L’apologétique scientifique est le domaine de l’apologétique chrétienne qui défend la foi chrétienne de la pointe de vue scientifique. On considère, entre autres, les origines du monde, ainsi que la comparaison des affirmations de la Bible avec les découvertes scientifiques.

Ce que la science nous dit sur la question de l’origine

L’expérience Médium large

Pour faire suite au privilège d’avoir participé à une discussion radiophonique de Radio-Canada, Médium large : Ces fiers créationnistes qui voient Dieu dans les trous de la science, il me semble pertinent d’écrire un mot complémentaire sur ce que la science peut nous dire sur ce sujet. En effet, avec ce temps court et un sujet qui peut entraîner des discussions très variées, le sentiment général à la fin de cette émission était que beaucoup de ces sujets n’ont été qu’abordés sommairement.

La question de l’origine

Un sondage montre que 40 % des Canadiens croient en un univers créé par Dieu. On peut se demander si c’est dû à un manque de connaissance ou si ce point de vue est valable. Cette question est très large et est sujette à un examen philosophique, culturel, sociologique et scientifique. Pour répondre à la question de ce que la science a à dire à sur ce sujet, il faut d’abord définir ce qu’est la science.

Ce qu’est la science

La science est un modèle de la réalité utile à l’avancement de nouvelle technologie et la compréhension pragmatique du monde dans lequel nous vivons.

« La démarche scientifique n’utilise pas le verbe croire; la science se contente de proposer des modèles explicatifs provisoires de la réalité; et elle est prête à les modifier dès qu’une information nouvelle apporte une contradiction. »
Albert Jacquard – Petite philosophie à l’usage des non-philosophes, 1997

En science, il existe souvent plusieurs modèles distincts d’une même réalité par exemple la mécanique classique, la relativité et la mécanique quantique. Si l’on prend par exemple le phénomène d’attraction gravitationnelle dans ces trois descriptions scientifiques du monde. La mécanique classique décrit cette attraction par la gravitation universelle, une équation simple de description d’interaction de deux corps en relation. La relativité qui décrit la gravité comme une déformation de l’espace-temps permet à son tour d’inclure et dépasser les limites applicables de la théorie classique. Cependant, la mécanique quantique ne possède pas à ce jour de théorie quantique de la gravité qui soit applicable et vérifiable expérimentalement.  En d’autres mots, la science est une image imparfaite et pragmatique de notre monde réel. Cette image imparfaite de la réalité est selon l’esprit scientifique toujours mis à jour et améliorer pour refléter plus adéquatement la réalité.  

Il arrive que la science soit prise dans des paradoxes quelquefois déroutants. Un de ces paradoxes les plus connus est la dualité onde-corpuscule. Un photon, particule élémentaire de la force électromagnétique, se comporte tantôt comme une particule, tantôt comme une onde. Malgré ces paradoxes, le souci de cohérence en science est très important, même vital, à l’élaboration de nouvelles théories. 

Ce qui est considéré comme un fait scientifique ne provient pas d’une preuve absolue, mais de l’accumulation satisfaisante de données expérimentales directement attribuables à une équation ou un concept proposé. C’est pour cette raison que la science est toujours en construction. Certaines lois scientifiques n’ont jamais été démenties (comme c’est le cas des deux premiers principes de la thermodynamique), d’autres perdent leur fiabilité dans un contexte particulier (comme la mécanique classique pour des vitesses s’approchant celle de la lumière ou les équations de la mécanique des fluides dans un capillaire ou le nombre d’atomes est quantifiable).

Ce que la science a à dire

Un paradoxe très intéressant de la science nous mène à la question origine. Ce paradoxe provient des principes de la thermodynamique.

Ce premier principe concerne la conservation de l’énergie/matière. On ne crée pas l’énergie, on la transforme. Ce principe est aussi une loi générale pour toutes les théories physiques. On ne lui a jamais trouvé la moindre exception. Comme dit l’expression latine :

ex nihilo nihil fit

Rien ne vient de rien.

Ou brillamment dit par Lavoisier :

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

De ce principe – si l’on accepte une vision du monde purement matérielle – vient l’obligation de l’existence éternelle de la matière. Chaque atome de l’univers chaque quantum d’énergie aurait toujours existé sous une forme ou un autre. Jusque là, le monde peut s’expliquer d’une manière purement matérielle.

Le deuxième principe de la thermodynamique introduit la notion d’irréversibilité d’une transformation et la notion d’entropie. Il y a donc une dégradation de l’énergie irréversible. L’entropie d’un système isolé augmente, ou reste constante. Ce principe peut être illustré comme suit :

Tout tend à passer de l’ordre au désordre; du complexe au simple.

On observe cette entropie tous les jours dans notre monde. Cette accumulation d’entropie et son irréversibilité dans un système fermé comme l’univers demande clairement un état initial et un état final. Ce qui vient contredire la conclusion obtenue par une vision purement matérielle du monde avec le premier principe de la thermodynamique. 

  • La science elle-même, en particulier la thermodynamique, nous indique clairement qu’une vision purement matérielle de l’univers n’est simplement pas cohérente!

Cette conclusion est étonnamment rejetée par plusieurs scientifiques, cependant l’alternative demande un bris de la logique ou de l’un de ces deux principes scientifiques inébranlables.   

La cohérence scientifique

Le seul point de vue cohérent qui reste est donc l’existence d’un système non soumis à l’une de ces lois de la thermodynamique et les seul candidats connus a ce jours sont en dehors de du monde naturelle.  

Conclusion

Les deux lois de la thermodynamique indiquent que l’existence d’un système extérieur à l’univers non soumis à ces lois est donc nécessaire pour réconcilier la logique et la science.

Bien sûr, la croyance en un être surnaturel n’est pas motivée uniquement par la réflexion présentée ici. Beaucoup d’autre réflexion basée sur des arguments scientifiques, philosophie et sur l’expérience me permette de croire au Dieu de la Bible en toute intégrité intellectuelle et scientifique. Être un chrétien scientifique, sauvé par grâce, me donne la joie de pratiquer a mes activités préférer : remettre en doute les idées préconçues, poser de nouvelles questions et de nouvelles hypothèses avec un accès illimité a celui qui à inventé toutes ces merveilles et qui à le pouvoir de sauvé ou détruire l’âme et le corps.

Je voudrais remercier David Haines qui a effectué les démarches pour cette participation à la radio, Candide Proulx Recherchiste en chef chez Radio-Canada et Catherine Perrin de Médium Large pour le plaisir de cette belle expérience.

 

 

 

« Dignité, dépravation, et darwinisme » Le problème de la médiocrité humaine – Partie 12 de ma critique de « L’esprit de l’athéisme » d’André Comte-Sponville

<<< Partie 11

La cinquième raison offerte par André Comte-Sponville en faveur de l’athéisme est « la médiocrité de l’homme ». Il écrit (p.127) :

Les humains : plus je les connais, moins je peux croire en Dieu. Disons que je n’ai pas une assez haute idée de l’humanité en général, et de moi-même en particulier pour imaginer qu’un Dieu soit à l’origine et de cette espèce et de cet individu … l’idée que Dieu ait pu consentir à créer une telle médiocrité—l’être humain—me paraît, une nouvelle fois, d’un plausibilité très faible.

Cet argument est ambitieux. Il cherche à convaincre que le théisme est faux, mais pour cela, il affirme au sujet de l’homme, une thèse que la Bible proclame haut et fort ! André Comte-Sponville doit (ou devrait) le savoir : la déchéance de l’homme est non seulement affirmée par le christianisme, mais elle en est même un enseignement central. Un bref passage de l’épitre de Paul aux Romains devrait l’illustrer :

tous … sont sous l’empire du péché, selon qu’il est écrit : Il n’y a point de juste, pas même un seul ; Nul n’est intelligent, Nul ne cherche Dieu ; Tous sont égarés, tous sont pervertis, Il n’en est aucun qui fasse le bien, Pas même un seul ; Leur gosier est un sépulcre ouvert ; Ils se servent de leurs langues pour tromper ; Ils ont sous leurs lèvres un venin d’aspic… (Rom. 3).

Paul ne s’arrête même pas là, mais je pense que la thèse est claire : la Bible n’est pas tendre sur la condition morale des hommes. Croyant ou pas, il n’y a point de juste, pas même un seul. Mais donc dire que le christianisme est faux parce que l’homme est médiocre, c’est comme dire que le marxisme est faux parce qu’il y a une lutte des classes, ou que le darwinisme est faux parce qu’il y a une sélection naturelle—Ce n’est pas réfuter la thèse ; c’est affirmer son enseignement central.

En fait, l’allégation de Comte-Sponville soulève un problème de cohérence interne pour le théisme : elle semble affirmer que la médiocrité de l’homme n’est pas explicable par le théiste affirmant l’existence de Dieu. En réponse à cette accusation, le chrétien peut donc puiser dans toutes les ressources internes de sa théologie (chrétienne) pour expliquer les faits. André Comte-Sponville le réalise bien, mais insiste, en répondant que ces ressources sont insuffisantes :

que nous soyons à ce point capables de haine, de violence et de mesquinerie, cela (que le darwinisme explique sans difficulté) me paraît excéder les ressources de toute théologie. (p.131)

Si la haine, la violence et la mesquinerie lui paraissent « excéder les ressources de toute théologie », je lui prescris de fortes doses d’Augustin, de Luther, ou de Calvin. La « dépravation totale » est un des fameux « cinq points » du calvinisme, mais sans même aller jusqu’à recruter Jean Calvin, il suffit de lire les sources historiques initiales de la religion chrétienne : les apôtres du Christ tiennent régulièrement ce genre de discours, et surtout, c’était l’opinion de Jésus Christ lui même ! Jésus dit que « c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie… » (Marc 7 :21-22) Et c’est précisément pour cela que Jésus est venu au monde : sauver des pécheurs. Il l’explique en ces termes : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler à la repentance des justes, mais des pécheurs » (Luc. 5:31-32).

C’est ce que le chrétien appelle l’évangile ; la bonne nouvelle pour nous autres pécheurs : Jésus, qui lui n’était pas un pécheur, est venu sur terre, a vécu une vie parfaite, et en mourant sur la croix, il a payé à notre place le prix pour nos péchés, de telle sorte que quiconque se repent et place sa foi en Jésus maintenant ressuscité, reçoit le pardon gratuit de ses péchés, et la vie éternelle. Le paradis est un don gratuit, reçu par la foi en Jésus, et non pas par les bonnes œuvres. Cette bonne nouvelle est la base de la religion chrétienne, mais donc elle présuppose bien que l’homme soit déchu. En cela, André Comte-Sponville est donc d’accord avec la Bible au sujet de la condition présente des hommes.

Peut-être la stratégie de Comte-Sponville est-elle plutôt d’admettre que les chrétiens affirment cette vue désastreuse du cœur humain, mais d’insister que c’est une affirmation incohérente, car incompatible avec l’existence de Dieu le créateur parfait ? Si c’est le cas, André Comte-Sponville ne nous offre pas d’argument à cet effet. Mais en réponse, il suffit alors au chrétien d’offrir une thèse cohérente expliquant comment, selon lui, Dieu le créateur parfaitement bon pourrait être à l’origine des hommes que l’on sait être si médiocres aujourd’hui. Cette thèse, pour le chrétien, est offerte dans la Bible : c’est celle de la chute. Selon le chrétien, l’homme n’a pas commencé dans cet état dépravé. Il a été créé bon, et sa « médiocrité » présente est le fruit d’une chute à partir d’un état initial meilleur. Alors évidemment, cette thèse soulève toutes sortes de questions théologiques intéressantes qui sont discutées dans la littérature chrétienne académique (quelle était la nature du libre arbitre avant la chute du premier homme ? est-ce que Dieu était au contrôle de ce choix ? Dieu est-il impliqué même indirectement dans le mal ? etc.) mais comme André Comte-Sponville n’en mentionne aucune, je vais laisser ces discussions intéressantes de côté pour une autre occasion. Pour l’heure, je souhaite juste noter deux aspects complémentaires de la vue chrétienne au sujet de l’humanité, deux composants qui sont à mon sens nécessaires pour une description correcte de notre espèce. Ces deux affirmations chrétiennes sont les suivantes :

1-l’homme est créé bon et à l’image de Dieu, il a donc une dignité toute particulière

et

2-l’homme est déchu, et est donc un pécheur ayant besoin de rédemption.

Nier le point numéro 2 n’est pas l’erreur du christianisme, contrairement à l’allégation maintenant réfutée d’André Comte-Sponville. Cette erreur est en revanche commise par la mouvance « new age », par exemple, qui divinise l’homme, et néglige sa déchéance, faisant de chacun de nous des petits dieux. La médiocrité humaine considérée ici réfute cela, j’y conviens bien, mais le christianisme est intact.

En revanche, l’erreur opposée, qui consiste à nier le point numéro 1, est un souci qu’il nous faut maintenant soulever au sujet de l’athéisme. Si l’homme n’est pas créé à l’image de Dieu, il n’est pas moralement différent des animaux ; c’est juste un primate qui a avancé un brin plus loin dans la chaine de l’évolution darwiniste, sans statut moral privilégié. Il est alors impossible de rescaper la dignité morale et la valeur intrinsèque de l’homme, et André Comte-Sponville lutte précisément dans ce domaine. Il s’épate (p.128) : « Qui aurait pu deviner … que ces espèces de grands singes … inventeraient les droits de l’homme … ? » Si les droits de l’homme ne sont qu’une « invention » humaine, alors ils ne valent pas plus que les droits du moustique ou les droits du poulet. Comte-Sponville remarquait (p.19) qu’ « On n’enterre pas un homme comme une bête », mais son athéisme l’empêche d’expliquer l’existence de cette dignité humaine supérieure par rapport aux bêtes. Il tente alors de l’autre côté de rescaper une certaine dignité pour les animaux : « Nous nous battons, par exemple, pour protéger les baleines ou les éléphants. Nous avons raison » (p.128) et « L’humanisme n’est pas une religion, c’est une morale (laquelle inclut aussi nos devoirs vis-à-vis des autres espèces animales) » (p.129). Mais si Dieu n’existe pas, d’où viennent ces « devoirs » envers les animaux ? Et surtout, nous voulons préserver les baleines ou les éléphants, mais pas les bœufs de nos bourguignons, ou les cochons de nos merguez. Alors à moins qu’il ne soit végétarien, l’athée nous doit encore une bonne raison de penser que tuer un cochon et tuer un homo-sapiens (même un « médiocre ») soient moralement différents. Le chrétien a là une réponse cohérente : l’homme, contrairement aux animaux, est créé à l’image de Dieu. Mais l’athée ne peut pas maintenir cette distinction justifiant le caractère sacré de la vie humaine.

André Comte-Sponville tente alors de redresser un peu la barre, et affirme qu’il ne faut pas « haïr » les hommes malgré leur médiocrité. Je suis bien d’accord avec cet impératif, mais mon souci concerne la justification qu’il offre pour cela : il dit qu’il ne faut pas haïr l’homme parce que ce n’est qu’un animal, et donc ce n’est pas de sa faute ! Il cite La Mettrie à cet effet :

Le matérialisme, disait La Mettrie, est l’antidote de la misanthropie : c’est parce que les hommes sont des animaux qu’il est vain de les haïr, et même de les mépriser. (p.128)

Clairement, nul ne dit ici qu’il faut les haïr ou les mépriser, mais les atrocités morales humaines doivent être moralement condamnées. Comte-Sponville absout les hommes de toute responsabilité morale pour le mal que nous faisons, en disant que ce n’est pas notre faute !

Faut-il pour autant donner raison aux misanthropes ? Surtout pas ! L’homme n’est pas foncièrement méchant. Il est foncièrement médiocre, mais ce n’est pas sa faute. Il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a ou ce qu’il est, et il n’est pas grand-chose, et il ne peut guère (p.128).

