Une vierge, Une souris et la biologie – Réflexion sur la naissance virginale de Jésus

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J’aimerais simplement faire quelques réflexions pour ce temps des fêtes concernant Noël. On proclame beaucoup que « le sauveur est né », mais on se soucie souvent moins du contexte dans lequel il est né. Soyons directs : il est né d’une vierge !

Peut-on croire que Jésus est né d’une vierge? Il est évident que deux visions s’affrontent aujourd’hui. D’une part, ceux qui croient que tout ce qui existe est matériel (matérialiste ou naturaliste) et d’autre part ceux qui croient en l’existence du surnaturel. Et l’argument le plus souvent avancé aujourd’hui contre la naissance virginale de Jésus provient de la science : c’est une impossibilité biologique. Ou encore, c’est hautement improbable.

La biologie aujourd’hui est une science développée qui nous montre pratiquement dans les détails comment un enfant est conçu. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que ça prend toujours un mâle et une femelle pour concevoir un enfant. Une conception virginale demande d’avoir une espèce de génération spontanée du « sperme masculin », ce qui va à l’encontre des lois de la biologie. Aucune expérimentation en laboratoire n’a pu reproduire cela. D’un point de vue purement matériel : Ça ne se peut pas!

Si nous analysons la façon dont un humain est conçu, nous voyons qu’à tous les coups la conception est faite avec mâle et femelle. Et avec la masse d’évidence reproduite des millions de fois nous avons cette loi biologique. Mais est-elle une loi absolue? Le fait qu’une chose ne puisse être reproduite en laboratoire ne signifie pas qu’elle ne se soit jamais produite. Dans chaque cas de reproduction, il existe une tonne de variables à tenir en compte.

Dans le cas d’une naissance virginale, il y a une variable que le modèle matérialiste ne prend pas en compte : Dieu. La réalité de Dieu agissant réellement dans l’histoire. Il faut l’inclure dans notre modèle, car ceux qui revendiquent ce genre de naissance pour Jésus l’incluent. Voyez-vous un scientifique peut discuter de la probabilité ou l’improbabilité d’une théorie, mais jamais son impossibilité. Car pour cela il faudrait qu’il connaisse toutes les lois qui régissent l’univers. Nous sommes en présence d’un événement unique, qui relève beaucoup plus de l’histoire que de la science en laboratoire. La science s’intéresse à ce qui se produit de façon répétitive, non aux événements uniques.

En fin de compte, l’argument contre les chrétiens concernant le miracle, c’est qu’il implique un événement unique. Mais nier un événement parce qu’il est unique n’est pas faire preuve d’un esprit scientifique, mais plutôt de préjugé. Il suffit de penser à l’origine de l’univers qu’ils nomment eux même « singularité ». C’est un terme scientifique pour parler d’un événement unique, pourtant. Peut-on l’étudier? Avant d’étudier des centaines de souris pour voir comment la conception se fait, il faut étudier une souris. De même, avant d’analyser la vie de Jésus il faut accepter le premier. Car la vie au complet de Jésus est une série d’événements uniques. Ceux qui ont entouré Jésus durant sa vie ont été surpris eux aussi de ce qui passait. Beaucoup avaient du mal à croire ce qui se passait, malgré le fait qu’ils étaient dans une société ou la valeur commune était l’existence de Dieu. Ils n’étaient pas matérialistes, alors imaginez nous!

La foi chrétienne tient ferme ou s’écroule avec le caractère unique de Jésus-Christ! Jésus-Christ est unique. Le contexte ne laisse place à aucun doute quant à la parole adressée à Marie. À propos de la conception dans le sein de Marie ainsi que la grossesse de sa cousine Élisabeth, l’ange ajoute : « Car rien n’est impossible à Dieu. » (Luc 1.37) La question de l’impossibilité est soulevée précisément parce que l’annonce faite par l’ange enfreint les lois de probabilité. Les auteurs du Nouveau Testament étaient comme nous, aussi critiques que nous pouvons l’être. Ils savaient eux aussi que pour faire une souris ou un bébé, il faut un mâle et une femelle. Il ne faut pas penser qu’ils étaient tous des épais parce qu’ils n’avaient pas de microscope électronique.

