motif Jn 8.58; 11.8]. Les Témoins de Jéhovah refusent de voir que Jésus lui-même se faisait Dieu, les juifs eux-mêmes l’ayant compris.
  3. Par conséquent, la conclusion, c’est que si nous ne pensons pas comme eux nous devrions nous interroger et considérer la conclusion de Jean 20.17, 31. Dresser une christologie sur la base de deux versets, sans le contexte, c’est très difficile.

Sans revenir à tout ce que nous avons dit dans l’article précédent[7] sur le contexte du passage, nous devons admettre le caractère très personnel de la confession de Thomas, lui, juif monothéiste du premier siècle. L’évidence textuelle, historique et contextuelle ne va pas dans le sens de la compréhension des témoins de Jéhovah.

Conclusion

En traçant les grandes lignes d’une réponse aux témoins de Jéhovah, j’espère avoir rendu clair mon amour pour eux. Loin de moi l’idée des ridiculisé. Mon désir est de rendre clair l’évangile de Jésus-Christ, la bonne nouvelle de tout ce que Dieu a fait en Jésus-Christ. Cet essai tente donc d’ouvrir une brèche pour questionner les témoins de Jéhovah, mais surtout, les amené dans le texte biblique et non par la compréhension de la société des témoins de Jéhovah. Une compréhension de la divinité de Jésus est certainement nécessaire, et cela commence sans aucun doute dans les textes mêmes de la bible qui nous rapporte les événements entourant la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Le texte est Roi!

En terminant, Jésus disait en Jean 5.39 : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. »

 

 

 

 

 

 

[1] Comment raisonner à partir des Écritures, Watch Tower Bible and Tract society of Pennsylvania, 1986, p.206-207.

[2] Sans entrer dans les détails techniques, il ne respecte pas leur propre règle de grec qui fait mettre un petit « d » à Jean 1.1, 18 [lorsque Dieu est précédé d’un article défini, il faut un grand D, mais pas si l’article n’y est pas]. Il semble que les règles exégétiques sont très sélectives.

[3] The Kingdom interlinear translation of the Greek Scripture: Three bible texts. Watch Tower Bible and Tract society of Pennsylvania and International bible students association, 1985, p.513

[4] Comment raisonner, p.207

[5] Comment raisonner, p.207

[6] Comment raisonner, p.207

[7] https://www.associationaxiome.com/declaration-etrange-apres-resurrection-partie-2/

Une déclaration étrange après la résurrection (partie 2)

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »  Henri Poincaré   Dans le premier article, nous avons regardé la proposition selon laquelle le NT se construit sur l’AT. À partir des récits de la résurrection, nous avons vu que cette proposition est très difficile […]

« Détournement de Jésus » Conclusion chrétienne sur l’athéisme ‘fidèle’ – Partie 15 de ma critique de « L’esprit de l’athéisme » d’André Comte-Sponville

<<< Partie 14

André Comte-Sponville se décrit comme un « athée fidèle ». « Athée » parce qu’il affirme que Dieu n’existe pas, « fidèle » parce qu’il se revendique des valeurs traditionnellement chrétiennes qui l’ont influencé et qu’il apprécie visiblement beaucoup. La quasi-totalité de ma critique de son livre s’est concentrée sur son athéisme (le comprendre et le réfuter), mais j’aimerais conclure avec quelques remarques sur sa « fidélité » aux valeurs chrétiennes.

Contrairement à un bon nombre d’athées contemporains qui affirment que le théisme n’est pas juste faux, mais qu’il est aussi nocif, André Comte-Sponville, lui, a beaucoup de bien à dire du christianisme. Il décrit sa fidélité ainsi (p.70) :

fidélité à ce que l’humanité a produit de meilleur. Qui ne voit que les Evangiles en font partie ?

Qui ne le voit pas ? Beaucoup d’athées ! Mais tant mieux si Comte-Sponville apprécie les évangiles. Il dit aux chrétiens (p.72) :

je ne me sens séparé de vous que par trois jours – les trois jours qui vont, selon la tradition, du Vendredi saint à Pâques. Pour l’athée fidèle que j’essaie d’être …, une grande partie des Evangiles continue de valoir. A la limite, presque tout m’y paraît vrai, sauf le Bon Dieu.

