Dans l’avant-propos du commentaire « The death of death in the death of Christ » écrit par John Owen, J.I. Packer souligne l’urgence de retrouver l’évangile:

« Sans nous en rendre compte, nous avons, au cours du dernier siècle, troqué l’évangile pour un substitut qui lui ressemble à plusieurs égards, mais qui dans son entité, constitue une notion tout à fait différente. De là tous nos troubles, car le substitut ne peut arriver au même résultat que l’évangile authentique qui a si puissamment fait ses preuves dans le passé.»[1]              

L’observation de Packer est plus que pertinente. Si l’évangile est le fondement de la vie chrétienne et qu’il doit diriger l’église, le ministère, la sainteté, l’évangélisation, l’édification, la discipline et la vie en générale, alors c’est un véritable problème de changer cet évangile. Ce « nouvel évangile »[2] pour reprendre l’expression de Packer, échoue à la transformation du chrétien. Quel est donc le problème? Selon Packer :

« Il n’amène pas les hommes à être centré sur Dieu dans leurs pensées et n’inspire pas la crainte de Dieu à leurs cœurs, car ce n’est pas son but premier. En d’autres termes, la différence entre l’ancien évangile et le nouveau est que ce dernier s’intéresse exclusivement à « aider » l’homme – lui apporter la paix, le réconfort, le bonheur, la satisfaction – et se soucie trop peu de glorifier Dieu. »[3]

Cela met la table pour regarder le contenu de l’évangile dans la lettre de Paul aux Galates. Pourquoi? Parce qu’à la première lecture cette lettre, nous constatons qu’il y a un problème sérieux concernant l’évangile. Rapidement dans la lettre le sujet y est apporté avec un langage unique que Paul n’utilise nulle part ailleurs dans ces écrits. En effet, il y a une damnation attachée à ce sujet (1.9).

A.        Le problème des Galates concernant l’évangile

C’est une épître qui contient un avertissement que nous ne trouvons nulle part ailleurs :

« Mais si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (1.8)

Selon ce verset si nous n’avons pas le bon évangile, nous sommes damnés. Le problème n’est pas seulement que les Galates se sont trompés doctrinalement, mais bien qu’ils se sont détournés de celui qui les « […] a appelés » (1.6) pour passer à un autre évangile. C’est donc un évangile différent de celui prêché par Paul et approuvé des apôtres et par conséquent, ce n’est donc pas l’évangile (1.7)[4].

Le fait que Paul parle d’un « autre » évangile (1.6, 7) ou d’un « évangile différent » (1.8, 9), suggère qu’il y a un contenu à l’évangile. Un contenu tellement important que si nous le manquons nous ne sommes pas seulement dans l’erreur, mais on se détourne de Dieu lui-même. À première vue ce ne semble pas être une bonne nouvelle.

B. L’évangile dans Galates

Quel est donc le contenu de l’évangile, dans le contexte de l’épître aux Galates? Paul souligne un contenu minimum et irréductible commun aux autres écrits du Nouveau Testament[5]. Le langage utilisé par Paul dans son introduction, ainsi que le fait que Paul souligne qu’ils se sont détournés vers un « autre » évangile (1.6), laisse entendre que les versets qui précèdent 1.6 sont déterminants en ce qui concerne le contenu irréductible de l’évangile, car il y fait référence dans le reste de la lettre. La formulation du contenu diverge selon l’auteur, mais nous sommes capables de tracer un contenu minimum. Par exemple, F.F. Bruce souligne deux points[6] :

  1. Que Jésus-Christ s’est donné lui-même pour nos péchés (1.4a)
  2. Et que l’objectif de ce sacrifice était de nous délivrer du présent siècle mauvais (1.4b)

D’un autre côté, D.A. Carson dans un cours sur Galates[7] souligne la compréhension que Paul a de l’évangile en trois points[8] :

  1. Sa mort
  2. Sa résurrection
  3. Un certain point de vue eschatologique qui accomplit quelque chose à la fin par Jésus-Christ

Nous revenons encore à notre résumé[9] de l’évangile: « L’évangile est la bonne nouvelle de tout ce que  Dieu a fait pour nous, par son Fils unique à la croix et la résurrection. »[10] On peut ajouter beaucoup de détail[11], mais jamais moins que cela. Le contenu de l’évangile et le sérieux avertissement adressé par Paul nous font dire que « la croix est la seule voie de salut; aucune autre partie des Écritures ne le dit plus explicitement que l’épître aux Galates. »[12] C’est une déclaration d’exclusivité!