Rappelons-nous ceci :

  1. Un chrétien ne croit pas à une naissance virginale sans Dieu!
  2. Un chrétien, tout comme le non-chrétien, trouve ridicule une naissance humaine virginale, sans Dieu.
  3. Mais, les chrétiens croient en Dieu. Plus précisément un Dieu qui s’investit dans sa création.
  4. La création fournit des évidences fortes en l’existence de Dieu.
  5. Par conséquent, il est probable que Dieu ait agi dans sa création.

Ces événements sont rapportés et validés par la méthode historique, par les témoins oculaires, la diversité des sources, la fiabilité des sources, voire même ceux qui rejetaient Jésus. Tout concorde pour dire que Jésus est unique.

Ce n’est pas seulement un enfant qui naît, c’est l’incarnation de Dieu. Jésus est unique.

 

Qu’est-ce que l’évangile? – Partie 2 (L’évangile est-il tolérant en condamnant?)

Dans l’avant-propos du commentaire « The death of death in the death of Christ » écrit par John Owen, J.I. Packer souligne l’urgence de retrouver l’évangile:

« Sans nous en rendre compte, nous avons, au cours du dernier siècle, troqué l’évangile pour un substitut qui lui ressemble à plusieurs égards, mais qui dans son entité, constitue une notion tout à fait différente. De là tous nos troubles, car le substitut ne peut arriver au même résultat que l’évangile authentique qui a si puissamment fait ses preuves dans le passé.»[1]              

L’observation de Packer est plus que pertinente. Si l’évangile est le fondement de la vie chrétienne et qu’il doit diriger l’église, le ministère, la sainteté, l’évangélisation, l’édification, la discipline et la vie en générale, alors c’est un véritable problème de changer cet évangile. Ce « nouvel évangile »[2] pour reprendre l’expression de Packer, échoue à la transformation du chrétien. Quel est donc le problème? Selon Packer :

« Il n’amène pas les hommes à être centré sur Dieu dans leurs pensées et n’inspire pas la crainte de Dieu à leurs cœurs, car ce n’est pas son but premier. En d’autres termes, la différence entre l’ancien évangile et le nouveau est que ce dernier s’intéresse exclusivement à « aider » l’homme – lui apporter la paix, le réconfort, le bonheur, la satisfaction – et se soucie trop peu de glorifier Dieu. »[3]

Cela met la table pour regarder le contenu de l’évangile dans la lettre de Paul aux Galates. Pourquoi? Parce qu’à la première lecture cette lettre, nous constatons qu’il y a un problème sérieux concernant l’évangile. Rapidement dans la lettre le sujet y est apporté avec un langage unique que Paul n’utilise nulle part ailleurs dans ces écrits. En effet, il y a une damnation attachée à ce sujet (1.9).

A.        Le problème des Galates concernant l’évangile

C’est une épître qui contient un avertissement que nous ne trouvons nulle part ailleurs :

« Mais si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (1.8)

Selon ce verset si nous n’avons pas le bon évangile, nous sommes damnés. Le problème n’est pas seulement que les Galates se sont trompés doctrinalement, mais bien qu’ils se sont détournés de celui qui les « […] a appelés » (1.6) pour passer à un autre évangile. C’est donc un évangile différent de celui prêché par Paul et approuvé des apôtres et par conséquent, ce n’est donc pas l’évangile (1.7)[4].

Le fait que Paul parle d’un « autre » évangile (1.6, 7) ou d’un « évangile différent » (1.8, 9), suggère qu’il y a un contenu à l’évangile. Un contenu tellement important que si nous le manquons nous ne sommes pas seulement dans l’erreur, mais on se détourne de Dieu lui-même. À première vue ce ne semble pas être une bonne nouvelle.

B. L’évangile dans Galates

Quel est donc le contenu de l’évangile, dans le contexte de l’épître aux Galates? Paul souligne un contenu minimum et irréductible commun aux autres écrits du Nouveau Testament[5]. Le langage utilisé par Paul dans son introduction, ainsi que le fait que Paul souligne qu’ils se sont détournés vers un « autre » évangile (1.6), laisse entendre que les versets qui précèdent 1.6 sont déterminants en ce qui concerne le contenu irréductible de l’évangile, car il y fait référence dans le reste de la lettre. La formulation du contenu diverge selon l’auteur, mais nous sommes capables de tracer un contenu minimum. Par exemple, F.F. Bruce souligne deux points[6] :

