L’association Axiome est une association d’apologétique qui a pour mission de donner une défense raisonnée du théisme[1] chrétien. L’apologétique vise parfois sur des questions particulières, comme l’existence de Dieu, ou encore la question de la souffrance. Mais l’appel à défendre notre foi dans la bible, n’est pas un appel à défendre uniquement une vision particulière du théisme. Ultimement, nous sommes appelés à défendre l’évangile. L’évangile est pour le chrétien, entre autres, ce qui le sauve (Romains 1.16; 1 Corinthiens 15.1-3; Galates 1.6-9; Éphésiens 1.13),  son espérance (1 Pierre 3.15), ce qui doit être annoncé (1 Corinthiens 15.1; Galates 3.1; 6.14) et ce qu’il doit défendre (Galates 2.5; 1 Pierre 3.15)[2]. C’est l’arrière-plan sur lequel l’apologétique travaille.  Autrement dit, chaque élément d’apologétique devrait construire ultimement et idéalement[3] à exposer l’évangile. La raison pour cela est celle-ci :

Le christianisme n’est pas fondé seulement sur l’affirmation de l’existence de Dieu. Mais sur l’affirmation supplémentaire que Dieu s’est révélé en la personne de Jésus.

Si nous sommes appelés à défendre et à présenter l’évangile, il convient de se poser la question : « qu’est-ce que l’évangile? » Cet article cherche à donner une compréhension biblique de l’évangile, sans défendre nécessairement chacun des aspects qui s’y attachent.

 

Comment trouver l’évangile dans la Bible?

 

Plusieurs approches seraient possibles :

  1. Nous pourrions regarder ce que l’église (catholique, orthodoxe, protestante, etc.) dit de l’évangile. Dans ce cas, nous pourrions donner l’autorité à l’église afin de définir « l’évangile ». Mais il y a des risques à utiliser cette méthode. À commencer par un éloignement du véritable évangile transmis à la base par les apôtres dans les textes bibliques. Cela est avéré dans l’histoire.
  2. Nous pourrions ouvrir nos bibles et voir qu’il y a quatre évangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean) que nous trouvons dans le Nouveau Testament. Est-ce cela l’évangile? Il ne faut pas oublier qu’au premier et second siècle, nous ne parlions jamais de « quatre » évangile. Il n’y a qu’un seul évangile concernant Jésus. Alors, on dit plutôt l’Évangile « selon » Matthieu, ou « selon » Marc, ou « selon » Luc, ou « selon » Jean.
  3. Nous pourrions faire l’étude du mot « évangile » en regardant le nombre de fois qu’il revient dans les textes bibliques, ou encore dans la littérature antique. Mais il faut noter que ce n’est pas un terme technique qui a toujours la même signification (terminus technicus)[4]. L’étude serait incomplète en ne tenant pas compte du contenu de l’évangile.

Évidemment nous pourrions ajouter à cette liste de nombreuses méthodes. Voici la suggestion de Greg Gilbert[5], que j’affectionne particulièrement : il suggère d’approcher la tâche en définissant le contour principal de l’évangile en regardant qu’est-ce que les premiers chrétiens disaient à propos de Jésus et la signification de sa vie, sa mort et de sa résurrection[6]. Cela évitera de donner autorité à une église, une personne, ou autres pour définir l’évangile, mais plutôt de regarder ce que Jésus et ses témoins disaient de l’évangile. Ainsi nous évaluerons les églises et les personnes à la lumière du véritable évangile[7].

 

La nécessité de traiter ce sujet

C’est tellement primordial pour les auteurs bibliques que Paul réserve ses plus sévères paroles pour les personnes qui annoncent un « autre » évangile. La lettre de Paul aux Galates dit ceci :

« Mais si vous-même, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème! » (Galates 1.8)

C’est une lettre qui contient un avertissement que nous ne trouvons nulle part ailleurs (1.8). Selon ce verset si nous n’avons pas le bon évangile, nous sommes damnés. Le problème n’est pas seulement que les Galates se sont trompés doctrinalement, mais bien qu’ils se sont détournés de celui qui les « […] a appelés » (1.6) pour passer à un autre évangile. C’est donc un évangile différent de celui prêché par Paul et approuvé des apôtres. Quand Paul parle d’un « autre » évangile, cela suggère qu’il y a un contenu tellement important concernant l’évangile, que, si nous le manquons nous ne sommes pas seulement en train de torde le message, mais on s’éloigne de Dieu. Ce n’est donc pas l’évangile. Ne pas avoir le véritable évangile, selon Paul, c’est s’éloigner de Dieu. Dieu et évangile son connecté. Cela soulève la question encore une fois : « qu’est-ce que l’évangile? »