C. L’évangile est-il tolérant en condamnant?

Les religions ne se valent-elles tous pas? Par définition l’évangile en condamnant, n’est-elle pas intolérant? Il vaut la peine de rectifier quelques informations :

1)      Tout système de pensée est implicitement ou explicitement exclusif. Tout système de pensée religieux ou philosophique[13] va se réclamer d’une certaine forme d’exclusivisme.

2)      La tolérance présuppose d’abord qu’il y a au moins quelque chose de négatif (ou de faux) dans la pensée de l’autre. En dénonçant la fausseté d’une pensée (religieuse ou philosophique) nous pourrions croire que c’est intolérant, surtout pour celui qui le reçoit, mais elle peut aussi être la marque du plus grand amour qui soit! D’ailleurs, beaucoup de chrétiens par amour son mort pour annoncer l’évangile, car ils croyaient que le monde courrait à la perdition.

3)      Beaucoup réclament la tolérance par ignorance, par refus de croire, par rejet d’évidences ou par doute. Cela dispense donc de remettre en question ma propre philosophie. Il y a longtemps qu’Henri Poincaré nous disait :

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »

Il faut l’avouer, souvent ceux qui rejettent le christianisme ont raison de nous accuser. Le problème que nous rencontrons souvent de la part des chrétiens, c’est le manque d’amour. D’ailleurs, je pourrais vous raconter plusieurs moments ou moi-même j’en ai manqué. Cependant, le manque d’amour dans la communication n’est pas gage de fausseté. D’ailleurs, Paul, malgré son affirmation percutante, fait preuve d’un grand amour pastoral afin d’éviter la dérive des chrétiens de Galatie. C’est la raison pour laquelle il faut toujours lier vérité et amour.

L’évangile met en lumière nos péchés (souvent considérer condamnant), mais c’est à la fois un message de grâce disponible pour tous ceux qui croient. L’évangile est sérieux et rempli d’amour. Gardons l’équilibre dans la proclamation de la vérité et l’amour exprimé :

« […] mais en disant la vérité avec amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. » (Éphésiens 4.15)


[1] John Owen, La vie par sa mort, Édition SEMBEQ, 2010, p.10.

[2] Ibid., p.10

[3] Ibid., p.10

[4] Le problème ne se limite pas au contenu doctrinal seulement. Car nous agissons en fonction de ce que nous croyons. C’est pour cela que Paul ajoute que la vie chrétienne doit être vécue selon la vérité de l’évangile (2.14).

[5] Malgré que nous devions faire souvent la distinction entre la bonne nouvelle elle-même et sa proclamation, il n’en demeure pas moins que Paul souligne un contenu minimum irréductible, un contenu commun à son utilisation.

[6] F.F. Bruce, The epistle to the Galatians, NIGTC, Eerdmans, 1982, p.33.

[7] D.A. Carson, cours Sembeq : Épître aux Galates (2014).

[8] Dans le contexte de Galates. Voir aussi de façon plus détaillé e1 Corinthiens 15.1-8.

[9] Qu’est-ce que l’évangile, partie 1 : http://www.associationaxiome.com/quest-ce-que-levangile-partie-1/

[10] Ibid.

[11] Entre autres l’espérance que nous avons dans les promesses futures, comme ici dans Galates.

[12] D.A. Carson et Douglas Moo, Introduction au Nouveau Testament, Excelsis, Charols, 2005, p.439.

[13] Même en science. Si nous disons que tout ce que l’on peut connaître provient de la science, je rejette à la fois les systèmes qui y font moins référence ou pas du tout, à tort ou à raison.