Voyons ce qu’il reste des évangiles si l’on tente cette extraction du « Bon Dieu ». André Comte-Sponville dit qu’il reste l’amour, et que c’est l’essentiel du message de Jésus, pas l’existence de Dieu et du surnaturel:

Jésus est autre chose qu’un fakir ou qu’un magicien. L’amour, non les miracles, constitue l’essentiel de son message (p.73)

Je suis d’accord que l’amour du prochain est un élément central du message de Jésus, mais ses miracles, selon le Nouveau Testament, avaient pour fonction d’authentifier le message comme vrai, car venant de Dieu. Jésus dit « quand même vous ne me croyez point, croyez à ces œuvres, afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père » (Jn. 10 :38) et encore, « Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi; croyez du moins à cause de ces œuvres » (Jn 14 :11). Le même principe se trouve chez Paul, qui dit que la résurrection de Jésus, constatée par de nombreux témoins oculaires, témoigne de la vérité du christianisme (Actes 17:31, 1 Cor. 15:4-9).

André Comte-Sponville paraphrase Jésus (p.73) disant que « la primauté de l’amour » est ce « à quoi se ramènent « toute la loi et les prophètes » », mais la citation est arrachée de son contexte. Elle vient de Matthieu 22:36-40, dans lequel il est demandé à Jésus quel est le plus grand commandement de la loi. Jésus en donne deux en réponse, dont dépendent « toute la loi et les prophètes », et oui, le deuxième est bien « tu aimeras ton prochain comme toi même », mais Comte-Sponville saute le premier, et le plus grand ! « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée ». Drôle de méthode pour nous montrer ce qui est « essentiel » chez Jésus, que de sauter le commandement qu’il nous dit explicitement être le plus important, pour ne citer que le deuxième.

Pour comprendre l’essentiel du ministère de Jésus, il y a deux questions fondamentales à poser : 1-Qui est-il, et 2-Qu’a-t-il accompli ?

Je vous donne en une phrase la réponse du Nouveau Testament : 1-Il est le Messie, le divin Fils de Dieu, et 2-Il est venu annoncer le royaume de Dieu, et nous permettre d’y entrer.

La réponse de Comte-Sponville (p.73) diffère quelque peu : « Qu’il se soit pris pour Dieu, voilà ce que je ne puis croire ». Ironiquement je suis d’accord : Jésus ne s’est pas « pris » pour Dieu, puisque la formulation suppose qu’il ne l’était pas (je ne me prends pas pour le mari de ma femme si je suis le mari de ma femme). Mais passons sur ce détail : les documents du Nouveau Testament, qui sont nos meilleures sources historiques sur la personne de Jésus de Nazareth s’accordent à dire que Jésus était le divin Fils de Dieu, le Messie prophétisé dans l’Ancien Testament, un homme qui reçoit l’honneur et la louange de Dieu, qui affirme faire l’œuvre de Dieu, qui existait avant le monde, qui est même le créateur du monde, « Le Seigneur » dont parle l’Ancien Testament sous le nom de Yahweh, l’ « Emmanuel, Dieu avec nous », et le juge ultime des hommes au dernier jour disposant du pouvoir divin de pardonner les péchés. Un athée peut dire qu’il n’est pas d’accord avec la vue de Jésus, mais affirmer que Jésus lui-même ne croyait pas cela, n’est pas responsable historiquement et textuellement.

André Comte-Sponville adopte plutôt la vue de Spinoza (p.41), qui dit que Jésus était un « bon maître », mais pas divin:

Même leçon chez Spinoza. Il n’était pas plus chrétien que moi ; il était peut-être aussi athée que moi … cela ne l’empêchait pas de voir en Jésus-Christ un maître de premier ordre. Un Dieu ? Assurément pas. Le Fils de Dieu ? Pas davantage. Jésus, pour Spinoza, n’était qu’un être humain, mais exceptionnel, « le plus grand des philosophes »

Non. Etant données les affirmations radicales faites par Jésus telles qu’on les découvre dans nos meilleures sources historiques, si Jésus n’était pas le Fils de Dieu, il n’était certainement pas un bon maître. C’est une remarque célèbre de C.S. Lewis, qui disait que Jésus devait être Liar, Lunatic, ou Lord : un menteur, un malade, ou le Seigneur, mais certainement pas « le plus grand des philosophes ».