La négation de la responsabilité morale des hommes est extrêmement problématique. Et non, en tant que chrétien, je ne crois pas que l’homme (moi inclus, bien entendu) fasse « ce qu’il peut », dans le sens pertinent. Nous ne faisons justement pas de notre mieux. Nous échouons moralement, et nous sommes coupables. La Bible prend au final une vue bien plus sérieuse de la méchanceté humaine. « Médiocre », disait Comte-Sponville ? Le christianisme va plus loin : l’homme est pécheur, il est coupable, et a donc besoin non pas d’un petit coup de pouce, mais d’un pardon de Dieu, disponible par la foi en Jésus comme je l’expliquais ci-dessus. C’est l’évangile chrétien, et j’y reviendrai. En attendant, nous pouvons ici conclure que la raison numéro quatre offerte par André Comte-Sponville en faveur de l’athéisme est un échec : la médiocrité humaine ne fait rien pour réfuter l’existence de Dieu, et elle confirme même un des enseignements principaux du christianisme. Dans la partie suivante, nous discuterons de la sixième et dernière raison offerte par André Comte-Sponville en faveur de l’athéisme : « notre désir de Dieu », qui serait une « raison de douter de son existence ».

Partie 13 >>>

« Détection intelligente d’une conception intelligente » L’argument téléologique – Partie 9 de ma critique de « L’esprit de l’athéisme » d’André Comte-Sponville

<<< Partie 8

La troisième et dernière preuve pour l’existence de Dieu qu’André Comte-Sponville critique est celle qu’il appelle « physico-théologique », ou l’argument du « dessein intelligent ». Cet argument, popularisé par William Paley, et modernisé de manière contemporaine par les avocats du « dessein intelligent », consiste à observer dans la nature certains motifs complexes, et à tirer la conclusion que la meilleure explication de ces motifs est une intelligence ordonnatrice qui les aurait conçus, afin d’accomplir un but désiré. Comme un « but » ou une « fin » en grec se disent « télos », cette preuve est aussi appelée « l’argument téléologique ». Le partisan de cet argument téléologique, donc, affirme que certains motifs dans la nature nous permettent de tirer la conclusion qu’ils sont le fruit d’un dessein intentionnel, par un créateur intelligent, plutôt que le fruit uniquement du hasard et des lois naturelles. Pour ce faire de manière justifiée, les partisans du dessein intelligent ont proposé et défendu certains critères qui permettent de reconnaître le dessein, et le distinguer du hasard. Un de ces critères, offerts par William Dembski, s’appelle la « complexité spécifiée », et propose que l’on soit justifié pour reconnaître un dessein intelligent lorsque l’objet ou motif observé possède deux propriétés : 1-il est très improbable, et 2-il correspond à un plan spécial indépendant. Je m’explique.

Si vous entrez dans la cuisine et que vous voyez un sac de nouilles « alphabet » renversé sur la table en vrac, avec les lettres dans un ordre tel que : « D U FP E D CNE I ZD JRO », vous supposerez à juste titre que le sac a été renversé de manière aléatoire, sans que quelqu’un les organise particulièrement sur la table. Mais si au contraire les lettres posées sur la table épelaient une phrase compréhensible en français, comme par exemple « QUAND L APPETIT VA TOUT VA », vous concluriez plutôt, et toujours de manière bien justifiée, qu’une personne intelligente les a organisées comme ça pour accomplir un but, à savoir le but de communiquer cette phrase. Comment le savez-vous ? Le critère de William Dembski nous dit que l’organisation de nos nouilles est : 1-très improbable, et 2-correspond à un plan spécial indépendant (la communication d’une phrase connue) ; elle exhibe donc la « complexité spécifiée », et justifie la conclusion d’un dessein intelligent. Si les nouilles avaient épelé « D U FP E D CNE I ZD JRO », elles auraient été complexes, mais pas spécifiées. Et si elles avaient épelé « JE », elles auraient été spécifiées, mais pas assez complexes pour que l’on puisse justifier la conclusion du dessein intelligent. Mais donc, lorsque notre motif est à la fois complexe et spécifié, nous sommes justifiés pour reconnaître un dessein intelligent.

Le partisan de l’argument téléologique applique alors ce raisonnement à plusieurs motifs dans la nature, qui suggèrent l’existence d’un créateur intelligent à l’origine de l’univers et de la vie. Un des éléments qui se prêtent à cette déduction est l’ADN dans nos cellules. Il fonctionne en alphabet pour coder la synthèse des protéines, et exhibe précisément la complexité spécifiée que l’on vient de définir : ses motifs sont extrêmement improbables (la chaîne de l’ADN est bien plus longue que notre phrase de nouilles alphabet), et ils correspondent à un plan spécial indépendant, le plan de la synthèse des protéines. L’ADN pourrait donc bien justifier la conclusion que la vie est le fruit d’un dessein intelligent, plutôt que d’un processus aléatoire.

Mais de manière à mon sens bien plus convaincante que l’ADN, cette détection d’intelligence créatrice s’applique surtout au dénommé « fin réglage » des conditions initiales de l’univers. La science moderne a découvert qu’un certain nombre des constantes intervenant dans les équations des lois fondamentales de la physique (la constante de gravitation, le quotient des masses de l’électron et du proton, etc.), ainsi qu’un certain nombre de quantités initiales de notre univers (la vitesse d’expansion, le niveau initial d’entropie, etc.) semblent avoir été ajustées avec une précision incommensurable, pour permettre la vie dans l’univers. Si ces constantes ou quantités avaient été ne serait-ce qu’une fraction plus petites ou plus grandes, la vie aurait été impossible où que ce soit dans l’univers. Ce fait remarquable requiert une explication. Est-ce le hasard pur que l’univers permette la vie ? Aucune chance ! Les nombres sont tels qu’un univers ne permettant pas la vie aurait été littéralement des milliards de milliards de fois plus probable. Est-ce du à la nécessité physique ? Probablement pas non plus, car des variations de ces quantités et constantes auraient été compatibles avec nos mêmes lois de la nature ; il n’y a aucune raison de penser que ce fin réglage soit physiquement nécessaire. Mais donc il ne reste qu’une explication alternative plausible : l’univers exhibe un réglage fin pour permettre la vie, parce que…l’univers a été réglé finement dans le but de permettre la vie ! Mais donc cela implique que l’univers a un créateur et designer, qui a finement réglé l’univers avec pour but de permettre l’existence de la vie. C’est l’argument téléologique.

Quelles réponses à cet argument nous sont alors offertes par André Comte-Sponville ? Il dit de cette preuve : « C’est la plus populaire, c’est la plus simple. C’est la plus évidente et la plus discutable » (p.96). Je ne partage pas son opinion sur ces points, mais comme il s’agit juste de ses préférences personnelles assez subjectives, je ne peux pas vraiment les critiquer. En revanche, lorsqu’il passe à l’explication de l’argument, il déforme ses affirmations. Il l’explique en ces termes :

On part de l’observation du monde ; on  constate un ordre, d’une complexité indépassable ; on conclut de là à une intelligence ordonnatrice. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la théorie du « dessein intelligent ». Le monde serait trop ordonné, trop complexe, trop beau, trop harmonieux pour que ce puisse être le fait du hasard ; une telle réussite supposerait, à son origine, une intelligence créatrice et ordonnatrice, qui ne peut être que Dieu.

Non. Il y a au moins deux erreurs dans sa présentation de l’argument. Premièrement, ce n’est pas juste une complexité, qui justifie la conclusion du dessein intelligent ; c’est une complexité spécifiée ; une complexité avec un but, correspondant à un motif indépendant. Toute montagne dans la nature exhibe un motif de roches très complexe, sans pour autant justifier la conclusion du dessein intelligent. En revanche, le Mont Rushmore, qui exhibe (de manière tout aussi complexe) les têtes de 4 présidents des Etats-Unis, nous permet de conclure qu’il est le fruit du dessein intelligent, car il correspond à un motif indépendant, à savoir le portrait de ces présidents. De même, le fait que la combinaison des constantes et quantités initiales de l’univers soit extrêmement improbable ne justifie pas en soi la conclusion du dessein ; mais le fait que cette combinaison tombe précisément dans une fenêtre minuscule permettant la vie dans l’univers nous permet de conclure à un dessein par le créateur de l’univers. Et deuxièmement, nul ne dit qu’un dessein intelligent par Dieu soit la seule explication possible. Nous disons seulement que c’est de loin la meilleure. C’est une inférence à la meilleure explication, et il me semble bien qu’elle soit justifiée.

André Comte-Sponville offre alors une autre objection, celle des « imperfections » en critiquant la formulation de l’argument par William Paley. Paley avait proposé la célèbre « analogie de l’horloge », en disant que s’il se promenait dans la lande et trébuchait sur une horloge trainant dans la nature, la meilleure explication de l’horloge avec ses mécanismes complexes pour donner l’heure serait un designer intelligent. Comte-Sponville critique alors cette analogie, en disant (p.98):

elle fait peut de cas, j’y reviendra, des désordres, des horreurs, des dysfonctionnements, qui sont innombrables. Une tumeur cancéreuse est aussi une espèce de minuterie (comme dans une bombe à retardement) ; un tremblement de terre, si l’on veut tirer la métaphore horlogère, fait comme une sonnerie ou un vibreur planétaire. En quoi cela prouve-t-il que tumeurs ou cataclysmes relèvent d’un dessein intelligent et bienveillant ?

L’objection est mal conçue. Personne ne dit pouvoir prouver par l’argument téléologique que le créateur intelligent est aussi omniscient et  bienveillant. Ce n’est pas le fardeau de cet argument, et Comte-Sponville nous doit donc toujours une réponse pour préserver la cohérence de son athéisme face à l’argument du dessein intelligent, car même un dessein imparfait reste un dessein intelligent, et même un dessein malveillant reste un dessein intelligent. Une Lada est le fruit du dessein même si ce n’est pas une BMW. Et un étau de torture est le fruit du dessein même si ce n’est pas une table de massage. Le problème du mal mérite effectivement une réponse par le philosophe théiste, et j’y viendrai plus tard dans cette critique, mais pour le moment, le souci des imperfections ou du mal est complètement impertinent pour le théoricien du dessein intelligent qui appuie l’argument téléologique.

André Comte-Sponville tente ensuite de nier le dessein intelligent en disant que la science moderne a dépassé « un modèle mécanique ». Je ne vois pas bien pourquoi un « modèle mécanique » serait au cœur de l’argument téléologique, et je soupçonne que Comte-Sponville dise ceci à cause de sa focalisation exagérée sur l’analogie de l’horloge : une horloge est mécanique, le croyant dit que l’univers est un peu comme l’horloge, alors l’univers doit être mécanique ? Ce n’est clairement pas une affirmation de mon argument ; néanmoins, il affirme (p.98): « La nature, telle que nos scientifiques la décrivent, relève plutôt de la dynamique (l’être est énergie) ». Voilà encore une phrase bien obscure. L’être a de l’énergie, mais il n’est pas énergie. Et l’énergie est bien sûr incluse dans un modèle mécanique : énergie cinétique, énergie potentielle de pesanteur, énergie potentielle élastique sont toutes au centre de l’étude des systèmes mécaniques. Il poursuit en ajoutant que la nature relève « de l’indéterminisme (la nature joue aux dés ; c’est en quoi elle n’est pas Dieu) ». Encore une fois, l’affirmation est impertinente vis-à-vis de l’argument, mais j’ajoute que non, la mécanique quantique n’est pas nécessairement indéterministe. Ses équations admettent une bonne dizaine d’interprétations possibles, certaines étant entièrement déterministes, et elles sont empiriquement équivalentes. Et dans tous les cas, personne ne dit que la nature est Dieu ; seulement qu’elle est créée par Dieu. Enfin, même si la nature s’avérait indéterministe, ça n’exclurait pas la providence de Dieu, donc c’est une fausse piste complète. Il conclut son objection avec « l’entropie générale (que dirait-on d’une horloge qui tendrait vers un désordre maximal ?) ». Ma réponse consiste simplement à répéter sa question : et oui, « qu’en dirait-on ? » Qu’elle n’est pas le fruit de dessein ? évidemment pas. Une horloge qui tend vers le désordre reste un dessein intelligent. L’argument téléologique reste encore intouché.

André Comte-Sponville propose ensuite d’expliquer la complexité de la vie par la théorie darwiniste de l’évolution : « l’évolution des espèces et la sélection naturelle remplacent avantageusement—par une hypothèse plus simple—le plan providentiel d’un mystérieux créateur » (p.98-99)

En premier lieu, cette réponse est évidemment inepte contre le fin réglage des conditions initiales de l’univers. Mais malheureusement, même en biologie, l’argument téléologique se porte principalement sur le contenu de la cellule, et la structure de l’ADN. Or le darwinisme présuppose entièrement l’existence préalable de la cellule complète. Le darwinisme n’explique en rien le dessein dans la cellule, il tente uniquement d’expliquer comment on pourrait passer d’une espèce (toute faite) à une autre. Mais l’origine des espèces n’est pas « l’origine de la vie ».

Alors oui, il se trouve que je suis moi même sceptique au sujet de l’hypothèse que le processus darwinien purement naturaliste soit une bonne explication pour l’apparition des espèces (et de l’homme en particulier). En effet, je pense que même avec 4 milliards d’années sur la terre, il y aurait trop peu de temps pour que ce mécanisme génère toute la complexité biologique d’un être humain (Il y a une bonne dizaine d’étapes dans l’évolution supposée de l’homme qui sont chacune si improbable qu’il aurait fallu des milliards et des milliards d’années avant qu’elles ne se produisent par chance et sélection naturelle). Mais oubliez mon scepticisme : pour le sujet qui nous anime ici, je peux entièrement concéder la bataille de l’évolution au darwiniste, et l’argument téléologique touchera toujours au but ! Comte-Sponville pense que « Si le hasard (des mutations) créé de l’ordre (par la sélection naturelle), on n’a plus besoin d’un Dieu pour expliquer l’apparition de l’homme. La nature y suffit » (p.99). Mais c’est totalement faux. Même si le processus darwiniste était capable de générer de l’ordre par la sélection naturelle, il ne toucherait en rien au problème de l’apparition de la vie, ou, comme je l’ai dit, à l’argument téléologique principal, portant sur le fin réglage de l’univers.

André Comte-Sponville se lance alors dans une critique des agissements des partisans de l’argument du dessein intelligent, en disant (p.99) :

On comprend que les partisans du « dessein intelligent » s’en prennent si souvent au darwinisme

oui, ils « s’en prennent » au darwinisme ; avec des arguments ! Comte-Sponville ne nous dit pas exactement pourquoi ce serait problématique. Il continue :

… jusqu’à prétendre parfois—au nom de la Bible !—en interdire l’enseignement ou le mettre au niveau de la genèse.

J’ai bien peur que ça ne soit de la fiction. J’invite André Comte-Sponville à citer un seul théoricien du dessein intelligent (un seul!) qui suggère l’interdiction d’enseigner le darwinisme ! William Dembski, John Lennox, Michael Behe, Michal Denton, Stephen Meyer, David Berlinski, aucun des champions du dessein intelligent ne suggèrerait une telle chose : bien au contraire, il comprennent bien que l’on ne peut pas réfuter un thèse sans d’abord l’enseigner et l’expliquer ! Et non, la Bible n’entre même pas dans cette conversation, les partisans du dessein intelligent ne sont même pas tous croyants (Berlinski est agnostique). Ces critiques sont donc des fausses-pistes, et les actions ou le caractère des partisans d’un argument sont complètement impertinents vis-à-vis des mérites de l’argument (le nier, c’est commettre le sophisme appelé « argumentum ad-hominem » : attaquer la personne plutôt que son argument).

