En critiquant le niveau excessif de scepticisme historique mis en oeuvre par ceux qui nient que Jésus ait existé, un argument assez standard consiste à montrer du doigt le fait que Jésus a davantage de preuves historiques qu’un bon nombre de figures d’antiquité dont on ne doute pas l’existence. Si c’est le cas, celui qui accepte ces personnes historiques mais doute de l’existence même de Jésus démontre qu’il emploie un standard injustifié à deux poids deux mesures.

Je proposai cet argument parmi d’autres dans ma réponse au “traité d’athéologie” de Michel Onfray, en ces termes:

« Le problème avec cet argument, c’est que l’absence en question est la même pour un nombre incalculable de personnes historiques dont l’existence ne fait pas l’ombre d’un doute »

Un lecteur chrétien m’a alors demandé si je pouvais fournir quelques noms.
A vrai dire, l’argument principal derrière ma phrase n’utilisait pas nécessairement de personne connue, retenue par l’histoire; c’était principalement la remarque que pour toutes les personnes (anonymes ou pas) ayant vécu à cette époque, le manque de preuve archéologiques n’est pas du tout un bonne raison de penser qu’ils n’ont pas existé, dans la mesure où on n’a de preuves archéologiques pour pratiquement personne. Pour que l’argument de Michel Onfray soit satisfaisant, il aurait fallu que deux choses soient vraies:
Prémisse 1 – Si Jésus avait existé, alors on devrait avoir des preuves archéologiques de son existence
Prémisse 2 – On n’a pas de preuve archéologique de son existence
Donc Jésus n’a pas existé.
Ma réponse était donc de réfuter la prémisse 1, en montrant le fait incontestable que si une personne a existé au premier siècle, il ne s’ensuit pas un instant qu’on devrait avoir de telles preuves archéologiques.
Mais pour répondre plus spécialement à la question qui m’est posée, je pense qu’il y a en effet quelques noms intéressants à considérer dans l’histoire; des personnes dont l’existence est attestée par des preuves comparables ou inférieures à celles que l’on a pour Jésus. N’étant pas un historien moi-même, j’ai posé la question à Gary Habermas et Mike Licona, qui m’ont suggéré les candidats suivants:
-Diogène Laërce (suggéré à Mike Licona par Tim McGrew), un Biographe daté quelque-part entre le 1er et le 4e siècle, dont on ne sait virtuellement rien d’autre, mais dont le travail est une source importante historique d’information sur des personnes d’antiquité. Il va de soi que l’on a largement moins de preuves pour Diogène que pour Jésus, et pourtant personne ne nie l’existence de Diogène.
-Un professeur de classiques ami de Mike Licona lui a suggéré un certain nombre de personnalités romaines, telles que les Scipions, ainsi que des généraux et des consuls, bien que certains d’entre eux aient quand même quelques inscriptions en leur faveur (les Scipions). Le héros Caius Servilius Ahala, à qui l’on attribue en 439 av JC la tâche d’avoir déjoué un plan de Spurius Maelius, de se faire tyran de Rome. Une partie des informations sur Ahala est légendaire, mais l’existence de la personne ne fait pas de doute, et il est clair que les preuves de l’existence de Jésus sont largement supérieures.
-Gary Habermas suggère également l’exemple d’Alexandre le Grand. Les deux meilleures sources pour Alexandre sont Plutarque et Arrien, qui écrivent tous deux plus de 400 ans après la mort d’Alexandre. Il avait quelques écrivains contemporains, mais à notre connaissance, leurs écrits ont été perdus. Parmi les écrits que l’on a, Diodore, Strabon, Curce, Arrien et Plutarque, le plus tôt a été écrit un peu moins de 300 ans après la mort d’Alexandre, et les deux derniers (les meilleurs), datent aux alentours de 425-450 ans après sa mort.

En bref, les sources historiques attestant de Jésus sont particulièrement tôt, multiples, et indépendantes. C’est un calibre exceptionnel pour une personne d’antiquité, et nul ne peut nier son existence sans déployer un niveau de scepticisme tel qu’il lui faille rejeter l’existence d’une foule de personnes d’antiquité, un pas qui reste intellectuellement coûteux à franchir.