Comte-Sponville poursuit au sujet de Jésus:

Celui, en matière d’étique, qui a le mieux su dire l’essentiel. A savoir quoi ? Ceci, que Spinoza appelle « l’esprit du Christ » : que « la justice et la charité » sont toute la loi.

Non. Comme on l’a vu ci-dessus, pour Jésus, toute la loi est d’aimer Dieu et son prochain comme soi-même.

qu’il n’est d’autre sagesse que d’aimer

aimer Dieu !

ni d’autre vertu, pour un esprit libre, que de « bien faire et se tenir en joie »

Non, non, et non. Jésus dit rendre à Dieu ce qui lui appartient (Mat. 22:21), et dit faire sa volonté en toute chose (Jn. 5:19, 12:49). Soyez en désaccord, n’acceptez pas les enseignements du Christ, mais ne réquisitionnez pas Jésus pour une morale laïque et relativiste. Spinoza parlait de « la justice et la charité » au niveau purement humain, mais dans les enseignements de Jésus, ces deux vertus sont annoncées au sujet de Dieu. Dieu est effectivement parfaitement juste, ce qui, pour nous qui sommes tous pécheurs, est une nouvelle particulièrement mauvaise ! Jésus lui même refocalise sur la justice (au premier abord terrifiante) de Dieu : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne » (Mat. 10:28). Sans arrêt, Jésus annonce l’arrivée d’un jugement, et prône la nécessité d’entrer dans le royaume de Dieu, recevoir son pardon, être réconcilié avec Dieu, en bref, se trouver dans sa grâce.

La question se pose alors impérativement : comment un homme coupable peut-il se tenir devant un juge parfaitement droit, et espérer s’en sortir sans condamnation ? Cette question cruciale nous amène à notre deuxième interrogation centrale au sujet de Jésus : « qu’a-t-il accompli ? »

La réponse est au cœur du message merveilleux que les chrétiens appellent « l’évangile », à savoir la bonne nouvelle : Jésus est mort sur la croix, pour payer le prix de notre péché à notre place, absorbant en lui-même la colère de Dieu qui nous était destinée, de telle sorte que malgré notre culpabilité, nous puissions être pardonnés gratuitement, simplement en nous repentant de notre péché, et en plaçant notre foi en lui pour recevoir son sacrifice. Jésus le dit en ces mots : « le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs » (Mc. 10:45) et : « La volonté de mon Père, c’est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn. 6:40), ou encore:

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est point jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu (Jn. 3:16-18).

Voilà l’évangile, la bonne nouvelle : ce n’est pas par nos bonnes œuvres que nous obtenons la vie éternelle, le paradis, la réconciliation avec Dieu, mais par la foi en Jésus ! C’est un cadeau, reçu gratuitement par la foi, par tout ceux qui placent leur confiance en Jésus Christ.

C’est cette bonne nouvelle que Paul explique ensuite en détail dans ses épitres inspirées. Aux romains, il écrit : « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu, et ils sont gratuitement déclarés justes par sa grâce ; c’est un don que Dieu leur fait par le moyen de la délivrance apportée par Jésus Christ, que Dieu a offert comme une victime destinée à expier les péchés, pour ceux qui croient en son sacrifice » (Rom. 3:23-25). Et aux Galates il dit encore : « sachant que ce n’est pas par les œuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus Christ, nous aussi nous avons cru en Jésus Christ, afin d’être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la loi, parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi » (Gal.2:16).

Jésus meurt sur la croix, nous plaçons notre foi en lui, Dieu nous pardonne nos péchés. Voilà l’essence de l’évangile, accompli par Jésus Christ et proclamé par ses apôtres. Alors évidemment, si la vie éternelle se joue dans la balance, il est absolument essentiel pour les hommes de comprendre cette bonne nouvelle et de l’accepter. André Comte-Sponville note bien que c’est l’enjeu, lorsqu’il parle (p.74) des « trois jours » (entre la mort de Jésus et sa résurrection) qui le séparent des chrétiens :

Je sais bien que ces trois jours ouvrent sur l’éternité, par la Résurrection, ce qui fait une sacrée différence, qu’il ne s’agit pas d’annuler

Le problème est qu’il l’ « annule » quand même, en disant que l’éternité n’est pas essentielle dans les enseignements de Jésus :

Ainsi l’essentiel est sauf, qui n’est pas le salut mais « la vérité et la vie ».