André Comte-Sponville conclut enfin sa critique de l’argument avec une dernière remarque assez inattendue :

Le jour où le soleil va s’éteindre, dans 5 milliards d’années, la preuve physico-théologique aura perdu, selon toute vraisemblance, la plupart de ses partisans, ou bien c’est qu’ils seront au paradis. Cette alternative, qui reste ouverte, dit assez que cette « preuve » n’en est pas une. (p.99)

Ai-je besoin d’expliquer au lecteur que cette objection manque sa cible ? En quoi cette réflexion étrange touche-t-elle de près ou de loin aux mérites de l’argument ? Évidemment que le jour où le soleil s’éteint (si on suppose que l’univers se déroule jusque là), et que la vie terrestre s’arrête, alors il n’y aura plus d’humains sur terre pour défendre l’argument téléologique (ni d’humains pour en être sceptique !) mais quel rapport avec le fait que la « preuve » physico-théologique en soit une ou pas ? Aucun.

Arrows hitting the center of target - success business conceptEn conclusion, la première raison offerte par André Comte-Sponville pour affirmer que Dieu n’existe pas, était la « faiblesse des arguments théistes ». Nous avons vu en réponse que l’absence de preuve ne serait pas même une preuve d’absence, mais que de toutes façons, il y a bel et bien de solides arguments en faveur de l’existence de Dieu : certains restés intouchés par Comte-Sponville, et puis les trois qu’il évalue (la preuve ontologique, la preuve cosmologique par la contingence, et la preuve physico-théologique) survivent tous à ses critiques que j’ai montrées être invalides. Jusqu’ici, le théisme se porte donc plutôt bien.

Dans la prochaine partie, nous nous tournerons vers les raisons 2 et 3 offertes par Comte-Sponville pour affirmer que Dieu n’existe pas : la supposée « faiblesse des expériences », et la supposée « incompréhensibilité de Dieu ».

>>> Partie 10

« Poésie athée contre logique théiste » L’argument cosmologique – Partie 8 de ma critique de « L’esprit de l’athéisme » d’André Comte-Sponville

<<< Partie 7

Le deuxième argument en faveur de l’existence de Dieu qui est critiqué par André Comte-Sponville est la preuve cosmologique, « par la contingence du monde » (p.90). Cet argument, développé par Gottfried Leibniz, commence par poser la question: « Pourquoi existe-t-il un univers, plutôt que rien du tout? » L’argument se base sur le principe que « tout ce qui existe doit avoir une raison de son existence (soit par une nécessité de sa propre nature, soit par une cause externe) ». Cette thèse est appelée le « principe de la raison suffisante », et semble en effet bien plausible : si une chose existe mais aurait pu ne pas exister (c’est à dire qu’elle existe de manière contingente), alors il doit y avoir une raison suffisante pour expliquer pourquoi elle existe plutôt que le contraire.

L’argument constate ensuite que l’univers est contingent : il aurait pu ne pas exister. Il aurait été cohérent que rien n’existe du tout, et il n’y a donc aucune raison de penser que l’univers physique que nous observons soit nécessaire, c’est à dire qu’il soit impossible qu’il n’existe pas. Une autre raison de penser que l’univers est contingent provient du fait que l’univers ait eu un commencement. S’il n’est pas éternel dans le passé, s’il a commencé à exister, il était clairement possible qu’il n’existât pas. Je note au passage que techniquement, il existe deux preuves indépendantes et importantes dites « cosmologiques » : celle qu’André Comte-Sponville critique ici, par la contingence du monde (défendue par Leibniz), et une autre distincte, par le commencement du monde, défendue de manière contemporaine par William Lane Craig. Cette dernière s’appelle la preuve cosmologique « de Kalaam », et Comte-Sponville ne semble pas la connaître, ou du moins ne la mentionne pas. C’est un trou important dans sa défense, car il s’agit d’un autre argument théiste puissant auquel il ne répond pas, mais comme il traite au moins de la version Leibnizienne, voyons ce qu’il a à dire au sujet de celle-ci, et je ne m’attarderai pas trop sur la version de Kalaam.

L’univers, Leibniz remarquait, est donc contingent. Mais alors si le principe de raison suffisante est vrai, il s’ensuit logiquement que l’univers doit avoir une explication de son existence, dans une cause extérieure. Quel type de cause ? Puisque l’univers est la totalité du monde spatio-temporel, sa cause doit être transcendante, immatérielle, non-spatiale, atemporelle, incroyablement puissante, et ayant créé l’univers. Cet argument établit ainsi l’existence d’un être avec un bon nombre des propriétés de Dieu, et dont l’existence ne peut pas être admise par un athée cohérent. C’est donc un argument théiste assez puissant.

Qu’en dit alors André Comte-Sponville ? Il commence par reconnaître sa force, en admettant :

Des trois « preuves » classiques de l’existence de Dieu, c’est la seule qui me paraisse forte, la seule qui, parfois, me fasse hésiter ou vaciller. Pourquoi ? Parce que la contingence est un abîme, où la raison se perd. Un vertige, toutefois, ne fait pas une preuve (p.91).

Pour ceux qui trouveraient cette réponse déroutante, revoyons l’action au ralenti : « La contingence est un abîme où la raison se perd ». C’est une bien belle métaphore poétique, mais une piètre réponse à un argument logique. Je concède bien qu’un « vertige » ne fasse pas une preuve, mais l’argument cosmologique n’est pas un « vertige », c’est un argument déductif logiquement valide, avec deux prémisses vraies et plausibles. Il me semble bien que cela fasse une preuve. André Comte-Sponville continue avec la poésie, et s’en prend à la raison :

Pourquoi la raison – notre raison – ne se perdrait-elle pas dans l’univers, s’il est trop grand pour elle, trop profond, trop complexe, trop obscur ou trop lumineux ?

Encore une fois, la poésie est charmante, mais inadéquate pour répondre à un argument logique. L’univers physique est-il contingent, oui ou non ? Il n’y a aucun rapport entre sa contingence et sa taille, ou sa profondeur, sa complexité, son obscurité ou sa luminosité. Imaginez si les rôles étaient inversés : si le penseur chrétien (moi, en l’occurrence), devant les arguments athées, commençait à attaquer la raison, en disant poétiquement que la raison se promène dans le grand univers et se perd dedans… On n’entendrait plus que cela : « les croyants sont irrationnels, les athées ont la raison dans leur camp, etc. » Je ne vois pas pourquoi l’attaque de la raison serait plus respectable quand elle vient de la plume d’un athée faisant face à un argument logique en faveur de l’existence de Dieu.

Comte-Sponville poursuit sa critique de la raison en l’emmenant ensuite dans une direction plus intéressante, lorsqu’il demande :

Qu’est-ce qui nous prouve, même, que notre raison ne déraisonne pas ?

D’un côté, cette question est évidemment impertinente dans le contexte de notre argument, puisque l’on pourrait dire exactement la même chose de n’importe quel argument : tout argument présuppose que notre raison fonctionne correctement pour évaluer l’argument. Mais Comte-Sponville ajoute au sujet de notre raison que

Seul un Dieu pourrait la garantir et c’est ce qui interdit à notre raison d’en prouver l’existence de Dieu, qui garantit la véracité de notre raison.

Intéressant ! Cette tentative est révélatrice, car je suis en fait d’accord avec lui, que seul Dieu garantit la fiabilité de nos facultés cognitives. En effet, si Dieu existe, lorsqu’il créé l’homme, il le façonne avec des capacités intellectuelles qui, lorsqu’elles fonctionnent proprement, sont destinées à accéder et croire la vérité. Si Dieu n’existe pas, en revanche, nos cerveaux ont alors été façonnés par le processus darwinien de mutations aléatoires et sélection naturelle, dans le but non pas de produire des connaissances véritables, mais d’assurer notre survie et notre reproduction. Et tant qu’une croyance assure notre survie, la sélection naturelle se moque bien de savoir si cette croyance est vraie. C’est donc une raison de douter de la fiabilité de nos capacités intellectuelles si Dieu n’existe pas. N’est-il pas remarquable que Comte-Sponville l’affirme ici ? Présupposer la fiabilité de notre raison, c’est présupposer l’existence de Dieu. Mais donc comme notre argument cosmologique présuppose la fiabilité de notre raison, Comte-Sponville nous accuse de présupposer l’existence de Dieu ! Ma réponse sera simple : oui, je présuppose évidemment que notre raison est fiable en offrant mon argument, mais la fiabilité de notre raison ne devrait pas être une prémisse disputable. C’est une prémisse qu’André Comte-Sponville concède lui même ouvertement dès lors qu’il s’engage en débat avec le croyant, dans la mesure ou c’est évidemment une présupposition de tout argument logique. La fiabilité de notre raison est donc une présupposition d’André Comte-Sponville lui-même, lorsqu’il engage les arguments théistes en écrivant un livre de philosophie ! Si la raison humaine n’est pas fiable, pourquoi raisonner avec le lecteur de L’esprit de l’athéisme ? Clairement, il présuppose que la raison humaine est fiable, et donc s’il ajoute maintenant que seul Dieu peut le garantir, il ne nous offre pas une raison de douter de l’argument cosmologique ou de la fiabilité de notre raison ; ce qu’il nous offre, c’est une raison supplémentaire de croire que Dieu existe. À la bonne heure.

Il reprend ensuite sa critique poétique de l’argument cosmologique :

Que notre raison, devant l’abîme de la contingence, perde pied, ou soit saisie de vertige, cela explique que nous cherchions un fond, pour cet abîme ; cela ne saurait prouver qu’il en a un (p.92).

Mais personne ici ne « perd pied » ou n’est « saisi de vertige ». Je n’arrive toujours pas à savoir s’il admet que l’univers soit contingent. Il en a l’air, mais il est tellement vague que je ne suis pas sûr. Ensuite il a l’air de rejeter le principe de raison suffisante pourtant si plausible :

Le nerf de la preuve cosmologique, c’est le principe de raison suffisante, qui veut que tout fait ait une raison d’être, qui l’explique.

Entre parenthèse, je pense que cette formulation du principe est bien trop ambitieuse, je dirais plutôt simplement que toute chose qui existe a une raison de son existence, c’est plus modeste.

Il poursuit:

Pourquoi le monde ? Parce que Dieu. C’est l’ordre des causes. Pourquoi Dieu ? Parce que le monde. C’est l’ordre des raisons. Mais qu’est-ce qui nous prouve qu’il y ait un ordre et que la raison ait raison ?

Soit cette phrase n’a aucun sens, soit elle admet une réponse triviale. Par définition, ce qu’il appelle ici « la raison » a raison ; si elle n’avait pas raison ce ne serait pas « la raison ». Il demande encore :

Pourquoi n’y aurait-il pas de l’absolument inexplicable ? Pourquoi la contingence n’aurait-elle pas le dernier mot, ou le dernier silence ?

Et revoilà la poésie. Que veut dire pour la contingence d’avoir « le dernier mot ou le dernier silence » ? j’avoue ne pas savoir. Il ajoute :

ce serait absurde ? Et alors ? Pourquoi la vérité ne le serait-elle pas ?

Ma réponse : parce que c’est la définition de la vérité même, qui nécessite qu’elle ne soit pas absurde. La loi de non-contradiction dit que si deux propositions se contredisent, affirmer les deux est absurde, c’est incohérent, c’est faux, car elles ne peuvent pas être vraies toutes deux en même temps. Et si André Comte-Sponville rejette maintenant les lois de la logique, je répète qu’il est futile d’écrire un livre de philosophie analytique rempli d’arguments logiques tel que L’esprit de l’athéisme.

Mais il corrige ensuite son langage trop fort pour reprendre sa concession d’absurde. Il fait une brève marche arrière et reformule :

D’ailleurs, ce serait moins absurde que mystérieux, et la vérité, pour tout esprit fini, l’est assurément (p.92).

Donc, pour résumer, il semble admettre que l’univers soit contingent, il rejette le principe de raison suffisante (sans aucune raison si ce n’est son souhait de nier l’existence de Dieu), dit que c’est mystérieux, et admet tacitement que si le principe de raison suffisante était vrai, il devrait exister un être nécessaire. Ce sont certes de fortes concessions devant l’argument cosmologique, mais il critique ensuite la valeur théologique de cette conclusion :

Au demeurant, quand bien même on donnerait raison à Leibniz, et au principe de raison, cela prouverait seulement l’existence d’un être nécessaire. Mais qu’est-ce qui nous prouve que cet être soit Dieu, je veux dire un Esprit, un sujet, une Personne (ou trois) ?

Encore une fois, j’admets bien que l’argument ne prouve pas la doctrine de la trinité, mais il nous donne plus que la nécessité de cet être : cet être est la cause extérieure de l’univers, qui doit donc être (comme je l’expliquais ci-dessus) nécessaire, atemporelle, éternelle, extrêmement puissante, et j’ajoute maintenant en réponse à Comte-Sponville que oui, elle doit aussi être « personnelle ». Pourquoi ? Parce qu’elle est immatérielle, et qu’il n’y a que deux sortes de candidats possibles dans l’ensemble des choses immatérielles : cela pourrait être soit une âme personnelle, soit un objet abstrait (tel que les nombres, les ensembles, les propositions, etc…) Mais les objets abstraits ne peuvent rien causer, or cet être est supposé être la cause de l’univers, ce qui par élimination nous donne un être personnel, immatériel, créateur de l’univers. Qu’on le nomme « Dieu » ou pas, aucun athée ne peut admettre une telle conclusion et garder sérieusement le nom d’athée.

André Comte-Sponville s’en prend alors au concept même de contingence, et démontre malheureusement une incompréhension de la logique modale, à savoir la logique du possible et de l’impossible, du nécessaire et du contingent (qui est évidemment employée par l’argument cosmologique par la contingence du monde). Il annonce :

Le monde aurait pu ne pas être ? Certes, mais pour l’imaginaire seulement et tant qu’il n’était pas (c’est ce qu’indique cet irréel du passé : aurait pu) point en lui-même et tant qu’il est.

Évidemment. Si c’est une objection, elle est confuse. Lorsque l’on annonce que l’univers aurait pu ne pas être, on entend bien que si ça avait été le cas, alors il n’aurait pas été tel qu’il est en vrai. Il n’y a aucune objection ici ; l’univers existe, vraiment, et il aurait pu, contrairement à ce qui est vrai dans le monde présent, ne pas exister : en bref, il est contingent.

Au présent, le réel ne connaît que l’indicatif, ou plutôt l’indicatif présent est le seul temps du réel, qui le voue à la nécessité

Non, pas du tout. Le réel peut être réel et nécessaire, réel et contingent, mais en aucun cas la simple réalité n’implique la nécessité, et qu’un philosophe professionnel se prenne les pieds dans le tapis au sujet de ces concepts philosophiques fondamentaux est assez surprenant.

Parce que tout serait écrit à l’avance ? Nullement. Mais parce que tout est, et ne saurait (au présent) être autre chose. Le principe d’identité y suffit : ce qui est ne peut pas ne pas être, puisqu’il est. C’est le vrai principe de raison, et le seul peut-être.

C’est encore confus. Lorsque l’on cherche à savoir si une chose vraie est contingente, on évalue si elle aurait pu être différente dans un autre monde possible, mais la possibilité alternative envisagée ne maintient évidemment pas en place l’état d’affaire réel, elle suppose une altération qui aurait expliqué une différence, et on considère alors la cohérence de ce scénario alternatif; pas sa compatibilité en tous points avec notre monde réel !

Le possible ? C’est du réel ou ce n’est pas. La contingence n’est que l’ombre portée du Néant ou de l’imaginaire – ce qui ne fut pas, ce qui aurait pu être – dans l’immense clairière du devenir ou de l’être (ce qui fut, ce qui est, ce qui sera).

Et revoilà la poésie. Je confesse ne pas pouvoir analyser ses affirmations sur les ombres portées dans des clairières. Enfin, André Comte-Sponville revient à une critique traditionnelle (et un peu plus sérieuse) de l’argument, lorsqu’il objecte (p.95):

C’est la grande question de Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » La question va au-delà de Dieu, puisqu’elle l’inclut. Pourquoi Dieu plutôt que rien ?