  1. Que Jésus-Christ s’est donné lui-même pour nos péchés (1.4a)
  2. Et que l’objectif de ce sacrifice était de nous délivrer du présent siècle mauvais (1.4b)

D’un autre côté, D.A. Carson dans un cours sur Galates[7] souligne la compréhension que Paul a de l’évangile en trois points[8] :

  1. Sa mort
  2. Sa résurrection
  3. Un certain point de vue eschatologique qui accomplit quelque chose à la fin par Jésus-Christ

Nous revenons encore à notre résumé[9] de l’évangile: « L’évangile est la bonne nouvelle de tout ce que  Dieu a fait pour nous, par son Fils unique à la croix et la résurrection. »[10] On peut ajouter beaucoup de détail[11], mais jamais moins que cela. Le contenu de l’évangile et le sérieux avertissement adressé par Paul nous font dire que « la croix est la seule voie de salut; aucune autre partie des Écritures ne le dit plus explicitement que l’épître aux Galates. »[12] C’est une déclaration d’exclusivité!

C. L’évangile est-il tolérant en condamnant?

Les religions ne se valent-elles tous pas? Par définition l’évangile en condamnant, n’est-elle pas intolérant? Il vaut la peine de rectifier quelques informations :

1)      Tout système de pensée est implicitement ou explicitement exclusif. Tout système de pensée religieux ou philosophique[13] va se réclamer d’une certaine forme d’exclusivisme.

2)      La tolérance présuppose d’abord qu’il y a au moins quelque chose de négatif (ou de faux) dans la pensée de l’autre. En dénonçant la fausseté d’une pensée (religieuse ou philosophique) nous pourrions croire que c’est intolérant, surtout pour celui qui le reçoit, mais elle peut aussi être la marque du plus grand amour qui soit! D’ailleurs, beaucoup de chrétiens par amour son mort pour annoncer l’évangile, car ils croyaient que le monde courrait à la perdition.

3)      Beaucoup réclament la tolérance par ignorance, par refus de croire, par rejet d’évidences ou par doute. Cela dispense donc de remettre en question ma propre philosophie. Il y a longtemps qu’Henri Poincaré nous disait :

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »

Il faut l’avouer, souvent ceux qui rejettent le christianisme ont raison de nous accuser. Le problème que nous rencontrons souvent de la part des chrétiens, c’est le manque d’amour. D’ailleurs, je pourrais vous raconter plusieurs moments ou moi-même j’en ai manqué. Cependant, le manque d’amour dans la communication n’est pas gage de fausseté. D’ailleurs, Paul, malgré son affirmation percutante, fait preuve d’un grand amour pastoral afin d’éviter la dérive des chrétiens de Galatie. C’est la raison pour laquelle il faut toujours lier vérité et amour.

L’évangile met en lumière nos péchés (souvent considérer condamnant), mais c’est à la fois un message de grâce disponible pour tous ceux qui croient. L’évangile est sérieux et rempli d’amour. Gardons l’équilibre dans la proclamation de la vérité et l’amour exprimé :

« […] mais en disant la vérité avec amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. » (Éphésiens 4.15)


[1] John Owen, La vie par sa mort, Édition SEMBEQ, 2010, p.10.

[2] Ibid., p.10

[3] Ibid., p.10

[4] Le problème ne se limite pas au contenu doctrinal seulement. Car nous agissons en fonction de ce que nous croyons. C’est pour cela que Paul ajoute que la vie chrétienne doit être vécue selon la vérité de l’évangile (2.14).

[5] Malgré que nous devions faire souvent la distinction entre la bonne nouvelle elle-même et sa proclamation, il n’en demeure pas moins que Paul souligne un contenu minimum irréductible, un contenu commun à son utilisation.

[6] F.F. Bruce, The epistle to the Galatians, NIGTC, Eerdmans, 1982, p.33.

[7] D.A. Carson, cours Sembeq : Épître aux Galates (2014).

[8] Dans le contexte de Galates. Voir aussi de façon plus détaillé e1 Corinthiens 15.1-8.

[9] Qu’est-ce que l’évangile, partie 1 : https://www.associationaxiome.com/quest-ce-que-levangile-partie-1/

[10] Ibid.

[11] Entre autres l’espérance que nous avons dans les promesses futures, comme ici dans Galates.

[12] D.A. Carson et Douglas Moo, Introduction au Nouveau Testament, Excelsis, Charols, 2005, p.439.