Non. Encore une fois, le fragment « la vérité et la vie » est arraché de son contexte en tronquant la toute première chose que Jésus listait dans cette triade. Jésus dit être le chemin, la vérité et la vie. Le chemin qui mène où ? À Dieu ! Tout est expliqué dans ce même verset de Jean 14:6 si on respecte un tant soit peu le texte : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ». Jésus explique encore qu’il est le moyen par lequel nous rejoignons Dieu le Père. Comte-Sponville passe à côté de l’essentiel chez Jésus :

ce que j’ai retenu de la lecture des Evangiles, c’est moins ce qu’il dit sur Dieu ou sur une éventuelle vie après la mort (il n’en dit d’ailleurs pas grand-chose) que ce qu’il dit sur l’homme et sur cette vie-ci (p.65).

Une lecture des évangiles qui trouve que Jésus ne dit pas grand-chose sur Dieu ou le jugement final, est irrémédiablement distraite, pour ne pas dire aveugle.

En conclusion : soit Dieu existe, soit il n’existe pas. En aucun cas le salut n’est-il un « non-essentiel ». Si Dieu n’existe pas, le salut n’est pas un « non-essentiel », c’est un impossible. Et si Dieu existe et rend l’éternité possible, alors évidemment que le salut et la vie éternelle sont essentiels. Dans cette critique de livre, j’ai tenté d’expliquer comment les arguments d’André Comte-Sponville en faveur de l’athéisme échouaient (parfois de manière flagrante), et j’ai défendu plusieurs arguments justifiant l’existence d’un être maximalement excellent, créateur et designer de l’univers, source des valeurs morales objectives, et dont Jésus affirmait être la révélation ultime. La question du salut se pose alors, et il faut nous décider sur l’identité de Jésus. À quel Jésus croire? André Comte-Sponville s’invente le sien, et confesse ouvertement (p.73) :

disons que je me suis forgé une espèce de Christ intérieur, « doux et humble de cœur », en effet, mais purement humain, qui m’accompagne ou me guide.

Malheureusement, un Jésus imaginaire peut éventuellement accompagner ou guider, mais ne sauve pas. Ce constat concerne le croyant autant que l’athée, car bibliquement, Comte-Sponville n’est pas plus perdu que le « fidèle » qui n’est chrétien que de nom, va peut-être à l’église mais n’y croit pas vraiment, ou n’a pas reçu la bonne nouvelle du pardon des péchés pour lui-même. Pour chacun d’entre nous, la question de Jésus se pose : adopterons nous le Jésus déformé de notre « culture aux valeurs chrétiennes » qui ne sauve pas, ou le Jésus de l’histoire, le Jésus de la Bible, le divin Fils de Dieu qui pardonne les péchés et donne la vie éternelle à ceux qui se repentent et croient en lui ?

Il me semble que le choix est clair, et je témoigne ayant moi-même placé ma foi en lui, que Jésus est celui qu’il affirmait être : le chemin, la vérité et la vie.

Guillaume Bignon, Avril 2016.

Qu’est-ce que l’évangile? – Partie 1

L’association Axiome est une association d’apologétique qui a pour mission de donner une défense raisonnée du théisme[1] chrétien. L’apologétique vise parfois sur des questions particulières, comme l’existence de Dieu, ou encore la question de la souffrance. Mais l’appel à défendre notre foi dans la bible, n’est pas un appel à défendre uniquement une vision particulière du théisme. Ultimement, nous sommes appelés à défendre l’évangile. L’évangile est pour le chrétien, entre autres, ce qui le sauve (Romains 1.16; 1 Corinthiens 15.1-3; Galates 1.6-9; Éphésiens 1.13),  son espérance (1 Pierre 3.15), ce qui doit être annoncé (1 Corinthiens 15.1; Galates 3.1; 6.14) et ce qu’il doit défendre (Galates 2.5; 1 Pierre 3.15)[2]. C’est l’arrière-plan sur lequel l’apologétique travaille.  Autrement dit, chaque élément d’apologétique devrait construire ultimement et idéalement[3] à exposer l’évangile. La raison pour cela est celle-ci :

Le christianisme n’est pas fondé seulement sur l’affirmation de l’existence de Dieu. Mais sur l’affirmation supplémentaire que Dieu s’est révélé en la personne de Jésus.