Mais la réponse est triviale : pourquoi le principe de raison suffisante ne requiert-il pas que Dieu ait une cause ? Parce que Dieu, par définition, existe par une nécessité de sa nature ; c’est un être nécessaire, chose que l’on ne peut pas affirmer au sujet de l’univers qui est contingent. Il anticipe cette réponse, et rétorque :

Penser l’être comme nécessaire, ce n’est pas davantage l’expliquer ; c’est constater qu’il ne s’explique que par lui même … , ce qui le rend, pour nous et à jamais, inexplicable.

Ce n’est pas tout à fait juste ; Dieu a une explication : son existence est expliquée par la nécessité de sa nature. Cela dit, j’admets bien qu’il y a dans l’existence nécessaire de Dieu un brin de mystère et d’émerveillement, mais au moins le concept reste cohérent ; alors que dans la vue athée, on a une contradiction entre le principe de raison suffisante et un univers contingent qui existerait sans explication, ce qui serait incohérent. C’est ce qui fait que l’argument cosmologique est un bon argument, et je pense avoir établi ici que sa critique par André Comte-Sponville est un échec. L’univers est contingent, il a même eu un commencement, deux propriétés qui requièrent l’existence d’une cause, un être transcendant, créateur de l’univers, immatériel, atemporel, nécessaire, et très puissant, que les chrétiens appellent Dieu, créateur du ciel et de la terre.

Dans la partie suivante, nous passerons en revue le dernier argument théiste discuté par André Comte-Sponville : la preuve physico-théologique, ou argument du dessein intelligent.

>>> Partie 9

« Guerre ouverte ? » : La science et la religion – Partie 10 de ma critique du « traité d’athéologie » de Michel Onfray

<<< Partie 9

galaxyDans la partie précédente, nous remarquions que le matérialisme de Michel Onfray n’était aucunement établi par la science (et nous offrions même de bonnes raisons de penser que le matérialisme était faux). Nous poursuivons maintenant avec la liste des thèses plus concrètes que Michel Onfray pense être établies par la science, et incompatibles avec la religion. Il se plaint ainsi des réjections de ces thèses par le croyant : « Des chercheurs croient à l’éternité du monde ? A la pluralité des mondes ? (Thèses par ailleurs épicuriennes…) Impossible : Dieu a créé l’univers à partir de rien. Avant rien, il n’y a … rien. » (p.130)

Commençons par « l’éternité du monde ». La vue chrétienne sur le sujet est effectivement que le monde n’est pas éternel dans le passé ; il a été créé par Dieu, « au commencement », selon l’expression de Genèse 1 et Jean 1. Est-ce donc un problème vis-à-vis de nos connaissances scientifiques ? Pas le moins du monde. Je ne sais pas quels scientifiques Onfray a en tête quand il nous dit que « des chercheurs » croient à l’éternité du monde, mais la science moderne enseigne précisément le contraire. La totalité des preuves scientifiques dont on dispose aujourd’hui pointent vers un début de l’univers. Ce fait est pour le moins problématique pour l’athéisme, car c’est un principe basique et fondamental de métaphysique, que tout ce qui commence à exister doit avoir une cause. Les choses n’apparaissent pas magiquement à partir du rien absolu, sans aucune explication.Presto L’espace et le temps ayant ainsi un début, il s’ensuit que l’espace et le temps ont une cause, qui, en tant que cause de l’univers, est donc en dehors de l’espace et du temps : cette cause doit ainsi être immatérielle, non-spatiale, atemporelle (et donc éternelle), et incroyablement puissante, car capable de créer l’univers entier. Cette cause se recoupe précisément avec la conception chrétienne du Dieu créateur, et donc cette ligne de pensée a été employée à juste titre par les philosophes chrétiens pour supporter scientifiquement l’existence de Dieu. Cet argument en faveur d’un créateur de l’univers s’appelle « l’argument cosmologique de Kalaam », et a généré une quantité incroyable de littérature académique discutant ses mérites. Pour rejeter sa conclusion, Michel Onfray n’a logiquement que deux alternatives : affirmer que l’univers peut apparaître spontanément à partir du néant absolu, sans l’ombre d’une cause ou explication ; ou bien rejeter le fait que l’univers admet un commencement, et maintenir plutôt la thèse qu’il suggère, « l’éternité du monde ». Mais dès lors, c’est lui qui tourne le dos à toutes les preuves scientifiques modernes, tout en accusant le chrétien de ce même obscurantisme. Les options de l’athée sur la question sont clairement peu attrayantes, et c’est le chrétien qui est en accord avec la science moderne quand il affirme qu’« au commencement, Dieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1 :1).

Qu’en est-il ensuite de la « pluralité des mondes » ? Il fait ici probablement référence à la thèse du « multivers », qui postule que notre univers, avec ses lois de la nature et ses constantes, n’est qu’un univers parmi une large collection d’univers ayant tous des lois et des constantes physiques différentes. Michel Onfray ne nous dit pas quel problème cela poserait au chrétien si cette thèse s’avérait correcte. À vrai dire, il n’y a aucun conflit avec la doctrine de la création, et au contraire, elle révèle une autre raison importante de penser que notre univers est le fruit d’un dessein intelligent. Pourquoi certains théoriciens en sont-ils venus à postuler l’existence incroyable d’une infinité d’univers parallèles ? La réponse est que la science moderne a découvert qu’un certain nombre des constantes intervenant dans les équations des lois fondamentales de la physique (la constante de gravitation, le quotient des masses de l’électron et du proton, etc.), ainsi qu’un certain nombre de quantités initiales de notre univers (la vitesse d’expansion, le niveau initial d’entropie, etc.) semblent avoir été ajustées avec une précision incommensurable, pour permettre la vie dans l’univers. Si ces constantes ou quantités avaient été ne serait-ce qu’une fraction plus petites ou plus grandes, la vie aurait été impossible où que ce soit dans l’univers. Ce fait remarquable requiert une explication. Est-ce le hasard pur que l’univers permette la vie ? Aucune chance ! Les nombres sont tels qu’un univers ne permettant pas la vie aurait été littéralement des milliards de milliards de fois plus probable. Est-ce du à la nécessité physique ? Probablement pas non plus, car des variations de ces quantités et constantes auraient été compatibles avec nos mêmes lois de la nature ; il n’y a aucune raison de penser que ce fin réglage soit physiquement nécessaire. Mais donc il ne reste qu’une explication alternative plausible : l’univers exhibe un réglage fin pour permettre la vie, parce que…l’univers a été réglé finement dans le but de permettre la vie ! Mais donc cela implique encore une fois que l’univers a un créateur et designer, qui a finement réglé l’univers avec pour but de permettre l’existence de la vie.

lotoLa « pluralité des mondes » est donc une tentative pour peu désespérée de rescaper l’hypothèse de la chance : s’il y a une infinité d’univers parallèles avec des valeurs différentes, il devient moins improbable que l’un d’entre eux tombe par hasard sur les bons numéros et permette la vie. Cependant, deux problèmes rendent cette stratégie peu séduisante. D’abord, si notre univers n’était qu’un membre aléatoire de cette collection presque infinie, il est hautement improbable qu’il fût aussi grand. Parmi les univers qui permettent la vie, la probabilité d’avoir un univers largement plus petit que le notre est extrêmement haute, ce qui fait que la grande taille de notre univers sape l’hypothèse du hasard. Et deuxièmement, il n’y a tout simplement aucune preuve pour le multivers. Aucune. La seule raison de le postuler est d’éviter la conclusion que notre univers admet un designer. Mais donc c’est présupposer que Dieu n’existe pas, et ce n’est pas suivre les preuves scientifiques où elles nous mènent. Jusqu’ici, c’est donc bien le théiste qui a le privilège d’accepter la science moderne.

darwinEnsuite, Michel Onfray mentionne évidemment « l’évolution et la transformation des espèces », et la thèse que l’homme descend du singe (p.131). Ce sujet est trop chargé pour que je le traite en détail ici, mais disons quelques mots à son sujet. D’abord, le terme « évolution », laissé tout seul, est extrêmement mal défini, et il faudrait commencer par préciser de quoi il s’agit avant de savoir si la thèse est établie et/ou incompatible avec la religion. En vérité, le terme regroupe en général plusieurs thèses : la théorie de la descendance commune, un tracé des relations historiques entre les espèces évoluant d’une en l’autre, et enfin un mécanisme, le Darwinisme, expliquant la diversité biologique par une succession de mutations génétiques aléatoires, filtrées ensuite par la sélection naturelle. Une fois que chacune de ces thèses est proprement identifiée, le chrétien a deux options : admettre qu’une thèse est établie mais compatible avec la bible, ou admettre que la bible enseigne une vision contradictoire, mais rejeter la thèse comme non prouvée. Tous les chrétiens ne sont pas d’accord sur quelles thèses requièrent laquelle de ces deux réponses, mais je n’ai pas besoin de rentrer plus dans le détail ici, dans la mesure ou Onfray ne précise pas vraiment l’accusation. Je me contenterai donc pour l’heure de maintenir en réponse que « l’évolution », quelque soit la thèse qui est en vue, n’est pas une bonne raison de rejeter le christianisme biblique, et encore moins le théisme.

Michel Onfray mentionne alors l’âge de la terre, annonçant là encore un conflit entre la science moderne et l’enseignement biblique. Il dit que le datage de strates donne un âge du monde vieux, alors que « Les chrétiens affirment que le monde a quatre mille ans, ni plus ni moins »  (p.131-132). Pardon ? D’abord, il n’y a pas qu’une vue sur le sujet chez « les chrétiens ». Il y a d’un côté ceux qui affirment que l’univers est vieux de 13,7 milliards d’années, tel que le modèle scientifique majoritaire le soutient. Mais même pour ceux qui affirment la vue opposée, les « créationnistes terre-jeune », qui soutiennent que la bible requiert une création plus récente et qui rejettent que la science ait solidement établi le contraire, ils affirment que l’univers a été créé il y a plus de quatre mille ans ! Je n’ai jamais entendu ce nombre proposé par qui que ce soit. Les créationnistes terre-jeune, selon les interprétations, affirment entre six et dix mille ans au moins. Une fois de plus, la critique d’Onfray manque donc sa cible.

Enfin, il explique que la haine supposée de la science provient de l’apôtre Paul lui même (p.133) : « la condamnation des vérités scientifiques – la théorie atomiste, l’option matérialiste, l’astronomie héliocentrique, la datation géologique, le transformisme, puis l’évolutionnisme, la thérapie psychoanalytique, le génie génétique – voilà les succès de Paul de Tarse qui appelait à tuer la science. Projet réussi au-delà de toute espérance ! »

telescopePaul appelait à tuer la science ? Je me ferais un plaisir de corriger son exégèse si je savais où Michel Onfray va chercher tout cela, mais j’ignore sincèrement quel verset pourrait même être tordu pour étayer l’accusation (et j’ai une maîtrise en littérature biblique avec emphase sur le Nouveau Testament !) Bien au contraire, Paul affirme la valeur du monde physique, expliquant même dans Romains 1 que Dieu le créateur est révélé par sa création : « les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. » C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles le chrétien peut être enthousiaste au sujet de la science : lorsqu’elle est faite proprement et sans présupposer l’athéisme de manière circulaire, ultimement, elle révèle et glorifie Dieu.

>>> Partie 11

« Confusion matérielle » : La matière, l’immatériel, et le matérialisme – Partie 9 de ma critique du « traité d’athéologie » de Michel Onfray

<<< Partie 8

Si aucune critique moderne de la religion n’est complète sans l’allégation usuelle qu’un  soi-disant conflit ouvert existe entre la religion et la science, le traité d’athéologie de Michel Onfray ne fait pas défaut à la règle. Il nous dit, (p.122) qu’ « En matière de science, l’Église se trompe sur tout depuis toujours : en présence d’une vérité épistémologique, elle persécute le découvreur », avec Galilée en « emblématique représentant de la haine de l’Église pour la science et du conflit entre Foi et Raison » (p.125).

galilee

Il ajoute (en p.135) que « Les monothéismes n’aiment pas l’intelligence, les livres, le savoir, la science ». Je note en passant que si les croyants monothéistes sont tels que Michel Onfray nous l’annonçait, des mineurs mentaux, leur dédain de l’intelligence et de la science n’est pas particulièrement surprenant, mais ne revenons pas sur le sujet des insultes personnelles généralisées, et voyons plutôt exactement quelles thèses (scientifiques ou métaphysiques) sont supposées être en conflit avec la religion.

Michel Onfray mentionne les découvertes des grecs, disant que la religion les condamne universellement : « Tourner le dos aux acquis de ces recherches, agir comme si ces trouvailles n’avaient jamais eu lieu, reprendre les choses à zéro, c’est pour le moins stagner, entrer dans un dangereux immobilisme ; pour le pire, pendant que d’autres avancent, reculer à vive allure et se diriger aveuglément vers les ténèbres dont, par essence et par définition, toute civilisation essaie de s’affranchir pour être. Le refus des Lumières caractérise les religions monothéistes : elles chérissent les nuits mentales utiles pour entretenir leurs fables. » (p.121-122) L’accusation est claire : il s’agit d’un obscurantisme obstiné qui refuse d’accepter l’évidence des découvertes scientifiques, anciennes et/ou modernes. Voyons donc quelles preuves Onfray fournit pour étayer cette affirmation.

Il commence par une section importante sur le « matérialisme », dans laquelle il affirme que « l’une des lignes de force de ce tropisme anti-science » est la « condamnation constante et acharnée des hypothèses matérialistes » (p.122). Je n’ai aucune idée de ce qu’il entend par « constante et acharnée », mais oui, le théiste par définition rejette le matérialisme. Le matérialisme est la thèse qui dit que la matière est la seule chose qui existe. Comme Dieu n’est pas fait de matière (Il est immatériel), le théiste, lorsqu’il affirme l’existence de Dieu, s’engage logiquement à dire qu’il existe au moins une entité réelle au delà du monde matériel. La grande majorité des théistes affirment aussi que les personnes humaines ne sont pas que matérielles : elles ont un corps matériel, mais leur âme, ou esprit, locus de leur conscience, est un composant immatériel. Cette thèse, appelée « dualisme », requiert donc aussi un rejet du matérialisme. Jusque là, tout va bien. Le problème est que la section sur le sujet dans le traité d’athéologie est intitulée « Le déni de la matière ». Onfray confond le déni du matérialisme et le déni de la matière. Il comprend bien que l’existence de Dieu ou de l’âme requiert un rejet du matérialisme, car « si tout est composé de matière, l’âme, l’esprit, les dieux le sont aussi » (p.123), mais il ajoute l’affirmation absurde que les monothéismes ont « une forte détestation pour la matière et le réel, donc toute forme d’immanence » (p.135). N’importe quoi. Bien sûr que les chrétiens affirment la matière. Leur affirmation que quelque chose d’autre existe aussi, ne veut évidemment pas dire qu’ils refusent le fait que la matière existe !

Ceci étant, quelles raisons Michel Onfray nous donne-t-il en favmatiereeur du matérialisme ? Il dit que « L’agencement de ces atomes rend compte de la constitution de toute matière, donc du monde » (p. 123). Ce « donc » est injustifié, c’est une pétition de principe, ou raisonnement circulaire. Il présuppose ce qui doit être démontré, à savoir que le monde se réduit à la matière. Il continue : « le matérialisme constitue la bête noire du christianisme depuis les origines. L’Église ne recule devant rien pour discréditer cette philosophie cohérente qui rend absolument compte de tout le réel » (p.123). Encore une fois, la prétendue capacité du matérialisme à rendre absolument compte de tout le réel n’est qu’une affirmation insupportée. Onfray nous dit que le matérialisme est une philosophie « cohérente ». Le problème est que la cohérence n’implique pas la vérité. Les affirmations « Je suis un adulte américain » et « j’ai le droit de voter aux États-Unis » sont cohérentes, mais elles sont toutes deux fausses : je suis français, je n’ai pas le droit de voter aux États-Unis. Lorsqu’Onfray nous dit que l’Église ne « recule devant rien » pour discréditer le matérialisme, je ne sais pas forcément à quoi il fait référence, mais pour ma part, pour discréditer la thèse, j’offre des arguments. J’ai déjà défendu dans cette critique l’argument moral pour l’existence de Dieu, l’argument évolutionnaire de Plantinga contre le naturalisme, certains autres arguments classiques ont été mentionnés tels que l’argument cosmologique, l’argument ontologique, ou les cinq voies de Thomas d’Aquin ; si ne serait-ce qu’un seul de ces arguments est valable, il s’ensuit logiquement que le matérialisme est faux.