[13] Même en science. Si nous disons que tout ce que l’on peut connaître provient de la science, je rejette à la fois les systèmes qui y font moins référence ou pas du tout, à tort ou à raison.

Général Tom Lawson: Des propos troublants!

Et si les athées allaient au bout de leur raisonnement!Tom Lawson

Je prends le risque d’écrire cette petite réflexion, qui m’attirera certainement des commentaires, mais c’est quand même magnifique. Cette semaine, le général Tom Lawson a déclaré que les hommes étaient en quelque sorte programmés biologiquement pour avoir des pulsions les poussant à l’inconduite sexuelle. Il s’en est suivi d’une nuée de critiques à son égard, ce qui l’a poussé à faire des excuses.

Nous avons caractérisé sa pensée de plusieurs commentaires :

–          Aberrant, et abruti… on se croirait à l’âge des cavernes…

–          Pensée de l’âge médiévale…

–          Les bonobos ne font pas cela

–          Etc.

C’est intéressant de voir que nous associons la pensée de “programmation biologique” à quelque chose d’archaïque. Je ne peux m’empêcher de souligner deux choses :

1)      Nous louons souvent la pensée de Freud (athée) et de la psychanalyse. Mais ce qu’il disait il y a près de 100 ans, c’est que l’humain est régi par des pulsions inconscientes. Et nous applaudissons cette pensée, encore dans nos universités. Selon lui, l’homme est un animal, pourquoi agirait-il autrement? À moins, qu’il soit différent, mais il ne faut certainement pas dire : à l’image de Dieu… Ça, c’est religieux.

2)      Mon deuxième commentaire est encore plus intéressant. Voici ce que Richard Dawkins dit :

« Si l’univers n’était que des électrons, le problème du mal ou de la souffrance n’existerait pas. Au contraire, si l’univers n’était que des électrons et des « gênes égoïstes […] Un tel univers ne serait ni mal ni bon en intention. Il ne démontrerait aucune intention de quelques sortes que ce soit. Dans un univers de forces physiques aveugles et de la réplication génétique, quelques personnes vont être blessé, d’autres vont être chanceux et on ne s’attendrait pas y voir de sens, ni de justice. L’univers que nous observons a précisément les propriétés dont nous nous attendrions de lui s’il n’y a pas, au fond, de design, de but, pas de bien ni de mal, rien que l’indifférence aveugle et sans pitié. Comme le poète malheureux A.E Housman l’a exprimé : la nature sans cœur, sans raison ne saura rien (de tes troubles) et ne s’en soucierait jamais. L’ADN n’en sait rien et ne s’en soucie pas. L’ADN est, c’est tout. Et nous dansons à sa musique.  »

Ceci est le monde selon Dawkins : une indifférence aveugle, impitoyable, sans but, aucun mal, dansant au son de notre ADN (programmé biologiquement). Et Dawkins fait appel à la science et mentionne que la science n’est pas là pour déterminer ce qui est bien ou mal. Pourtant ce n’est pas au moyen âge, c’est le porte parole des athées.

Malheureusement, lorsqu’il s’agit d’applaudir un philosophe quand elle rejette Dieu, il n’y pas problème. Mais lorsque la même pensée est véhiculée dans un contexte de valeur morale touchant directement nos femmes et le jugement moral des humains, on lève les barricades et immédiatement dénonce le caractère arriéré de cette pensée. Mais voici la triste réalité que les chrétiens nous disent depuis plus de deux millénaires : nous agissons en fonction de ce que nous croyons, pas seulement du fruit des gènes!

Il vaut la peine de souligner le jugement moral qui est posé sur de tel propos. Les chrétiens apportes l’argument moral depuis de nombreuses décennies:

1)      Si Dieu existe, les valeurs  morales objectives existent

2)      Les valeurs morales objectives existent

3)      Donc Dieu existe

Je ferais simplement ce commentaire, sans débattre la validité de l’argument (qui est logique) : Tous ceux qui s’abjectes contre les propos du générale Lawson, vous démontrez par ce comportement que vous vivez en fonction de ces valeurs morales objectives, en vous permettant de les juger. Mais, si les athées allaient au bout de leur raisonnement, je leur pose la question : pourquoi êtes-vous si étonné de voir de tel comportement? C’est justement ce qu’on s’attendrait dans un monde sans Dieu, tel que décrit par vos penseurs.