Si nous sommes appelés à défendre et à présenter l’évangile, il convient de se poser la question : « qu’est-ce que l’évangile? » Cet article cherche à donner une compréhension biblique de l’évangile, sans défendre nécessairement chacun des aspects qui s’y attachent.

 

Comment trouver l’évangile dans la Bible?

 

Plusieurs approches seraient possibles :

  1. Nous pourrions regarder ce que l’église (catholique, orthodoxe, protestante, etc.) dit de l’évangile. Dans ce cas, nous pourrions donner l’autorité à l’église afin de définir « l’évangile ». Mais il y a des risques à utiliser cette méthode. À commencer par un éloignement du véritable évangile transmis à la base par les apôtres dans les textes bibliques. Cela est avéré dans l’histoire.
  2. Nous pourrions ouvrir nos bibles et voir qu’il y a quatre évangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean) que nous trouvons dans le Nouveau Testament. Est-ce cela l’évangile? Il ne faut pas oublier qu’au premier et second siècle, nous ne parlions jamais de « quatre » évangile. Il n’y a qu’un seul évangile concernant Jésus. Alors, on dit plutôt l’Évangile « selon » Matthieu, ou « selon » Marc, ou « selon » Luc, ou « selon » Jean.
  3. Nous pourrions faire l’étude du mot « évangile » en regardant le nombre de fois qu’il revient dans les textes bibliques, ou encore dans la littérature antique. Mais il faut noter que ce n’est pas un terme technique qui a toujours la même signification (terminus technicus)[4]. L’étude serait incomplète en ne tenant pas compte du contenu de l’évangile.

Évidemment nous pourrions ajouter à cette liste de nombreuses méthodes. Voici la suggestion de Greg Gilbert[5], que j’affectionne particulièrement : il suggère d’approcher la tâche en définissant le contour principal de l’évangile en regardant qu’est-ce que les premiers chrétiens disaient à propos de Jésus et la signification de sa vie, sa mort et de sa résurrection[6]. Cela évitera de donner autorité à une église, une personne, ou autres pour définir l’évangile, mais plutôt de regarder ce que Jésus et ses témoins disaient de l’évangile. Ainsi nous évaluerons les églises et les personnes à la lumière du véritable évangile[7].

 

La nécessité de traiter ce sujet

C’est tellement primordial pour les auteurs bibliques que Paul réserve ses plus sévères paroles pour les personnes qui annoncent un « autre » évangile. La lettre de Paul aux Galates dit ceci :

« Mais si vous-même, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème! » (Galates 1.8)

C’est une lettre qui contient un avertissement que nous ne trouvons nulle part ailleurs (1.8). Selon ce verset si nous n’avons pas le bon évangile, nous sommes damnés. Le problème n’est pas seulement que les Galates se sont trompés doctrinalement, mais bien qu’ils se sont détournés de celui qui les « […] a appelés » (1.6) pour passer à un autre évangile. C’est donc un évangile différent de celui prêché par Paul et approuvé des apôtres. Quand Paul parle d’un « autre » évangile, cela suggère qu’il y a un contenu tellement important concernant l’évangile, que, si nous le manquons nous ne sommes pas seulement en train de torde le message, mais on s’éloigne de Dieu. Ce n’est donc pas l’évangile. Ne pas avoir le véritable évangile, selon Paul, c’est s’éloigner de Dieu. Dieu et évangile son connecté. Cela soulève la question encore une fois : « qu’est-ce que l’évangile? »

La majorité s’entend pour dire que « l’évangile » est une « bonne nouvelle ». Et la première chose que l’on fait avec une nouvelle, c’est l’annoncer. Mais quel est le contenu de cette nouvelle? Malgré le fait que plusieurs livres du Nouveau Testament, par exemple l’évangile selon Jean, n’utilisent pas le terme « évangile », nous voyons que dans une perspective thématique ils ont autant de « bonne nouvelle » à dire que d’autres qui abondent dans l’utilisation du terme[8].