Michel Onfray semble penser qu’une des raisons principales de la réjection chrétienne du matérialisme est que cette thèse exclut la transsubstantiation (p.126-129). Personnellement, j’ai déjà affirmé dans une partie précédente que cette doctrine n’était ni chrétienne ni biblique, ce n’est donc pas ma motivation à moi, alors je passe sur la question, et je profite plutôt de l’occasion pour offrir un argument supplémentaire en réfutation du matérialisme, basé sur la loi logique de la non-distinguabilité des identiques. fingerprintCette loi de logique toute simple dit que si deux choses sont identiques, alors toutes les propriétés de l’une sont des propriétés de l’autre. Exemple, « le mari de Katherine Bignon » et « l’auteur de cette critique » sont identiques, et donc tout ce qui est vrai de l’un est vrai de l’autre : le mari de Katherine Bignon s’appelle Guillaume, l’auteur de cette revue s’appelle Guillaume. Le mari de Katherine Bignon mesure 1m94, l’auteur de cette revue mesure 1m94, etc… et si l’on trouvait une seule chose vraie au sujet du mari de Katherine Bignon qui n’est pas vraie au sujet de l’auteur de cette revue, il s’ensuivrait logiquement que ces deux ci ne sont en fait pas identiques après tout. Rien de cela n’est sérieusement disputable. Appliquons alors le principe à la personne humaine : le matérialiste affirme qu’une personne, comme toute autre chose selon lui, est uniquement matérielle ; la personne doit donc être identique avec son corps physique. Le problème c’est qu’il y a un bon nombre de propriétés de la personne qui ne sont pas partagées avec son corps physique : l’intentionnalité, la subjectivité, les émotions, sont toutes des propriétés de la personne, mais ne sont pas des propriétés du corps physique. Quand je suis joyeux, c’est moi qui suis joyeux, ce n’est pas mon cerveau qui est joyeux. Quand je pense à Paris qui me manque, je pense à ce sujet, mais mon cerveau n’a pas cette intentionnalité : un morceau de matière ne peut pas être « au sujet » d’un autre morceau de matière. De même, j’ai conscience d’exister et d’être conscient, ce n’est pas mon corps qui a conscience d’exister. Toutes ces propriétés de la personne qui ne sont pas des propriétés du corps démontrent qu’une personne n’est pas identique à son corps, et donc que le matérialisme est faux. Il ne rend pas compte de tout le réel (indépendamment de l’existence de Dieu).

Michel Onfray discute enfin des conséquences de la question. Quelle différence cela fait-il que le  matérialisme soit vrai ou faux ? De manière surprenante, il dit que la négation du matérialisme mène au désespoir : « L’espoir d’un au-delà, l’aspiration à un arrière-monde génèrent immanquablement le désespoir ici et maintenant » (p.136-137). Mais bien au contraire, le fait que ce monde ne soit pas la fin de toute chose est une condition nécessaire pour justifier l’espoir ultime. titanicAucun chrétien digne du nom ne se dit « j’ai une autre vie dans le futur hors de ce monde, alors je peux gâcher celui-ci ». Au contraire, la vie après la mort, par définition, fournit au chrétien l’espoir que ses actions dans ce monde auront un impact éternel. Alors évidemment, en aucun cas l’espoir chrétien ne démontre par lui seul qu’un autre monde existe bien, mais l’allégation que le rejet du matérialisme mène au désespoir est démontrablement fausse. Au contraire, le désespoir provient du matérialisme et de la mort. Elle est inévitable, il n’y a aucun espoir d’y échapper. Et si la mort est la fin de toutes choses, c’est le grand effaceur qui empêche la vie humaine d’avoir un sens objectif. Quelle différence entre une voie ou une autre dans ce monde s’il est voué à la destruction ? Tout ce qu’on fait alors est semblable à la personne qui réorganise les chaises sur le pont du Titanic. Le projet est futile, car le navire est en train de couler et tout va relativement bientôt être annulé, annihilé.

En conclusion et pour résumer, le matérialisme qu’Onfray suggère être une bonne raison de rejeter le théisme s’avère être : 1-présupposé et non prouvé, 2-réfuté par tous les arguments théistes offerts ou mentionnés jusqu’ici, 3-réfuté par l’existence de l’âme supportée par l’argument sur la non-distinguabilité des identiques, et 4-incompatible avec tout espoir ultime, du fait qu’il exclue la possibilité que nos actions aient des répercutions au delà de nos courtes vies sur cette terre. En bref, le matérialisme n’est effectivement pas une option pour le chrétien, mais ce n’est donc clairement pas une grosse perte, intellectuelle ou existentielle.

Dans la partie suivante, nous regarderons les thèses scientifiques plus précises que Michel Onfray pense être établies par la science moderne et incompatibles avec le christianisme.

>>> Partie 10

Trois étapes pour des évidences en faveur du théisme : Revue de Dallas Willard

Revue de Dallas Willard: Language, Being, God, and the three stages of
theistic evidence
[1]

Dieu existe-t-il? Pourquoi écrire une revue d’un chapitre de livre sur l’existence de Dieu? Est-ce parce que je suis un intellectuel renfermé dans un bureau et coupé du reste du monde? À qui s’adresse cette revue? En fait, la réponse à ces questions est assez simple. C’est parce que c’est pertinent pour vous! Peut-être que vous ne la trouvez pas intéressante ou pertinente, mais il faut néanmoins admettre que votre réponse à cette question déterminera comment vous allez interpréter le monde et comment vous allez agir dans le monde. Il vaut la peine de confronté ou de réfléchir sur nos convictions, et c’est mon désir dans ce compte rendu.

L’article de Willard est une réponse au professeur athée Nielsen qui accusait Dallas Willard d’avoir une croyance « irrationnel » en Dieu. Bien que la discussion à ce propos soit intéressante, elle n’est qu’une partie de l’article, et ce n’est pas l’intérêt principal de cette revue. Quand même, il faut mentionner que ce contexte servira à offrir une argumentation en trois étapes pour valider le théisme [2]. Et c’est ici l’objectif de cette revue, à savoir, exposer les trois étapes de son argument en faveur du théisme.

  • Remarques sur l’argumentation :

Pour construire son raisonnement il fait deux remarques importantes :

1)      Ce ne sont pas trois arguments ou moyens, dont chacun nous mène à un même point logique. Chaque phase de l’argumentation n’est pas une fin en soi, mais ils ont une force collective. Ce qui est soutenu dans chaque phase ne détermine pas la suite des autres étapes de l’argumentation. Par exemple, lors de la première étape il est montré qu’il pourrait y avoir quelque chose que l’on nomme Dieu, dans un sens conventionnel.

2)      Il est difficile de discuter de ces questions sans tomber dans des enchevêtrements de questions qui n’ont rien à voir avec le sujet. C’est pourquoi il veut se limiter à l’examen de preuves et de démonstrations.

À cet effet, il souligne ce qu’il entend par démonstration :

« Par démonstration, je veux dire une structure logique de propositions où les prémisses sont vraies et impliquent logiquement (ou entraînent) la conclusion lorsqu’ils sont pris ensemble. » [3]

A)     Étapes Un : Argument concernant la nature et l’existence de la réalité physique [4]

« Il est vrai qu’il existe un monde physique et nous savons que cela est vrai ». En plus, « il y a certaines choses sur son caractère général que nous connaissons pour vrai. » L’un de ces caractères est le suivant : toute réalité physique doit son être à autre chose que lui-même. « Peu importe comment on divise en parties la réalité physique, le résultat sera un état qui doit son existence à quelque chose autre qu’elle-même. » [5] Que ce soit par l’expérience personnelle ou encore en science, malgré la complexité de la question, nous savons que cela est vrai.

« […] que chaque état ​​physique, quel que soit inclusive, a une condition nécessaire à un certain type spécifique d’état qui le précède immédiatement dans le temps et est entièrement existant avant l’apparition de l’état qui le conditionne. » [6]

Qu’est-ce que cela signifie? Prenons une pomme dans mon panier sur ma table. Nous savons qu’elle n’est pas apparue d’elle-même. Nous savons que ce que ça prend pour qu’elle puisse être dans ce panier, c’est un arbre en santé qui produit des pommes. Ajouter à cela, toutes les conditions nécessaires qui doivent préexister avant même l’apparition de la pomme. Elles doivent toutes être complétées dans le temps avant son apparition afin qu’elle puisse croitre dans l’arbre. La pomme n’explique pas sa propre existence, elle est dépendante de certaines conditions qui doivent être complété dans le temps pour produire l’entité que nous sommes en train de discuter présentement [7]. Nous pouvons remonter à l’arbre et à une série de processus qui amène la pomme à exister.

Cette compréhension générale de la dépendance de l’état physique est quelque chose de bien connu. Aristote le nommait « cause ». Toutes les conditions nécessaires à un certain « état » doivent être entièrement existantes avant l’apparition de l’événement ou de l’état d’une quantité physique, ou d’une réalité physique. La série de cause est terminée par un événement ou un état donné. Cet ensemble achevé de causes est très structuré dans le temps et doit être fini.

« Ainsi, aucun état physique est temporellement ou ontologiquement avant lui-même […] Le plus important pour les intérêts présents, puisque la série de causes pour un état donné est terminée, non seulement il présente une structure rigoureuse, comme indiqué, mais que la structure dispose également d’un premier mandat. Autrement dit, il est au moins une «cause», un état d’être, qui ne tire pas son existence de quelque chose d’autre. Il est auto-existant.».

Ainsi, la réalité physique concrète implique un être radicalement différent de lui-même : un être qui, contrairement à un état physique quelconque, est auto-existant. Autrement dit, on ne peut pas remonter à un infini de cause ou de série d’événement.

Pour illustrer, imaginons une ligne de dominos. S’il y a un nombre infini de dominos qui doit tomber avant de frapper un domino x, il ne sera jamais frappé. C’est pourquoi, la réalité physique concrète implique un être (cause) radicalement différent(e) de lui-même, qui lui est auto-existant et non physique. À moins d’être prêt (comme Spinoza) à traiter l’univers lui-même comme ayant un type d’être essentiellement différent, on doit concéder ce point.

Il est fréquent d’entendre, en réponse à cet argument, l’affirmation selon laquelle il ne peut tout simplement pas être un être existant en soi. Mais il faut souligner aussi qu’il est très rare d’entendre une très bonne raison de cette affirmation. C’est une conséquence logiquement nécessaire qu’il y est quelque chose dont l’existence ne découle pas d’une autre chose. À la question de l’enfant  « D’où vient Dieu? La réponse c’est qu’il ne vient pas de rien, car il n’est pas venu du tout. » Dallas Willard a raison de souligner que « l’on aura de la difficulté avec cette réponse que si nous avons déjà assimilé « existence » à l’existence physique. » [8]

Aucune réalité physique n’existe par elle-même et aussi aucune quantité de  temps ne peut consumer une série infinie de cause pour vous mener à l’état présent. Ce qui signifie qu’en quelque part, tout cela s’explique par une cause auto-existante qui n’est pas matériel (physique). Parce que toute quantité physique ou réalité physique ne s’explique pas par elle-même. C.S. Lewis explique cela dans son livre God in the Dock:

« Un œuf qui n’est pas venu d’un  oiseau n’est pas plus « naturel » qu’un oiseau qui a existé éternellement. »[9] [10]

Aujourd’hui, c’est une tendance à traiter la théorie du « Big Bang » comme un état apparu sans cause. En un mot, il tire son origine « à partir de rien ». Ce qui lui confère une originalité, car c’est un « bang » très différent de tous les autres. Comment le traite-t-on ce « Big Bang »? Souvent de façon mystique, soit celui de jouer le rôle de Dieu, ce qui à première vue est attrayant. Mais il semble manquer quelque chose, car une chose ne peut pas sortir de rien par elle-même. Comme le fait remarquer Dallas Willard en ajout à C.S. Lewis :

« Et nous devons au moins préciser qu’un être auto-subsistant éternellement n’est pas plus improbable qu’un événement auto-subsistant émergent sans cause. » [11]

B)      Étapes deux : Argument téléologique (dessein)

Bien que je ne partage pas toutes les vues de Willard, il est nécessaire de souligner quand même quelques points importants de cette deuxième étape.

Premièrement, de façon générale, l’argument téléologique veut montrer que l’ordre dans l’univers est le produit d’un dessein, ce qui implique un principe intelligent et ordonnateur. Autrement dit, d’un créateur. Dallas Willard a raison de souligner que les débats entourant l’argument du dessein crée souvent de la confusion de part et d’autre, ainsi que des discussions qui souvent sont en dehors du propos.

Deuxièmement, il a aussi raison de soulever la réflexion concernant la théorie de l’évolution qui ne peut être une théorie ultime de l’existence et de l’ordre. [12] L’évolution n’est pas une explication ultime de l’origine. Elle n’explique pas le « Big Bang ». Est-ce que le Big Bang a évolué. Qu’est-ce qui a causé le Big Bang? Il est important de noter ceci : C’est l’argument vers le dessein et non à partir du dessein. La distinction est importante.

Après avoir discuté sur ces propos, Willard résume la deuxième étape de son argument :

« Nous avons établi que tout ordre est évolué [13] et par rapport à nos données, il y a la probabilité de zéro que cette ordre soit sorti du chaos ou de rien pour venir dans le monde physique. En outre, nous avons l’expérience de l’ordre émergeant de l’esprit (notre esprit) dans le monde physique. » [14]

Quel est l’effet de tout cela? Ce n’est pas une démonstration de l’existence de Dieu dans le sens complet du théisme, mais tout comme la première étape, l’existence de Dieu est devenue beaucoup plus importante. Il développe l’idée selon laquelle nous voyons par l’expérience que l’intelligence peut produire de la complexité, ou de l’ordre et que la cause ou les causes de l’ordre dans l’univers supporte probablement une lointaine analogie à l’intelligence humaine [15].

Dallas Willard ne développe pas de façon exhaustive l’argument téléologique qu’il laisse à un J.P. Moreland dans un autre chapitre du livre paru à l’origine. À mon sens, il y a d’autres formulations de l’argument téléologique de l’existence de Dieu qui ont plus de force, mais l’idée centrale à retenir, c’est justement que la complexité n’est pas le fruit d’une évolution strictement physique et que la complexité, ainsi que l’ordre dans l’univers peut s’expliquer par l’existence d’une entité intelligente, ainsi qu’elle n’apparait pas à partir de rien. Dans la mesure où ne comprenons que rien ne produit rien, il y a la possibilité qu’un être intelligent en dehors de la matière l’ait fait, tout comme les humains qui produisent par leur volonté des choses complexes.

C)      Étapes trois : Argument tiré du cours des événements humains : historiques, sociales et individuelles

Suite aux deux étapes de l’argumentation qui précède, nous devons donc placer et interpréter la vie humaine dans un cadre « extranaturel » (étape 1) et d’un « intellectualisme » plausible (étape 2).

Quand nous regardons l’histoire du monde, nous pouvons poser la question suivante : Comment expliquer plusieurs faits dans l’histoire? Il y a des choses qui se sont produites dans l’histoire qui sont inexplicable en terme strictement naturaliste, à moins bien sûr d’avoir adopté une incrédulité systématique en matière de religion, voir même d’histoire.

