« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes,

qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »

 Henri Poincaré

 

Dans le premier article, nous avons regardé la proposition selon laquelle le NT se construit sur l’AT. À partir des récits de la résurrection, nous avons vu que cette proposition est très difficile à tenir. Dans cette deuxième partie de notre analyse, intéressons-nous à la déclaration étrange de Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». (Jean 20.28) À la fin du texte, nous aurons en bonus, une réponse aux Témoins de Jéhovah, qui n’ont pas la même conception de Jésus et qui interprètent ce texte différemment.

Contexte du sceptique

Thomas est régulièrement associé au scepticisme. Thomas est pratiquement synonyme de doute. D’ailleurs, cette étiquette on me l’a donné souvent en m’appelant « le Thomas » lorsque je remets en question des idées. Quelle sorte de doute anime Thomas? En plus de notre texte (Jean 20.19-31), Thomas apparaît dans deux autres textes important dans l’évangile de Jean :

Sur ce, Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples : Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui. (Jean 11.16) Thomas est prêt à mourir avec Jésus, car il a une pleine confiance en lui.
5Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons où tu vas ; comment en saurions-nous le chemin ? 6Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. (Jean 14.5-6) Thomas pose une bonne question, qui amène finalement Jésus à faire une déclaration incroyable et par la suite il enseigner ses disciples sur le fait qu’ils ont vu le Père.

Textes et faits marquants

Il existe plusieurs formes de doute (scientifique, causé par l’ignorance, une crise existentielle ou encore un choix moral volontaire, philosophique, etc.). Le contexte montre qu’en ce qui concerne Thomas, qu’il s’agit d’un doute produit par une extrême déception religieuse. Cette déception amène un scepticisme pour ne pas être surpris à nouveau. C’est un type de doute qui sépare la foi de l’incrédulité. Thomas a été passionné à croire que Jésus était le Messie promis. Maintenant, il n’y avait pas de catégorie pour un messie crucifié. Le Messie triomphe toujours. Le messie qui souffre et meurt provoque un désillusionnement religieux. Thomas s’est trompé ou encore il s’est fait tromper.

Thomas n’était pas présent lorsque Jésus est apparu la première fois (20.24). Il n’est pas prêt à croire le témoignage des autres apôtres. Il voulait des évidences convaincantes montrant que Jésus était bel et bien ressuscité. L’impression produite par la mort en croix de Jésus sur Thomas dut faire une solide impression, de sorte qu’il fût profondément découragé.

L’adoration du sceptique (Jn 20.28)

Le texte place la scène huit jours après la première apparition de Jésus (20.26). C’est-à-dire le dimanche suivant la résurrection. Jésus apparaissant au milieu d’eux. Pour la deuxième  fois leur il dit ces paroles «  Que la paix soit avec vous ». Cette fois en présence de Thomas. Jésus semble se tourner immédiatement vers Thomas (20.27) en l’invitant activement à toucher ses plaies. Thomas se trouve donc  dans une position critique et face à deux possibilités : Premièrement, par les paroles de Jésus « Ne sois pas incrédule », Thomas malgré l’évidence peu demeurer dans son doute. Le terme incrédulité dans nos traductions souligne aussi le fait que Thomas se refuse de croire.[1] Deuxièmement, croire.[2] Jésus invite Thomas à ne pas accepter le doute en lui fournissant aussi ce qu’il a besoin pour sortir de ce doute. Blaise Pascal disait : « Il faut savoir douter où il faut, se soumettre où il faut, croire où il faut. »

Enfin, nous voyons la déclaration étrange de Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Elle semble étrange pour plusieurs raisons, surtout à cause que plusieurs ont l’impression que le NT ne dit jamais explicitement que Jésus est Dieu. Dans ce cas, cette parole semble suspecte, ajoutée, ou embellie. Peut-être cela fait-il partie du secret messianique.[3]

Il faut placer Thomas dans le contexte de cet évangile, qui sert de structure narrative plus large dans lequel ce récit s’inscrit. Quelle confession surprenante! Pourquoi utiliser de tels mots. Qu’est-ce que Thomas confesse? Pourquoi ces Paroles : « Mon Seigneur et mon Dieu! »? Pourquoi pas simplement s’exclamer « Jésus, tu es vivant » ou encore dans un autre registre… « Youppie ! »

Suivons la pensée : Il s’est écoulé une semaine depuis les premières apparitions de Jésus (20.25), ou Thomas n’était pas présent. Les disciples lui avaient dit qu’il était vivant, et Thomas a exprimé ses doutes. Dans le portrait dressé par Jean, nous avons vu la dévotion au chapitre 11 de Thomas, ensuite cet événement du chapitre 14. Et dans la suite du récit du chapitre 14, après que Jésus est répondu à la question de Thomas : Comment savoir le chemin? Philippe reprend la parole et lui dit : montre-nous le Père et cela nous suffit. Et Jésus encore donne ces paroles surprenantes « Celui qui m’a vu a vu le Père » (14.9).

Ces huit jours furent surement des moments s décisifs mentalement pour Thomas. Et l’évangéliste nous donne une structure dans lequel nous percevons ces paroles de Jésus qui leur semblait si étrange : tu m’as vu, tu as vu le Père.  Nous pouvons donc aussi apercevoir ce que Thomas aurait pensé : « Les autres disent qu’il est ressuscité… Mais non cela ne se peut. Mais si c’était vrai. Qu’est-ce que cela implique? »

Et si Jésus était réellement ressuscité, cela ne susciterait-il pas de telles réflexions? Au moins la structure de l’évangile permet de le pensé.  Thomas n’est surement pas arrivé à un développement de la doctrine complète de la trinité comme nous l’avons développé avec le temps. Mais assurément, il a progressé assez pour comprendre que si Jésus est ressuscité c’est que Dieu nous a visités. Il vient d’être assuré que le Jésus devant lui n’est pas en rupture avec le Jésus d’avant la crucifixion. Il faut prendre ce verset au pied de la lettre : Thomas juif monothéiste du premier siècle s’adresse à Jésus, le Jésus ressuscité, par ces paroles surprenantes « Mon Seigneur et mon Dieu ».