Dans cet article je vous propose une réflexion sur le langage de l’évangile. L’avertissement de Paul dans l’épître aux Galates est tellement sérieux, que dans une deuxième partie nous regarderons son contenu dans le contexte de cette lettre de Paul aux Galates. Enfin, dans une troisième partie nous regarderons le contenu plus large de l’évangile.

 

Le langage de « l’évangile »

Le terme grec pour « évangile » est « euangelion » (εὐαγγέλιον). Le tableau ci-dessous montre les occurrences du nom et du verbe dans la septante[9] (LXX) ainsi que dans le Nouveau Testament (NT)[10] :

Nom « euangelion » (εὐαγγέλιον) Évangile / bonne nouvelle LXX   1x NT   76x
Verbe « euangelizomai »   (εὐαγγελίζομαι) Proclamer / annoncer LXX   23x NT   54x

 

Premièrement, le terme « euangelion » signifie « bonne nouvelle ». Le verbe « euangelizomai »  renferme donc l’idée de Proclamer / annoncer cette nouvelle. C’est premièrement une nouvelle à proclamer. C’est avec justesse que Douglas Moo observe :

« Le nom [εὐαγγέλιον, « évangile »] dans le Nouveau Testament signifie la « bonne nouvelle » de l’intervention salvifique de Dieu en Christ, se référant généralement au message de Christ (1 Co 15.1; Ga 1.11; 2.2) et, par extension, à l’acte de prêcher ce message (1 Co 9.14 [deuxième occurrence]; 2 Co 2.12; 8.18; Phil 1.5 [?]; 4.3 [?]). »[11]

Deuxièmement, dans la Bible nous remarquons qu’il y a une certaine transformation dans l’utilisation d’un terme. Par exemple, le terme « évangile » peut devenir tellement compréhensif qu’il devient plus ou moins l’équivalent du « Christ » (Romains 1.9). Autrement dit, on utilise un terme « raccourcie » qui englobe l’œuvre de rédemption de Jésus à la croix[12]. Ce qui signifie que l’auteur peut expliquer ce qu’est « l’évangile » en détaillant son contenu à un endroit particulier et par la suite utilisé d’autre expression y faisant référence, sans être obligé de tout énumérer le contenu minimal en plusieurs points. Considérez ces deux passages :

« Car je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon   Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. »

1 Corinthiens 2.2 

 

Paul mentionne qu’il ne veut rien d’autre à   déclarer que Jésus-Christ crucifié.
« Souviens-toi de   Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, issu de la descendance de David,   selon mon Évangile. »

2 Timothée 2.8 

 

Paul dit que ce qui est en ligne avec   l’évangile est la « résurrection   d’entre les morts, issue de la descendance de David […] », mais il   ne mentionne pas la croix.

 

Voyez-vous le contraste entre les deux? À mon sens, une des raisons pour utiliser ce « raccourcie », c’est que l’évangile est le point central sur lequel repose tout le reste. Ce n’est pas le point en marge qui est sous-entendu dans le texte. Autrement dit, un auteur va attacher d’autres thèmes et d’autre contenu autour de l’évangile en gardant celui-ci central.

Prenons la première lettre de Pierre. Pierre dresse un portrait assez clair de l’évangile en dressant une liste de son contenu (1 Pierre 1.1-12) :

  • le sang de Jésus (1.2),
  • sa résurrection (1.3)
  • et cela en vue de notre espérance (1.3).
  •  Il nous parle de notre héritage à venir (1.4)
  • Tout cela s’inscrit dans le plan de rédemption (« rachat ») de Dieu depuis les prophètes de l’Ancien Testament (1.10-12) à qui ont reçus des révélations.
  • Ces prophètes cherchaient les circonstances se rapportant à ces révélations. Mais aujourd’hui, c’est révélé par les apôtres et ceux qui prêchent (1.12).