Mais vous faite bien de dénoncé de tel propos qui sont inacceptables! Reste à reconnaître l’image de Dieu en nous. C’est pour cela que l’on s’indigne de l’offense faite à nos femmes et qu’on s’indigne beaucoup moins quand il s’agit d’une marmotte écraser sur la rue, ou encore de la disparition de nos bélugas. Vous avez beaucoup plus de valeur, car vous êtes plus que des animaux, même si nous partageons le même environnement!

 

À la découverte des « visions du monde » (partie 2)

Dans la partie précédente de cette série, j’ai présenté une définition générale de ce qu’est une « vision du monde » :

Une vision du monde est un ensemble de croyances à propos du monde, de Dieu, des humains, du Bien et du Mal, à l’aide desquelles je fais du sens de la réalité dans laquelle je vis, et qui me fournissent une base pour ma façon d’être, d’agir et de comprendre mes actions.

Dans cette deuxième partie, mon objectif est double : (1) je veux vous présenter les questions fondamentales auxquelles toute vision du monde vise à répondre, et (2) je veux vous amener à vous poser deux questions très importantes :

« Est-ce que je connais mes croyances et d’où elles viennent ? »
« Est-ce que je connais la vision du monde de ceux qui m’entourent ? »


Est-ce que je connais mes croyances et d’où elles viennent ?

Avez-vous déjà pris le temps de vous demander ce que vous croyez, et comment vous en êtes venus à le croire ? Même un chrétien de longue date, qui lit sa Bible à tous les jours et qui a le désir de se nourrir de la Parole de Dieu, baigne tous les jours dans un milieu de travail et un torrent d’informations (par la culture, les nouvelles, l’Internet, les médias sociaux, etc.) qui l’inondent de croyances qu’il va finir par adopter en partie, mais qui ne sont pas nécessairement compatibles avec la foi chrétienne.

Par exemple, en ce qui concerne les questions de moralité, notre société véhicule le slogan populaire « Si c’est sa décision et que ça ne fait pas de mal à personne, on ne devrait pas s’y opposer ! », qui ressort souvent dans les discussions sur l’euthanasie ou sur l’homosexualité. D’autres croyances populaires du genre sont « C’est mon argent, je peux faire ce que je veux avec ! », « L’amour est un sentiment. » et « M’occuper de mon bien-être est important. » Même si ces croyances populaires ne sont pas toutes complètement en opposition avec la Parole de Dieu, ne pas réfléchir sur nos croyances peut nous amener à les accepter en bloc, sans se poser la très importante question : « Qu’est-ce que je dois prendre, et qu’est-ce que je dois laisser ? » Par exemple, si le chrétien et le non chrétien peuvent s’accorder sur le fait que notre bien-être personnel est important, il y a une grande différence dans la manière dont chacun va définir le mot « bien-être », et dans la manière dont l’humain peut l’atteindre!

Je vais revenir sur cette réflexion dans une prochaine partie, dans laquelle nous allons parler des tests qu’une vision du monde doit passer. Ce qu’il faut retenir pour l’instant, c’est que ce n’est pas parce que vous vous pensez chrétien que vos croyances viennent toutes de Dieu et de la Bible : vous baignez dans un milieu non chrétien qui vous influence fortement, et il y aura besoin un jour de « nettoyer » vos croyances pour les réaligner avec la Parole de Dieu, si vous êtes convaincu qu’elle doit être à la base de tout ce que vous croyez.


Est-ce que je connais la vision du monde de ceux qui m’entourent ?

Église chrétienne du village de Polyan, dans la région de Solukhumbu au Népal, une région où s’entremêlent hindouisme, bouddhisme tibétain, religions folkloriques et christianisme.

Église chrétienne du village de Polyan, dans la région de Solukhumbu au Népal, une région où s’entremêlent hindouisme, bouddhisme tibétain, religions folkloriques et christianisme.