La fonction d’un sceptique converti (Jn 20.29-31)

Ici ce sont des paroles qui ont souvent été mal comprises. Je me suis déjà fait appliquer ce verset à peu près dans ces termes : « Pourquoi cherches-tu des preuves de tout. Il suffit d’avoir la foi. D’ailleurs, c’est ce que Dit Jésus : “Heureux ceux qui n’ont pas vue et qui ont cru.” Cette interprétation soutient qu’une foi qui ne se fonde pas sur des preuves tangibles ou même qui ne se fonde pas sur du vrai est de nature supérieure. Je dois m’opposer vivement à une telle interprétation.

Donc avec cette interprétation : Thomas était-il heureux? Sommes-nous tous appelés à avoir une foi aveugle pour pouvoir atteindre le bonheur? Il est difficile d’en arriver à cette conclusion,[4] surtout en considérant comment l’évangéliste s’efforce lui-même de nous donner des détails précis et détaillés sur les événements. Et même il enchaîne sur ces paroles : mais ceci a été écrit […] Il nous donne donc des preuves. Le récit est en lui-même une preuve.

Il est certain qu’il y ait des choses que nous devons accepter par la foi. Mais d’autres éléments s’incrustent dans l’histoire et ils sont donc disponibles pour nous au même moyen que n’importe quels faits, c’est-à-dire, par des méthodes historiques et à travers les témoignages. L’une des choses qui valident la foi, c’est la validité de l’objet de la foi. La foi chrétienne est plus que l’acceptation d’un événement, mais ce n’est jamais moins que cela. Jamais il ne nous a demandé de croire en quelque chose qui n’est pas vrai ou qui pourrait ne pas l’être.

Nous avons fait des versets 20.30-31 le but pour l’ensemble de l’évangile de Jean. Toutes ses choses contenues dans l’évangile ont été écrites afin de croire que Jésus est le fils de Dieu. Mais pourquoi le placer à la fin? Pourquoi dans ce passage? Il reste quand même un chapitre. Vraisemblablement il y a un lien entre ces versets et les événements qui sont mentionnés dans ce chapitre. “Ces choses ont été écrites” quelles choses? Les choses qui confirment l’identité de Christ.[5]

Les versets 20.29-31 sont intimement liés au contexte.  Suivons la pensée : Jésus sait qu’il partira et qu’un grand nombre de personnes croiront sans voir Jésus ressuscité. Jean aussi le sait. Et cela jusqu’à ce qu’il revienne. Un grand nombre n’auront pas la possibilité de touché comme Thomas a touché et vue. Malgré le manque de preuve direct comme Thomas, des millions et millions de personnes vont croire que Jésus est ressuscité des morts. Comment? Sur quelle base croiront-ils? Jésus dit que ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru sont heureux. Pourquoi? Parce qu’ils ont cru sans avoir de preuve aucune? Jamais. Jean poursuit immédiatement en disant que Jésus a fait un grand nombre de miracles. Il n’est pas question de tous les rapporter, mais “ceux-ci, sont rapporté” y compris l’apparition de Thomas, afin que les générations futures qui ne verront jamais les signes, jamais dans cette vie le corps de Jésus ressuscité puissent croire que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu et quand croyant il ait la vie éternelle. Ce sont le rapport des premiers croyants, afin que la génération future puisse parvenir à la foi. Thomas s’inscrit lui-même dans cette série de preuves, cette suite d’attestation. Il a vu et a cru. Et au moyen de sa confession il témoigne encore aux générations futures, et incite à la foi. Et tout comme Thomas, ceux qui croient sont heureux et sont bénis.

Conclusion

C’est bien évident qu’il y aurait beaucoup plus à dire sur ces passages. Dans un prochain volet, nous regarderons l’interprétation des Témoins de Jéhovah et comment ils comprennent ce passage.

 

 

 

[1] Le contexte valide cela. “Si je ne mets pas… Je ne croirai pas”

[2] Le terme original ou littéral : croyant. La version Darby conserve ce sens : “Puis il dit à Thomas: Avance ton doigt ici, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais croyant.

[3] À de nombreuses reprises, Jésus demande explicitement à ne pas dévoiler qui il est dans les évangiles.

[4] Une des raisons pour lesquels nous sommes tentés d’interpréter de cette façon, c’est que le terme “foi” dans nos sociétés prend des sens différents de ce que la bible enseigne. Par exemple, le mot “foi” peut être synonyme du mot religion. “Plusieurs foi ou encore plusieurs religions”. Ou encore cette définition la plus courante : choix, engagement personnel religieux et subjectif. Cela n’a rien à voir avec les faits historiques ou réalités historiques. C’est un choix personnel, subjectif. Il n’y a rien qui puisse m’avantager ou différentier. Ce n’est pas intelligible.

[5] Après le Prologue ou Jean nous donne l’identité de Jésus (1.1-18), suivi du témoignage de Jean-Baptiste, et immédiatement après Les noces de Cana. Et en 2.11, il nous dit que c’est comme cela que commence les signes, miracles. Jean nous invite à comprendre dans l’ensemble qui est Jésus.