Ce que nous savons c’est « que les esprits humains créent, de façon standard, pour un but et qu’ils conservent un intérêt actif dans la chose créé; ils se sentent intimement investi dans ce qu’ils créent et cela d’autant plus l’originalité ou la « créativité » est impliquée. » [16] Autrement dit, comme dirait un de mes amis : « je n’achète pas un chien pour le mettre au fond du terrain pour ne jamais avoir de relation avec lui. » Et si on élargie l’analogie à Dieu, il faut considérer la possibilité qu’il entretienne une certaine relation avec sa création. Cela est rendu probable à cause des deux premiers arguments, mais aussi une fois que l’on place l’humain dans un contexte qui n’est pas exclusivement matérialiste.

Plus important que des spéculations dans le troisième argument, c’est l’examen du cours réel de l’histoire et le contenu de l’expérience humaine, observé le plus honnêtement et complètement possible. Avant d’être accusé de religieux superstitieux, considérer les paroles de Willard :

« Mais nous devons aussi être approfondies, et nous avons le droit d’exiger la même chose de nos co-chercheurs athées et d’ignorer leurs griefs s’ils refusent. La foi ne se limite pas aux personnes religieuses, ni le préjudice aveugle et le dogmatisme. L’athée qui ne prend pas la peine de se pencher sérieusement sur les faits allégués pour des histoires religieuses et de l’expérience religieuse est le frère jumeau de l’ecclésiastique qui a refusé de regarder à travers la lunette de Galilée, car il savait déjà ce qui était et ne devait pas être vu. »

Enfin, pour ce troisième argument nous sommes invités à regarder Jésus, sa vie, sa mort et sa résurrection, mais à la lumière du contexte des deux premiers arguments. D’ailleurs, Jésus nous appelais à faire de même : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14.2), il en va de sa véritable nature et de son identité. Nous sommes donc invités à considérer les évidences concernant la personne de Jésus et de s’approprier les critères rationnels pour prendre une décision.

De quelle façon pouvons-nous faire une enquête sur Jésus de façon crédible? La réponse de Willard : « Par une inférence en termes de « meilleure explication », mais « meilleure » dans la pleine lumière des résultats des étapes un et deux. » [17]

Bien que ce travail soit une tentative d’aider le chercheur à être ouvert à ce qu’il peut découvrir, sans adhérer aveuglément à un rejet de tout ce que nous pourrions nommer de « religieux », Willard n’explique pas tout dans ces paragraphes touchant le sujet de Jésus, mais suggère néanmoins le rôle que Dieu peut avoir exercé dans l’histoire, surtout à partir de la vie, la mort et la résurrection de Jésus.

  • Remarques finales :

Bien que Dallas Willard ne traite pas exhaustivement de chacun de ces trois sujets, il invite à considérer les limites de son travail. [18] Nous devrions en faire autant et rester ouvert aux opportunités qu’elle nous offre, par exemple, de considérer la possibilité réelle que nous ayons été créé et que l’humain se trouve dans le contexte de cette création.

Deuxième possibilité qu’elle nous offre, c’est de considérer que tout comme l’humain, il se peut que Dieu s’intéresse à sa création et cela nous pouvons le voir dans l’histoire.

Enfin, retenons la structure des trois arguments à l’intérieur desquels nous pouvons travailler à présenter la cohérence du théisme d’une manière logique. À cet effet, terminons par sa remarque de conclusion :

« J’ai tenté dans ces pages de clarifier certains points au sujet de la structure dans laquelle des preuves du théisme doivent être organisés, si nous voulons les apprécié correctement. » [19]

 


[1] Willard, Dallas, Language, Being, God, and the three stages of theistic evidence, in Does God exist, edd. Moreland and nielson, 1993. Le document original: Willard Dallas, in Moreland J.P., and Nielsen, Does God exist? Les citations ainsi que les pages cités sont tirés de la version disponible sur son site internet à l’adresse suivante, version imprimable : http://www.dwillard.org/articles/artview.asp?artID=42 Visité  pour la dernière fois le 20 mai 2014.

[2] Enseignement qui admet l’existence d’un Dieu unique et personnel comme cause du monde.

[3] Ibid. p.3

[4] Ou encore de « quantité physique ».

[5] Willard, p.3

[6]

[7] Image tiré de Ravi Zacharias : https://www.youtube.com/watch?v=VTVOufIzyPY, visualisé le 12 juin 2014.

[8] Willard, p.4

[9] Willard, p.4

[10] Voici la citation complète : « Un œuf qui n’est pas venu d’un  oiseau n’est pas plus « naturel » qu’un oiseau qui a existé éternellement. Puisque la séquence œuf-oiseau-œuf ne conduit à aucun commencement plausible, n’est-il pas raisonnable de chercher sa véritable origine à l’extérieur de la séquence? Vous devez regarder ailleurs que parmi les machines pour trouver l’origine de la fusée; vous devez plutôt regardez chez les hommes. N’est-il pas raisonnable de regarder à l’extérieur de la nature pour trouver la véritable origine de l’ordre naturel? » Lewis C.S. God in the Dock : Essays on theology and ethics (Grand Rapids) Eerdmans Publishing, 2001, p.211). La citation française est tirée de Cahill Mark, Destination Finale : Votre pèlerinage vers l’éternité (Québec) Aujourd’hui l’espoir, 2011, p.22.

[11] Willard, p.4

[12] « Toute sorte d’évolution  de l’ordre, de quelque nature qu’elle soit, présuppose toujours un ordre préexistant et aussi des entités préexistantes gouverner par celle-ci. »Willard, p.6

[13] Nous pouvons aussi comprendre « complexe ». Tout ce qui est ordonné est complexe.

[14] Willard, p.7

[15] Citation de David Hume apporté avec nuance par Willard. Je ne l’ai pas traduit littéralement, je rapporte l’idée centrale.

[16] Willard, p.7

[17] Willard, p.8

[18] Willard, p.9

[19] Willard, p.9

Quand l’apologétique ne peut se passer de l’éthique (partie 2)

INTRODUCTION

Nous avons vu dans la première partie de cet article que des liens existent entre l’apologétique et l’éthique. Nous y avons brossé un tableau du présuppositionalisme afin de montrer la réalité de ces liens. Nous considérerons dès à présent la nature de ces liens. Nous examinerons la façon dont l’éthique a des implications apologétiques et, inversement, la façon dont l’apologétique a des implications éthiques. Mais tentons d’abord de circonscrire notre sujet à l’aide des questions suivantes :

  • Si, comme nous l’avons vu dans la première partie de cet article, toute attaque à l’encontre de la foi biblique est fondamentalement de nature éthique, est-il juste d’affirmer que le moyen de défense de cette même foi doit aussi se situer sur un plan éthique?
  • En plus d’être une défense raisonnée du christianisme (ce qui est tout à fait correct), l’apologétique doit-elle être une défense éthique de la foi chrétienne?
  • Est-il même possible de défendre le christianisme de façon éthique?
  • À l’inverse, est-il légitime de dire que des implications apologétiques découlent de l’éthique?
  • Une éthique chrétienne peut-elle et doit-elle faire œuvre apologétique?

Nous répondons par l’affirmative à toutes ces questions. Nous croyons en effet que l’apologétique et l’éthique sont inséparables. Nous examinerons d’abord le rôle que joue l’amour, fondement de l’éthique chrétienne, dans la démarche apologétique. Nous considérerons ensuite la vie de l’apologète comme critère de vérification. Nous aborderons également la question de la place que tient la doctrine biblique dans la défense de la foi chrétienne. Viendra enfin une section qui expliquera comment l’apologétique est l’affaire de tous les chrétiens.

Amour et apologétique

Selon nous, le chrétien doit défendre la foi qu’il professe non seulement en faisant la démonstration intellectuelle que sa foi repose sur de solides arguments, mais également en menant une vie sainte pour démontrer la véracité de cette foi. Une des caractéristiques d’une vie sainte, c’est l’amour pour Dieu et le prochain (1 Jean 2.9-11). Comme le fait remarquer C. Spicq, la dilection fraternelle (dilection: amour spirituel et pur) est au cœur de la morale chrétienne:

L’institution chrétienne se résume en deux articles principaux, chacun récapitulant la foi et la morale: croire au Christ (…) et manifester de la dilection fraternelle[1].

Mais l’amour dont il est question dans le Nouveau Testament ne se distingue pas uniquement par la morale qu’il récapitule. Il dévoile également une facette apologétique : il sert de tremplin à la proclamation de la foi. Même Jésus a insisté sur l’implication apologétique de l’amour, lorsqu’il a fait l’éloge de l’amour fraternel comme outil de persuasion:

C’est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jean 13.35)[2].

L’amour chrétien sert donc la proclamation du message évangélique et, par ricochet, sa défense. Au sens de la Bible, aimer, c’est « apologiser »!

Curieusement, certains apologètes redoutent que cette invitation à l’amour fraternel comme outil de persuasion les contraigne à renoncer à leur arsenal d’arguments rationnels et à n’avoir d’autre choix que de défendre la foi en sortant de leur fourreau « l’épée de bois » qu’est leur vie sanctifiée. Il se trouve en effet certaines personnes qui dénoncent toute forme de défense rationnelle de la foi, ce qui explique l’origine de cette crainte qu’il arrive à des apologètes d’exprimer. Cependant, une telle crainte donne la fâcheuse impression qu’une vie sainte n’a que peu ou très peu de poids dans la balance des preuves en faveur du christianisme et qu’elle ne peut donc pas contribuer à la tâche apologétique!

Soyons cependant assurés de ceci: l’amour que Jésus réclame des siens ne s’oppose pas à la défense rationnelle de la foi. Bien au contraire, cet amour trace le chemin qui mène à l’arène de la lutte apologétique. En effet, l’apologète doit être animé d’un amour similaire à celui qui a jadis inspiré Dieu à lutter contre Jacob, allant même jusqu’à lui infliger une blessure, afin de mieux le rallier à sa cause (Genèse 32.25-33). Un tel amour, certes marqué par la lutte, est pourtant d’une tendresse inouïe, puisqu’il est entièrement mû par une affection sincère et désintéressée; il s’agit d’un amour dont l’intention n’est rien d’autre que le salut de celui qui bénéficie de cet amour (au v. 30, alors qu’il attribut un nom à l’endroit où il a livré un combat contre Dieu, Jacob s’écrira: « J’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée »). C’est un amour qui s’efforce de gagner l’autre et non de triompher de lui, qui s’intéresse à l’autre au lieu de lui opposer une défense opiniâtre.

L’amour dont parle Jésus n’est donc pas un amour qui nous tient éloignés des « champs de bataille ». Ce n’est pas un amour qui commande que l’on se retire dès le moment où il faut débattre de la foi. Et ce n’est certainement pas un amour qui interdit au croyant de faire usage d’arguments rationnels pour défendre la foi et tenter de convaincre les adversaires. Cet amour, celui-là même qui fonde l’éthique chrétienne, a des visées apologétiques: c’est un amour qui peut convaincre les hommes à se décider pour l’Évangile. En revanche, il s’agit d’un amour dans lequel la discipline apologétique doit faire pénétrer profondément ses racines. En effet, s’il entend gagner le cœur de ses adversaires, l’apologète doit faire preuve de cet amour et leur manifester toute la douceur dont un tel amour est capable. Il doit les gagner en faisant d’abord la démonstration communautaire de cet amour persuasif qui unit les croyants. Mais il faut aussi qu’il conquière leur cœur en leur témoignant un même amour, comme Paul et Pierre exhortent les croyants à le faire:

Il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité (2 Timothée 2.25).

Mais sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre, avec douceur et respect, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous (1 Pierre 3.15).

Celui qui porte le message

John Frame, apologète présuppositionaliste, dit ceci :

Pour déterminer si quelqu’un connaît Dieu, nous ne nous contentons pas de lui donner un examen écrit, nous examinons sa vie[3].

C’est affirmation est fondamentale: elle met en évidence l’implication éthique de l’apologétique. Nous sommes confrontés ici à un fait incontestable : les non-croyants examinent la vie de ceux et celles qui prêchent l’Évangile. Mais cette affirmation suscite également une question: comment examine-t-on la vie d’un chrétien? Comment savoir si le chrétien a « passé le test »? Bref, quels sont les critères d’évaluation qui permettent de vérifier que l’Évangile transforme vraiment la vie des croyants? Et s’il en existe, où les trouve-t-on? Notre conviction est que non seulement ces critères d’évaluation existent, mais aussi qu’ils se trouvent dans l’Écriture. Il s’agit de critères que le croyant et l’incroyant peuvent connaître au moyen de la prédication de l’Évangile. Examinons plus en détail ce point.

L’annonce aux pécheurs du jugement de Dieu, accompagnée du message de la grâce qui leur est offerte en Jésus-Christ, les place devant toute la turpitude de leurs fautes. Mais du coup, cette annonce impose aussi un standard moral que le croyant est tenu de respecter, dans sa communauté de foi et devant les pécheurs auxquels il annonce l’Évangile. En effet, si le croyant est lui-même esclave du péché, de quel droit peut-il prêcher au monde la délivrance du péché? Une telle prédication soulèverait à coup sûr de sérieux doutes quant à l’efficacité du message de délivrance proclamé. Car l’Évangile est un message de délivrance. Lorsque le pécheur reçoit ce message par la foi, il se voit libérer de la puissance du péché, de sorte qu’il peut se mettre humblement et entièrement au service de son créateur. Il est désormais un croyant. Ce nouveau statut s’accompagne cependant de fonctions que le croyant ne peut passer sous silence: il est un héraut de la foi, un ambassadeur pour Dieu, comme le dira l’apôtre Paul (2 Corinthiens 5.20). Le chrétien vit dans ce monde pour y proclamer un message de pardon et de délivrance. La question urgente est donc la suivante: le chrétien est-il lui-même la preuve vivante que l’Évangile qu’il annonce libère véritablement le pécheur des chaînes qui le lient au péché? Démontre-t-il, par un comportement empreint de charité chrétienne et de piété, l’efficacité libératrice de la vérité qu’il proclame? Bref, vit-il ce qu’il prêche[4]?

À la défense de la doctrine biblique

Le chrétien vit-il ce qu’il prêche? Cette question ouvre l’horizon de ce que nous entendons par les implications éthiques de l’apologétique. Elle signifie que le chrétien doit vivre sa vie en conformité avec l’éthique chrétienne qui découle de la doctrine biblique dont il fait l’apologie. Car selon l’apologétique présuppositionaliste, c’est la doctrine biblique qui doit être défendue[5]. Or la doctrine (la théologie) ne se défend pas uniquement sur la base de preuves ou de faits censés être à la disposition tant de l’incroyant que du croyant. Celle-ci se défend également sur le plan de l’éthique. Ce n’est pas par accident que l’apôtre Paul parle de « la doctrine conforme à la piété » , exhortant du même coup Timothée à vivre conformément à cette doctrine (1 Timothée 6.3). En plus de l’exhorter à veiller sur son enseignement (1 Timothée 4.13-16), il lui enjoint de poursuivre les vertus les plus nobles tels la justice, la piété, la foi, l’amour, la patience et la douceur (1 Timothée 6.11). Paul lui demande également de pratiquer ce qu’il a entendu et vu de lui : « Retiens dans la foi et dans l’amour qui est en Jésus-Christ, le modèle des saines paroles que tu as reçues de moi. » (2 Timothée 1.13) Et il ajoute : « Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme qui a fait ses preuves, un ouvrier qui n’a pas à rougir et qui dispense avec droiture la parole de la vérité. » (2 Timothée 2.15) En un mot, la vie de Timothée doit traduire l’enseignement qu’il prodigue aussi bien aux croyants qu’aux non-croyants. Sa vie doit être une apologie de la doctrine biblique qu’il enseigne! On le voit, la doctrine biblique, l’éthique et l’apologétique sont comme trois sœurs inséparables; l’action de l’une mobilise les deux autres.