La majorité s’entend pour dire que « l’évangile » est une « bonne nouvelle ». Et la première chose que l’on fait avec une nouvelle, c’est l’annoncer. Mais quel est le contenu de cette nouvelle? Malgré le fait que plusieurs livres du Nouveau Testament, par exemple l’évangile selon Jean, n’utilisent pas le terme « évangile », nous voyons que dans une perspective thématique ils ont autant de « bonne nouvelle » à dire que d’autres qui abondent dans l’utilisation du terme[8].

Dans cet article je vous propose une réflexion sur le langage de l’évangile. L’avertissement de Paul dans l’épître aux Galates est tellement sérieux, que dans une deuxième partie nous regarderons son contenu dans le contexte de cette lettre de Paul aux Galates. Enfin, dans une troisième partie nous regarderons le contenu plus large de l’évangile.

 

Le langage de « l’évangile »

Le terme grec pour « évangile » est « euangelion » (εὐαγγέλιον). Le tableau ci-dessous montre les occurrences du nom et du verbe dans la septante[9] (LXX) ainsi que dans le Nouveau Testament (NT)[10] :

Nom « euangelion » (εὐαγγέλιον) Évangile / bonne nouvelle LXX   1x NT   76x
Verbe « euangelizomai »   (εὐαγγελίζομαι) Proclamer / annoncer LXX   23x NT   54x

 

Premièrement, le terme « euangelion » signifie « bonne nouvelle ». Le verbe « euangelizomai »  renferme donc l’idée de Proclamer / annoncer cette nouvelle. C’est premièrement une nouvelle à proclamer. C’est avec justesse que Douglas Moo observe :

« Le nom [εὐαγγέλιον, « évangile »] dans le Nouveau Testament signifie la « bonne nouvelle » de l’intervention salvifique de Dieu en Christ, se référant généralement au message de Christ (1 Co 15.1; Ga 1.11; 2.2) et, par extension, à l’acte de prêcher ce message (1 Co 9.14 [deuxième occurrence]; 2 Co 2.12; 8.18; Phil 1.5 [?]; 4.3 [?]). »[11]

Deuxièmement, dans la Bible nous remarquons qu’il y a une certaine transformation dans l’utilisation d’un terme. Par exemple, le terme « évangile » peut devenir tellement compréhensif qu’il devient plus ou moins l’équivalent du « Christ » (Romains 1.9). Autrement dit, on utilise un terme « raccourcie » qui englobe l’œuvre de rédemption de Jésus à la croix[12]. Ce qui signifie que l’auteur peut expliquer ce qu’est « l’évangile » en détaillant son contenu à un endroit particulier et par la suite utilisé d’autre expression y faisant référence, sans être obligé de tout énumérer le contenu minimal en plusieurs points. Considérez ces deux passages :

« Car je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon   Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. »

1 Corinthiens 2.2 

 

Paul mentionne qu’il ne veut rien d’autre à   déclarer que Jésus-Christ crucifié.
« Souviens-toi de   Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, issu de la descendance de David,   selon mon Évangile. »

2 Timothée 2.8 

 

Paul dit que ce qui est en ligne avec   l’évangile est la « résurrection   d’entre les morts, issue de la descendance de David […] », mais il   ne mentionne pas la croix.

 

Voyez-vous le contraste entre les deux? À mon sens, une des raisons pour utiliser ce « raccourcie », c’est que l’évangile est le point central sur lequel repose tout le reste. Ce n’est pas le point en marge qui est sous-entendu dans le texte. Autrement dit, un auteur va attacher d’autres thèmes et d’autre contenu autour de l’évangile en gardant celui-ci central.

Prenons la première lettre de Pierre. Pierre dresse un portrait assez clair de l’évangile en dressant une liste de son contenu (1 Pierre 1.1-12) :

  • le sang de Jésus (1.2),
  • sa résurrection (1.3)
  • et cela en vue de notre espérance (1.3).
  •  Il nous parle de notre héritage à venir (1.4)
  • Tout cela s’inscrit dans le plan de rédemption (« rachat ») de Dieu depuis les prophètes de l’Ancien Testament (1.10-12) à qui ont reçus des révélations.
  • Ces prophètes cherchaient les circonstances se rapportant à ces révélations. Mais aujourd’hui, c’est révélé par les apôtres et ceux qui prêchent (1.12).