Après avoir dressé un portrait de l’évangile dans son contenu, Pierre va attacher tous les autres sujets autour de ce thème principal. Il commence directement par les termes  « C’est pourquoi » (1.13) et voici quelques sujets qui sont vu à la lumière de l’évangile qui est notre espérance (1.3) :

  • Pierre commence des exhortations à la sainteté, vigilance et l’amour (1.13-2.10).
  • Il parlera des relations entre époux et épouses (3.1-7),
  • de la souffrance (4.1-19)
  • et des leaders (5.1-5).

 

Conclusion

Si nous devions résumer l’évangile en une phrase, elle irait comme ceci :

« L’évangile est la bonne nouvelle de tous ce que  Dieu a fait pour nous par son Fils unique à la croix et la résurrection. »

On peut ajouter beaucoup de détail autour de la mort et résurrection de Jésus, comme nous avons vu avec Pierre, mais nous ne pouvons jamais aller moins que cela. Le genre littéraire « les évangiles » nous parle de ce que Dieu a fait Jésus pour nous sur la croix et la résurrection. C’est le cas de Paul, Pierre et les autres auteurs du Nouveau Testament. Enfin, nous avons brièvement vu qu’il est en ligne avec les écrits de l’Ancien Testament dans le plan rédempteur de Dieu pour nous racheter. La Bible est le livre qui nous montre comment Dieu rachète des humains qui sont séparés de lui et les auteurs, comme Pierre et Paul, préservent ce plan qui commence à la création, culmine dans le ministère et l’œuvre de Jésus à la croix, jusqu’à la consommation ou Jésus rétablira toute chose.


[1] Le théisme (du grec theos, dieu) est un terme qui désigne toute croyance ou doctrine qui affirme l’existence d’un Dieu et son influence dans l’univers, tant dans sa création que dans son fonctionnement. La particularité du théisme chrétien, c’est qu’il fait référence au Dieu de la Bible, et non pas n’importe quelle divinité.

[2] Nous trouvons cet appel dans de nombreux livre du Nouveau Testament comme Romains, 1 Corinthiens, Galates, 2 Pierre, Jude, etc. Nous le voyons sois par des exemples, exhortation, avertissement.

[3] Cela s’effectue souvent par cumul et avec du temps.

[4] Erreur  d’interprétation qui veut qu’ « un interprète suppose à tort qu’un mot a toujours ou presque toujours une certaine signification technique. » D.A. Carson, Erreurs d’exégèse, Trois-Rivières, Édition Impact, 2012, p.46.

[5] Gilbert Greg, What is the gospel? 9marks, Crossway, 2010.

[6] L’élément commun des quatre évangiles du Nouveau Testament tourne autour de ces événements. Et les prédications des apôtres contenus dans la bible tournent autour de ce sujet.

[7] Je ne traite pas de la validité de l’évangile comme vérité. Je la présuppose dans un sens. Mais il doit, comme n’importe quelles religions et philosophie répondre aux tests de vérités. Minimalement, on pourrait reporter ces tests à trois :

1)       cohérence logique

2)       justification empirique

3)       le bien-fondé expérimental

Comme il se base sur la réalité historique de la mort, l’ensevelissement et la résurrection physique de Jésus, l’évangile peut se démontrer dans l’histoire et se valider sur un plan logique rigoureux dans ses affirmations, sans compté le bien-fondé expérimental (historique ou personnel).

[8] D. A. Carson. “The Biblical Gospel.” in For Such a Time as This: Perspectives on

Evangelicalism, Past, Present and Future. Edited by Steve Brady and Harold Rowdon.

London: Evangelical Alliance, 1996, p.75.

[9] C’est une version de la bible hébraïque en langue grec, qui date d’environ de 270 av. Jésus-Christ.

[10] D.A. Carson, What is the Gospel? – Revisited, in Sam Storm and Justin Taylor and all, For the fame of God’s name: Essays in Honor of John Piper, Wheaton, Crossway, 2010, p.148.

[11] D.A. Carson, What is the gospel?: Revisited, in STORMS, SAM and TAYLOR, JUSTIN and all, For the fame of God’s name: essays in honor of John Piper, Crossway, 2010, p.157.

[12] Ibid. p.157