Puisque l’apologétique puise sa source dans la doctrine biblique, il s’ensuit que le croyant, chaque fois qu’il marche en conformité avec cette doctrine, pose une action éthique qui devient à son tour une implication apologétique. Autrement dit, ce n’est pas seulement en parole que l’apologète peut défendre la doctrine biblique, mais aussi par son témoignage de vie. La doctrine biblique que l’apologète entend défendre n’est aucunement déconnectée d’une action engagée et d’une ligne de conduite morale. Bien au contraire, cette doctrine enseigne aux hommes qu’ils doivent en tout temps vouer une obéissance entière et inconditionnelle au Dieu de la Bible. Cet enseignement est très concret et s’incarne dans la vie quotidienne des croyants. Pour cette raison, la foi chrétienne ne se défend pas uniquement sur la base de la raison. On la défend également lorsque notre cœur bat au rythme de l’Évangile. Le christianisme affirme que Dieu agit puissamment en l’homme en transformant progressivement (et parfois abruptement) ce dernier à l’image de son Fils. Serait-il légitime que des chrétiens évoquent cette puissance transformatrice de Dieu lorsqu’ils prêchent l’Évangile aux pécheurs alors que ces derniers ne parviennent même pas à en discerner l’efficacité dans la vie de ces chrétiens? Qui ajouterait foi à une telle « bonne nouvelle » et à un tel message de liberté ? Ne dirait-on pas, à juste titre d’ailleurs, qu’il s’agit d’un message creux, sans âme ni substance?

Une apologétique à la disposition de tous les chrétiens

Certains croyants s’imaginent que l’éthique est l’affaire de tous les croyants, alors que la tâche apologétique revient aux spécialistes, notamment aux évangélistes et aux théologiens. Rien n’est plus faux. Tous les croyants peuvent se consacrer à la tâche apologétique. Certains, il est vrai, se débrouillent mieux que d’autres dans le maniement des arguments rationnels en faveur de la foi chrétienne. Mais un fait demeure: tous les chrétiens peuvent manifester par leur conduite que l’Évangile de Jésus-Christ rend vraiment l’homme libre à l’égard de la puissance du péché. Tous ne sont pas des apologètes au sens restreint du terme; tous les chrétiens possèdent cependant dans leur arsenal apologétique une arme efficace dont le nom est sainteté. Un incroyant refusera peut-être d’accorder crédit à la foi chrétienne parce que le christianisme ne le convainc guère sur le plan intellectuel. Par contre, si on lui présente le témoignage d’une vie chrétienne sainte et irréprochable, il éprouvera sans doute un peu plus de difficulté à trouver à redire de la foi chrétienne. Cela pourrait même semer la confusion dans son esprit (Tite 2.6-8), voire le mener à la foi. En reconnaissant que l’apologétique est avant tout une défense éthique du christianisme, cette discipline devient du coup l’affaire de tous ceux et celles qui font profession de vivre pour Christ.

Il est vrai que certaines attaques dirigées contre le christianisme sont de nature exégétique et doctrinale. Dans de pareils cas, les spécialistes bibliques sont certainement plus aptes à défendre rationnellement la doctrine biblique. C’est pourquoi Paul recommandera à Tite d’établir des anciens qui s’attacheront « à la parole authentique telle qu’elle a été enseignée, afin d’être capable d’exhorter selon la saine doctrine et de convaincre les contradicteurs » (Tite 1.9). Il est cependant important de faire remarquer que Paul ordonne à Tite de choisir parmi les frères des hommes qui sont irréprochables (Tite 1.6). Il exhortera même Timothée à élire à la charge d’évêque ceux qui reçoivent un bon témoignage de ceux du dehors (1 Timothée 3.7). La saine doctrine est d’une importance capitale, on ne saurait le nier. Et cela est d’autant plus vrai lorsque l’on considère le zèle et la fermeté avec lesquels les ministres de Dieu doivent être en mesure de la défendre. Mais cette défense doctrinale de la foi doit, selon le Nouveau Testament, reposer entièrement sur un fondement éthique, c’est-à-dire sur le témoignage d’une vie pieuse et irréprochable[6].

CONCLUSION

Comme nous l’avons établi dans le présent article, l’apologétique est l’affaire de tous les chrétiens. Cela est vrai non seulement parce que l’éthique a des implications apologétiques, mais aussi parce que l’apologétique repose sur un fondement éthique. D’ailleurs, ces deux disciplines sont si étroitement liées, qu’il est difficile de dire laquelle des deux précède l’autre. En réalité, on ne peut déterminer laquelle sert de préalable à l’autre. Ce qui nous fait dire que l’apologétique n’est pas sans l’éthique et que l’apologétique n’est pas sans l’éthique. Et toutes deux, bien entendu, ont pour fondement la doctrine biblique (la théologie).

Lorsque le croyant prend conscience de l’importance que sa vie revêt dans la défense de la foi chrétienne, il devient plus attentif à la façon dont il se conduit. S’il est un apologète aguerri, il aura sans doute l’impression d’ajouter à son arsenal apologétique un nouveau fer de lance, à savoir la sainteté. Quant au croyant qui n’ose pas s’aventurer dans une défense plus rationnelle de la foi, il se réjouira à l’idée que sa vie peut efficacement contribuer à la défense de la foi chrétienne.

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[1] C. SPICQ, Théologie morale du Nouveau Testament, Tome II, Paris, J. Gabalda et Cie Éditeurs, 1965, p. 509.

[2] Lorsqu’il commente ce passage, Carson ne passe pas à côté du caractère apologétique du commandement nouveau (l’amour) dont parle Jésus: « Le commandement nouveau (…) est aussi un privilège qui, bien vécu, proclame le vrai Dieu face au monde qui observe. »; D. A. CARSON, Évangile selon Jean, Trois-Rivières, Éditions Impact, 2011, p. 635.
[3] John M. FRAME, The Doctrine of the Knowledge of God, Phillipsburg, Presbyterian and Reformed Publishing Co., 1987, p. 44. « To determine if someone knows God, we do not merely give him a written exam; we examine his life. »
[4] Bien entendu, nous ne pensons pas que les chrétiens doivent d’abord atteindre la perfection avant de pouvoir défendre et démontrer l’authenticité du christianisme sur la base d’une éthique chrétienne. Cela est d’ailleurs impossible tant et aussi longtemps que notre habitat sera ce corps mortel. Cependant, notre approche souligne fortement la responsabilité morale du croyant devant ses semblables. Sa vie est le reflet de ses croyances.
[5] Cette approche apologétique s’inscrit d’ailleurs dans la notion van tillienne de cohérence que nous avons abordée dans la première partie de cet article.
[6] Les théologiens et les apologètes sont donc également tenus de vivre pieusement, surtout s’ils veulent défendre la saine doctrine.

LES BRANCHES DE L’APOLOGÉTIQUE CHRÉTIENNE : UN SURVOL

Comme les autres écrivains de cette série ont fait remarquer, l’apologétique chrétien n’est autrement que la présentation des raisons pour croire les déclarations de la Christianisme. L’apologétique est la tentative, systématique, de donner un répons à celui qui demande la raison pour l’espérance qui est en nous.[1] À chaque fois qu’on cherche à donner ce répons, que ce soit par un témoignage personnel de comment Dieu aurait changé nos vies, ou que ce soit en présentant des preuves pour l’existence de Dieu ou pour la crédibilité de la Bible, on est en train de faire l’apologétique. Déjà, dans ces trois exemples d’un apologétique, nous voyons qu’il y a des différents types de réponse qui peuvent être donnés. De plus, on peut aussi voir que ces différentes réponses se relient à des types de connaissance différents. Dans ce bref article de blogue j’aimerais présenter un survol des différents domaines de l’apologétique, et comment chaque personne peut faire l’apologétique chrétien d’une manière ou d’un autre.

La Christianisme affirme la vérité d’un grand nombre de propositions. Pour être Chrétien on doit non seulement avoir la foi en Jésus-Christ, pour la justification devant Dieu, et le salut de la colère de Dieu, mais, en plus, pour être capable de faire ceci, on doit, au moins, croire, et si possible, savoir, que ces affirmations sont vraies. Certaines des déclarations de la Christianisme ne peuvent pas être connues et doivent être acceptées par la foi, par exemple, que Jésus est né d’une vierge, que Jésus est Dieu, que Dieu est trois personnes en une nature, etc. D’autres déclarations de la Christianisme peuvent être soit démontrer fausse ou démontrer vrai, par exemple, que Jésus est un véritable personnage historique, que Dieu existe, que Dieu est éternelle, immuable, parfait, etc. L’apologétique Chrétien est capable de défendre la vérité de ces dernières, et présenter des arguments qui démontrent que c’est raisonnable de croire les propositions qui sont sujettes de foi seule (même si on ne peut pas démontrer qu’ils sont vrais sans aucun doute). L’apologétique chrétien a aussi un rôle à jouer pour démontrer l’erreur des autres religions, des fausses philosophies, et des pensées qui vient en contre des déclarations de la Christianisme. Regardons les différents domaines de l’apologétique Chrétien, et comment ils avancent une défense de la foi chrétienne.

L’apologétique Chrétien peut être divisé dans les catégories suivantes : existentielle ou culturelle, scientifique, philosophique, historique, archéologique, théologique, et biblique.

Un apologétique existentiel ou culturel est une défense de la foi chrétienne à partir de l’expérience de l’existence humaine. Techniquement ce type d’apologétique pourrait tomber sous le domaine de l’apologétique philosophique, mais c’est assez important qu’il mérite être mentionné à part. Dans ce domaine d’apologétique on fait appelle à comment l’homme est dans sa vie, et comment sa façon d’être démontre la vérité de la Christianisme. On peut présenter des témoignages personnels pour démontrer comme la Christianisme à changer nos vies. On démontre que ce que la Bible enseigne au sujet de l’expérience humaine est vrai, c’est-à-dire, l’homme est pécheur et dépravé ; l’homme ne semble pas être capable de se sortir de son propre trou toute seul ; l’homme sans Dieu perdre le sens de la vie et tends vers le nihilisme ; l’homme, par sa façon d’être et sa façon de parler, démontre qu’il recherche un être transcendant, etc. Deux apologistes qui sont connues pour un apologétique existentielles ou culturelles sont Francis Schaeffer et Ravi Zacharias.[2]

Un apologétique scientifique présente une défense de la foi à partir des différents domaines des sciences naturelles. Un apologétique scientifique peut défendre le christianisme de plusieurs manières. On peut utiliser la science pour démontrer que les déclarations des autres religions et philosophies sont en erreur, par exemple, plusieurs domaines de la science peuvent se rallier pour essayer de démontrer que l’universel aurait, nécessairement, un début ; que le matérialisme philosophique n’est pas capable d’expliquer plusieurs phénomènes importants des êtres vivants ; que certaines déclarations des autres religions sont impossibles, scientifiquement ; etc. On peut aussi utiliser la science pour démontrer la vérité des déclarations bibliques qui touchent à la science. Par exemple, la zoologie peut certaine des déclarations en Job 38-41 ; la géographie peut examiner les déclarations géographiques de la Bible pour démontrer qu’ils sont exacts ; la médecine peut examiner certains récits bibliques, comme la mort de Jésus sur la croix, pour démontrer que ce que la Bible dit est exact ; la physique peut considérer les miracles et leur possibilité, ainsi que des questions au sujet de Dieu et sa relation avec le temps, ainsi qu’avec les âmes, etc. ; la psychologie peut défendre la perspective biblique de la nature humaine comme étant un être spirituelle ;[3] et la biologie végétale peut considérer les affirmations bibliques qui mentionnent les plantes pour démontrer qu’il n’y a pas d’erreur. Il y a plusieurs scientifiques qui ont examiné les récits de la Bible pour les défendre, ou qui démontrent l’erreur des croyances autres que la Christianisme, comme Stanley L. Jaki,[4] Francis S. Collins,[5] John Polkinghorne,[6] Del Ratzsch,[7] Robert Jastrow,[8] et Michael J. Behe.[9]

Un apologétique philosophique présente une défense de la Christianisme à partir des domaines de la philosophie. Un des premières personnes de présentées un apologétique philosophique était l’apôtre Paul, dans sa prédication aux philosophes à l’aréopage,[10] dans son enseignement à Lystre,[11] et dans son épître aux Romains.[12] La philosophie, par définition, n’est autrement que la recherche active de la vérité entamée par une personne qui est prête à suivre la vérité là où elle l’amène. Le mot philosophie peut, aussi, faire référence aux principes qu’une personne accepte concernant la vie, la réalité, son identité, et son but, mais ceci n’est qu’un deuxième sens du mot. Un apologétique philosophique peut défendre la Christianisme en démontrant que les objets de foi (l’incarnation de Jésus, la trinité, etc.) ne sont pas incohérents, même si on ne peut pas démonter qu’ils sont vrais, ou les comprendre comme il faut. La philosophie peut aussi présenter des arguments pour démontre, par exemple, que Dieu existe ;  que Dieu est éternel, immuable, parfait, bon, tout connaissant, tout-puissant, transcendant et immanente à sa création ; que l’être humain est un être composé de matière et d’esprit ; qu’il y a des normes morales qui doivent être respectées ; que le fait qu’il y a le mal dans le monde ne démontre pas que Dieu n’existe pas ; etc. La philosophie aide à mieux comprendre la parole de Dieu en donnant à l’interprète l’outil de la logique qui le permettre de mieux analyser les paroles écrites de la Bible. L’apologétique philosophique fait aussi un apologétique en démontrant que les autres religions, visions du monde, fausses philosophies, etc. sont en erreur, incohérente, ou contradictoire en soi. Aussi, la philosophie peut aider la théologienne à mieux formuler les doctrines chrétiennes. Ceci n’est qu’une liste incomplète de comment la philosophie apologétique défend, rends fort, et protège les doctrines chrétiennes. Il y a de plus en plus de philosophes chrétiens qui utilisent la philosophie pour défendre la foi chrétienne. Ce qui est souvent oublié est que même des grands théologiens comme Augustine, Jean Calvin, Thomas d’Aquin, Anselm, les théologiens Cappadocians, etc., utilisé la philosophie pour bâtir et défendre les doctrines principales de la foi chrétienne. Voilà quelques philosophes chrétiens qui ont offert un apologétique philosophique dans le 20e et présent siècle : William Lane Craig,[13] Paul Copan,[14] Norman Geisler,[15] C. S. Lewis,[16] John Warwick Montgomery,[17] et Alvin Plantinga.[18]

Un apologétique historique cherche à démontrer la crédibilité des affirmations historiques de la Christianisme. Un des premières personnes de présentées un apologétique historique, dans l’histoire de la Christianisme était l’apôtre Pierre, lors de la première prédication chrétienne sur le jour de Pentecôte.[19] On pourrait aussi mentionner Luc, l’apôtre Jean, et l’apôtre Paul qui ont aussi fait l’apologétique historique.[20] Par exemple, la Christianisme affirme qu’il y avait un homme – Jésus – qui a vécu au début de notre ère, qu’il est mort autour de l’an 30, et qu’il est ressuscité de la mort 3 jours après. Le christianisme affirme que tous les événements, que l’Ancien Testament affirme sont réellement arrivés dans l’histoire, ont vraiment eu lieu, comme, par exemple, le déluge, les voyages d’Abraham, la captivité d’Israël en Égypte et leur exode d’Égypte, le royaume de David et de Salomon. Le christianisme affirme, aussi, que les voyages de Paul ont eu lieu, que les expériences qu’on mentionne dans les actes des apôtres ont vraiment eu lieu, etc. Ce sont toutes des affirmations historiques qui peuvent être étudiées et démontrer par les historiens. Lorsqu’on affirme que ces événements historiques ont vraiment eux lieu, et qu’on cherche à le prouver par les recherches historiques, on fait l’apologétique historique. Il y a plusieurs érudits qui font l’apologétique historique, comme, N. T. Wright,[21] A. N. Sherwin-White,[22] Edwin M. Yamauchi,[23] K. A. Kitchen,[24] Ronald Nash,[25] Ben Witherington III,[26] Michael Grant,[27] Gary Habermas,[28] J. Gresham Machen,[29] et Richard Bauckham.[30]