Après avoir dressé un portrait de l’évangile dans son contenu, Pierre va attacher tous les autres sujets autour de ce thème principal. Il commence directement par les termes  « C’est pourquoi » (1.13) et voici quelques sujets qui sont vu à la lumière de l’évangile qui est notre espérance (1.3) :

  • Pierre commence des exhortations à la sainteté, vigilance et l’amour (1.13-2.10).
  • Il parlera des relations entre époux et épouses (3.1-7),
  • de la souffrance (4.1-19)
  • et des leaders (5.1-5).

 

Conclusion

Si nous devions résumer l’évangile en une phrase, elle irait comme ceci :

« L’évangile est la bonne nouvelle de tous ce que  Dieu a fait pour nous par son Fils unique à la croix et la résurrection. »

On peut ajouter beaucoup de détail autour de la mort et résurrection de Jésus, comme nous avons vu avec Pierre, mais nous ne pouvons jamais aller moins que cela. Le genre littéraire « les évangiles » nous parle de ce que Dieu a fait Jésus pour nous sur la croix et la résurrection. C’est le cas de Paul, Pierre et les autres auteurs du Nouveau Testament. Enfin, nous avons brièvement vu qu’il est en ligne avec les écrits de l’Ancien Testament dans le plan rédempteur de Dieu pour nous racheter. La Bible est le livre qui nous montre comment Dieu rachète des humains qui sont séparés de lui et les auteurs, comme Pierre et Paul, préservent ce plan qui commence à la création, culmine dans le ministère et l’œuvre de Jésus à la croix, jusqu’à la consommation ou Jésus rétablira toute chose.


[1] Le théisme (du grec theos, dieu) est un terme qui désigne toute croyance ou doctrine qui affirme l’existence d’un Dieu et son influence dans l’univers, tant dans sa création que dans son fonctionnement. La particularité du théisme chrétien, c’est qu’il fait référence au Dieu de la Bible, et non pas n’importe quelle divinité.

[2] Nous trouvons cet appel dans de nombreux livre du Nouveau Testament comme Romains, 1 Corinthiens, Galates, 2 Pierre, Jude, etc. Nous le voyons sois par des exemples, exhortation, avertissement.

[3] Cela s’effectue souvent par cumul et avec du temps.

[4] Erreur  d’interprétation qui veut qu’ « un interprète suppose à tort qu’un mot a toujours ou presque toujours une certaine signification technique. » D.A. Carson, Erreurs d’exégèse, Trois-Rivières, Édition Impact, 2012, p.46.

[5] Gilbert Greg, What is the gospel? 9marks, Crossway, 2010.

[6] L’élément commun des quatre évangiles du Nouveau Testament tourne autour de ces événements. Et les prédications des apôtres contenus dans la bible tournent autour de ce sujet.

[7] Je ne traite pas de la validité de l’évangile comme vérité. Je la présuppose dans un sens. Mais il doit, comme n’importe quelles religions et philosophie répondre aux tests de vérités. Minimalement, on pourrait reporter ces tests à trois :

1)       cohérence logique

2)       justification empirique

3)       le bien-fondé expérimental

Comme il se base sur la réalité historique de la mort, l’ensevelissement et la résurrection physique de Jésus, l’évangile peut se démontrer dans l’histoire et se valider sur un plan logique rigoureux dans ses affirmations, sans compté le bien-fondé expérimental (historique ou personnel).

[8] D. A. Carson. “The Biblical Gospel.” in For Such a Time as This: Perspectives on

Evangelicalism, Past, Present and Future. Edited by Steve Brady and Harold Rowdon.

London: Evangelical Alliance, 1996, p.75.

[9] C’est une version de la bible hébraïque en langue grec, qui date d’environ de 270 av. Jésus-Christ.

[10] D.A. Carson, What is the Gospel? – Revisited, in Sam Storm and Justin Taylor and all, For the fame of God’s name: Essays in Honor of John Piper, Wheaton, Crossway, 2010, p.148.

[11] D.A. Carson, What is the gospel?: Revisited, in STORMS, SAM and TAYLOR, JUSTIN and all, For the fame of God’s name: essays in honor of John Piper, Crossway, 2010, p.157.

[12] Ibid. p.157