Un apologétique archéologique est une branche de l’apologétique historique qui cherche à démontrer, par l’archéologie, que la Bible est crédible. Les archéologues défendent la Bible en démontrant, premièrement, qu’aucune découverte archéologique n’a jamais démontré une erreur dans les affirmations biblique, et, deuxièmement, que les découvertes archéologiques viennent démontrer la crédibilité de la Bible. Les archéologues regardent les affirmations bibliques concernant les lieux historiques (par exemple, les villes, les temples, les autels, les lieux des nations qui sont mentionnés dans la Bible), les coutumes culturelles (par exemple, les habitations, les manières de cuisiner, les occupations des peuples mentionnés, les titres des dirigeants des pays), les grands événements mentionnés (comme les guerres, les voyages, etc.), etc. L’archéologie réussie à non seulement défendre les affirmations de la Bible, mais a aussi aidé à la bonne interprétation de la parole de Dieu (par exemple, de comprendre comment un berger dans le temps de Jésus travailler peut nous aider à comprendre les exemples ou paraboles dans lequel un berger est le sujet). Il y a une multitude d’archéologues qui ont défendu la Christianisme, comme, K. A. Kitchen,[31] Edwin Yamauchi,[32] C. H. Irwin,[33] Kathleen Kenyon,[34] E. M. Blaiklock,[35] William M. Ramsay,[36] et Colin Hemer.[37]

Un apologétique théologique est la défense de véritables doctrines chrétiennes contre les faux docteurs. Le premier apologète de présenter un apologétique théologique était l’apôtre Paul, qui, dans quasiment toutes ses lettres aux églises, défend la vérité chrétienne contre ceux qui voudrait le tordre. Noté par exemple son affirmation en Galates 1, « Nous l’avons dit précédemment, et je le répète maintenant : si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! »[38] Il doit y avoir un apologétique chrétien pour chaque branche de la théologie, et, en réalité, nous voyons les théologiens qui travaillent fort pour défendre les doctrines comme la divinité de Jésus, la justification par la foi seule en Jésus-Christ seul, la doctrine de la trinité,[39] l’inspiration de la parole de Dieu, etc. C’est ceci le type d’apologétique le plus fait par les grands penseurs chrétiens. Quasiment tous les théologiens de l’église, dès début jusqu’aujourd’hui ont fait l’apologétique théologique, y compris, Athanase,[40] Augustin,[41] Jean Chrysostome,[42] Thomas d’Aquin,[43] Jean Calvin, Martin Luther, Charles Hodge, B. B. Warfield,[44] etc. Nous pourrions aussi donner des exemples d’apologètes théologiques contemporains, en nommant, Norman Geisler,[45] R. C. Sproul,[46] William Lane Craig,[47] Robert M. Bowman,[48] John Piper,[49] N. T. Wright.[50]

Finalement, il y a l’apologétique biblique qui cherche à défendre la Bible elle-même. Sous cette catégorie on retrouve ceux qui analyse les manuscrits en rapport avec les éléments matériels des manuscrits (le nombre de manuscrits, la corruption ou préservation des manuscrits, les langages utilisés pour les écrire et copiés, etc.), et avec les éléments textuels des manuscrits (c’est-à-dire, la composition de chaque livre, le temps de rédaction, la cohérence intérieure de chaque texte, etc.) pour démontrer qu’il n’y a pas d’erreur ni contradiction dans la Bible ; pour démontrer que les manuscrits sont réellement écrits par ceux à qui on attribue les manuscrits ; pour démontrer que chaque livre du canon devrait être dans le canon ; et, en général, pour démontrer que la Bible aux complètes est digne de confiance et démontre une cohérence incontestable. On retrouve aussi l’exégèse des textes qui cherche à expliquer et défendre la bonne interprétation des textes bibliques. Toutes ceux qui, en faisant l’interprétation de la Bible, propose une interprétation d’un groupe de versets, et qui défendre cette interprétation (si leur interprétation donne le vrai sens du texte) est en train de faire l’apologétique biblique. Quasiment tous les chrétiens qui ont essayé de lire et expliquer la Bible ont engagé dans ce domaine d’apologétique (si tu lis un verset, et donne une raison pour croire qu’il devrait être interprété d’une certaine façon, alors tu as fait l’apologétique biblique), mais on pourrait nommer quelques apologètes bibliques renommés comme Bruce Metzger,[51] F. F. Bruce,[52] David Alan Black,[53] et D. A. Carson.[54]

Dans cet article nous n’avons même pas grafigné la surface des domaines de l’apologétique chrétienne. Le but de cet article est de démontrer qu’il y a plusieurs moyens de donner une réponse de l’espérance que nous avons, et qu’à chaque fois qu’on donne des raisons pour croire une des multiples vérités de la Christianisme on est en train d’offrir une « apologie » – une défense – de la foi chrétienne. Les sciences de nature, les domaines de la philosophie, l’expérience humaine, et les domaines de l’histoire, l’analyse des textes et manuscrits, et l’archéologie peuvent offrir des éléments importants qui, ensemble, présentent une multitude de bonnes raisons pour croire la parole de Dieu. Le défi qui est devant chaque chrétien est de chercher, à la mesure qu’on est capable, d’offrir des raisons à chaque personne qui demande au sujet de l’espérance qui est en nous.[55] Ceci devrait, aussi, encourager les chrétiennes qui sont en train de poursuivre des études post-Cégep (ou secondaire) de rechercher l’excellence dans leurs domaines de recherche, et d’utilisé leurs domaines de recherche pour défendre la Christianisme.

 


[1]1 Pie. 3 :15.

[2]On ne veut pas dire, par ceci, qu’ils ne font pas l’apologétique d’autres manières. Cf. Francis Schaeffer, Démission de la raison, trad. Pierre Berthoud, 5e éd. (Genève : Maison de la Bible, 1993). Francis Schaeffer, Dieu : Illusion ou réalité? (Aix en Provence : Éditions Kerygma, 1989). Ravi Zacharia, L’homme peut-il vivre sans Dieu?, trad. Antoine Doriath (Marne-La-Vallée Cedex 2, France : Éditions Farel, 1997).

[3]Cf. Malcom Jeeves, Minds, Brains, Souls and Gods: A Conversation on Faith, psychology and neuroscience (Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2013). Mario Beauregard & Denyse O’Leary, The Spiritual Brain: A Neuroscientist’s Case for the Existence of the Soul (New York: Harperone, 2008). Ce livre est écrit par un Québécois qui enseigne, présentement, en Arizona.

 [4]Stanley L. Jaki, Miracles and Physics, 2e éd. (Front Royal, VA: Christendom Press, 1999). Cf. Frank J. Tipler, The Physics of Immortality: Modern Cosmology, God and the Resurrection of the Dead (New York: Doubleday, 1994).

 [5]Francis S. Collins, The Language of God: A Scientist presents Evidence for Belief (New York: Free Press, 2006). Ce livre défend la Christianisme à partir de l’ADN.

 [6]John Polkinghorne, The Way the World is: The Christian perspective of a scientist (Louisville: Westminster John Knox Press, 2007).

 [7]Del Ratzsch, Science & Its Limits: The Natural Sciences in Christian perspective (Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2000).

 [8]Robert Jastrow, God and the Astronomers (New York : W. W. Norton & Company, 1978).

 [9]Michael J. Behe, Darwin’s Black Box: The Biochemical Challenge to Evolution (New York: Free Press, 2003).

 [10]Actes 17 :16-34.

 [11]Actes 14 :15-18.

 [12]Rom. 1 :19-20, 2 :14-15.

[13]William Lane Craig, Foi Raisonnable : Vérité chrétienne et apologétique, trad. Christiane Pagot et Gérald Pech (Villefranche d’Albigeouis, France : Les éditions La Lumière, 2012).

[14]Paul Copan & William Lane Craig, eds., Come Let Us Reason: New Essays in Christian Apologetics (Nashville, TN: B&H Academic, 2012).

 [15]Norman L. Geisler, Christian Apologetics (1976; repr., Grand Rapids, MI : Baker Book House, 2007). Norman Geisler & Peter Bocchino, Unshakable Foundations: Contemporary Answers to Crucial Questions About the Christian Faith (Minneapolis: Bethany House, 2000).

 [16]C. S. Lewis, Les Fondements du Christianisme, trad. Aimé Viala (1979; repr., Valence Cedex, France : Éditions de la Ligure pour la Lecture de la Bible, 2007).

 [17]John Warwick Montgomery, ed., Christianity for the Tough Minded: Essays Written by a Group of young scholars who are totally convinced that a spiritual commitment is intellectually defensible (Minneapolis: Bethany Fellowship, 1973).

 [18]Alvin Plantinga, Warranted Christian Belief (Oxford: Oxford University Press, 2000). Alvin Plantinga, God, Freedom, and Evil (Grand Rapids, MI: Wm. B. Eerdmans Publishing, 1977).

 [19]Actes 2:14-36.

 [20]Luc 1:1-4, Jn. 20: 30-31, 1 Jn. 1:1-4, 1 Cor. 15:1-8.

 [21]N. T. Wright, The Resurrection of the Son of God (Minneapolis: Fortress Press, 2003).

 [22]A. N. Sherwin-White, Roman Society and Roman Law in the New Testament (1963; repr., Oxford : Oxford University Press, 2000).

 [23]Edwin M. Yamauchi, Persia and the Bible (Grand Rapids, MI: Baker Book House, 1990).

 [24]K. A. Kitchen, Ancient Orient and Old Testament (1966; repr., Downers Grove, IL : InterVarsity Press, 1975).

 [25]Ronald H. Nash, The Gospel and the Greeks: Did the New Testament Borrow from Pagan Thought?, 2nd ed. (Phillipsburg, NJ: P&R Publishing, 2003).

 [26]Ben Witherington III, The Jesus Quest: The Third Search for the Jew of Nazareth, 2nd ed. (Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 1997).

 [27]Michael Grant, Jesus: An Historian’s Review of the Gospels (New York: Charles Scribner’s Sons, 1977).

 [28]Gary R. Habermas, The Historical Jesus: Ancient Evidence for the Life of Christ (1996; repr., Joplin, Missouri : College Press Publishing Co., 2008). Gary R. Habermas & Kenneth E. Stevenson, Verdict on the Shroud: Evidence for the Death and Resurrection of Jesus Christ (Ann Arbor, MI: Servant Books, 1981).

 [29]J. Gresham Machen, The Origin of Paul’s Religion: A Classic Defense of Supernatural Christianity (1923; repr., Birmingham, Alabama: Solid Ground Christian Books, 2006). J. Gresham Machen était professeur à Princeton avant d’aider dans la fondation de Westminster Theologial Seminary.

 [30]Richard Bauckham, Jesus and the Eyewitnesses: The Gospels as Eyewitness Testimony (Grand Rapids, MI : Wm. B. Eerdmans Publishing, 2006).

 [31]K. A. Kitchen, The Bible in its World: The Bible & Archaeology Today (Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 1977).

 [32]Edwin Yamauchi, The Stones and The Scriptures (Philadelphia, PA: J. B. Lippincott Co, 1972).

 [33]C. H. Irwin, The Bible, The Scholar and the Spade: A Summary of the Results of Modern Excavation and Discovery (London: The Religious Tract Society, 1932).

 [34]Kathleen Kenyon, Archaeology in the Holy Land, 3rd ed. (London: Ernest Benn Limited, 1970).

 [35]E. M. Blaiklock, The Archaeology of the New Testament (1970; repr., Grand Rapids, IL : Zondervan Publishing House, 1977).

 [36]William M. Ramsay, St. Paul The Traveler and Roman Citizen, 15th ed., ed. Mark Wilson (Grand Rapids, MI: Kregel Publications, 2001).

 [37]Colin J. Hemer, The Book of Acts in the Setting of Hellenistic History, ed. Conrad H. Gempf (Winona Lake, IN: Eisenbrauns, 1990).

 [38]Gal. 1 :9.

 [39]James R. White, The Forgotten Trinity: Recovering the Heart of Christian Belief (Minneapolis: Bethany House, 1998).

 [40]Athanase, Contre ceux qui juge de la vérité par la seule autorité de la multitude, trad. M. le roi abbé de Hautefontaine (MDCXXX).

 

[41]Augustine, De Trinitate.

[42]Jean Chrysostome, Le Christ est Dieu, en Les œuvres complètes de S. Jean Chrysostome, trad. L’abbé J. Bareille (Paris : Librairie de Louis Vivès, 1865), 1 :478-499.

 [43]Thomas d’Aquin, Summa Contra Gentiles.

 [44]B. B. Warfield, The Inspiration and Authority of the Bible, ed. Samuel G. Craig (Phillipsburg, NJ: P&R Publishing, 1979).

[45]Norman L. Geisler, éd., Inerrancy (1980; repr., Grand Rapids, MI : Zondervan, 1982).

[46]R. C. Sproul, Scripture Alone: The Evangelical Doctrine (Phillipsburg, NJ : P&R Publishing, 2005).

 [47]William Lane Craig, The Only Wise God: The Compatibility of Divine Foreknowledge and Human Freedom (1987; repr., Eugene, OR : Wipf & Stock, 2000). William Lane Craig, Time and Eternity: Exploring God’s Relationship to Time (Wheaton, IL: Crossway, 2001).

 [48]Robert M. Bowman, Jr. & J. Ed Komoszewski, Putting Jesus in His Place: The Case for the Deity of Christ (Grand Rapids, MI: Kregel, 2007).

 [49]John Piper, The Future of Justification: A Response to N. T. Wright (Wheaton, IL: Crossway, 2007).

 [50]N. T. Wright, Justification: God’s Plan & Paul’s Vision (Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2009).

 [51]Bruce Manning Metzger, The Text of the New Testament: Its Transmission, Corruption and Restoration (Oxford: Oxford University Press, 1964). Bruce M. Metzger, The New Testament: Its Background, Growth, & Content, 3rd ed. (Nashville, TN: Abingdon Press, 2003). Bruce M. Metzger, The Canon of the New Testament: Its Origin, Development, and Significance (Oxford: Clarendon Press, 1997).

 [52]F. F. Bruce, Les documents du Nouveau Testament : Peut-on s’y fier?, trad. Marie-Anne Chevreau (Trois-Rivières, QC : Publications Chrétiennes, 2008). F. F. Bruce, The Canon of Scripture (Downers Grove, IL : InterVarsity Press, 1988).

 [53]David Alan Black, New Testament Textual Criticism: A Concise Guide (1994; repr., Grand Rapids, MI : Baker Book House, 1996).

 [54]D. A. Carson, Exegetical Fallacies, 2nd ed. (1996; repr., Grand Rapids, MI: Baker Book House, 2007).

[55]1 Pie. 3 :15.

L’Apologétique: sa nature, ses méthodes et son but

Qu’est-ce que l’apologétique chrétienne? Pourquoi l’apologétique chrétienne? Comment faire de l’apologétique chrétienne? Plusieurs membres de l’Association Axiome, par le biais d’une série d’articles sur le sujet, désirent offrir des éléments de réponses à ces questions et d’autres encore. Cette série d’articles, qui s’échelonnera du 10 février au 7 avril et qui verra paraître un article chaque semaine, s’intitule L’apologétique : sa nature, ses méthodes et son but. Voici les thèmes qui seront abordés :

9 février – Jean-Luc Lefebvre – Qu’est-ce que l’apologétique ?
16 février – Jean-Luc Lefebvre – Vivre la réponse que l’on donne!
24 février – Benoît Côté – Les visions du monde : Partie 1
3 mars – Benoît Côté – Les visions du monde : Partie 2
10 mars – Guillaume Bignon – Quelques pensées critiques sur les méthodologies d’apologétique chrétienne (et leurs conflits souvent mal placés)
19 mars – Daniel Audette – Quand l’apologétique ne peut se passer de l’éthique: Partie 1
10 Avril – David Haines – Les branches de l’apologétique chrétienne : un survol
1 Mai – Daniel Audette – Quand l’apologétique ne peut se passer de l’éthique: Partie 2