Cette question-ci est très importante, dans l’optique où communiquer un message efficacement (comme l’Évangile) demande de bien connaître le public auquel on s’adresse. J’ai demandé, récemment à des étudiants d’une école biblique, de m’expliquer ce que croient les Québécois auxquels ils sont appelés à partager l’Évangile. Leurs réponses ont mis en lumière que plusieurs, même s’ils ont passé toute leur vie au Québec, étaient peu en mesure de m’expliquer clairement la vision du monde de la société qui les entoure. Ce n’est pas qu’une curiosité : quand on étudie la structure des différents discours des apôtres que l’on trouve dans le livre des Actes, on voit que les discours varient en fonction de la culture à laquelle ils sont adressés : on ne présente pas l’Évangile de la même manière à des Juifs de Jérusalem et à des Athéniens ! De la même manière, la présentation de l’Évangile par les missionnaires de notre époque, partout autour du monde, est modulée en fonction de la culture à laquelle il est adressé, et notre culture environnante ne fait pas exception. Alors, vous qui voulez partager l’Évangile, connaissez-vous la vision du monde de ceux qui vous entourent ?

Pour vous guider, je vous donne ici une liste des questions auxquelles toute vision du monde doit être en mesure de fournir une réponse. Je les ai divisées en cinq grandes catégories : les questions à propos de la CONNAISSANCE, de l’ORIGINE, du SENS, de la MORALITÉ et de la DESTINÉE. Évidemment, chacune des questions se décline en plusieurs autres, comme ceci :


CONNAISSANCE

– Comment est-ce que je sais ce que je sais ?
– Quelles sont les sources de connaissance qui sont fiables ?
– Comment puis-je affirmer qu’une chose est vraie ?

ORIGINE

– Pourquoi est-ce que quelque chose existe plutôt que rien du tout ?
– D’où vient l’univers ? la vie ? l’humanité ?
– Est-ce que nous sommes la création d’un Dieu ? Si oui, qui est ce Dieu ?
– Quelle est notre nature ? Avons-nous une âme ? Sommes-nous uniquement de la matière ?
– Sommes-nous libres ?
– Quel est notre rapport avec le monde ? avec les animaux ? avec Dieu ?

SENS

– Quel est le sens de la vie ?
– Quel est le sens de MA vie ? Comment est-ce que je le trouve ?
– Quel est le sens de l’histoire ?
– Si ma vie a un but, est-il possible à atteindre ?

MORALITÉ

– Y a-t-il une distinction entre le Bien et le Mal ? Quelle est-elle ?
– Le Bien et le Mal sont-ils absolus ou relatifs à l’individu ou aux cultures ?
– Est-ce que j’ai une raison de chercher à faire le Bien plutôt que le Mal ?
– Est-ce que je suis redevable à quelqu’un pour mes actions ?
– L’humain a-t-il une valeur ? D’où vient-elle ?
– Comment est-ce que j’établis la hiérarchie de mes valeurs morales ?

DESTINÉE

– Qu’est-ce qui arrive après la mort ? Est-ce un point terminal pour l’existence ?
– Qu’arrive-t-il à mon âme (si j’en ai une) au moment de ma mort ?
– Est-ce que mes actions pendant ma vie vont avoir un impact sur mon existence après ma mort ? Si oui, lequel ?

D’un auteur à l’autre, la liste des questions varie, mais en gros, on comprend qu’une vision du monde doit pouvoir répondre aux questions existentielles que l’être humaine se pose. La réponse que l’on donne à ces questions va, consciemment ou inconsciemment, influencer chacune de nos actions. On ne gère pas son argent de la même manière si l’on croit qu’il nous appartient et que nous en pouvons en disposer selon nos désirs, ou si l’on croit qu’il nous est prêté par Dieu et que nous devons en disposer selon sa volonté. On ne choisit pas son parcours de vie de la même manière si l’on croit que la vie a un sens profond, ou si l’on croit qu’elle est fondamentalement absurde. On n’agit pas envers les humains de la même manière selon qu’on les croit tous créés à l’image de Dieu sans exception, ou bien qu’on les croit être les fruits d’un processus naturel se réduisant au hasard. De même, comme j’ai discuté dans la partie précédente, on n’agit pas de la même manière si l’on croit que l’humain est libre, ou si l’on croit qu’il est complètement déterminé. Chacune de nos croyances va influencer profondément notre manière d’agir.

Une autre chose qu’il est important de réaliser, c’est que toutes les réponses que l’on donne aux questions énumérées ci-dessus sont ultimement des objets de croyance. Même s’il peut avoir de très bonnes raisons de croire que Dieu existe, le chrétien ne peut pas prouver son existence hors de tout doute. De la même manière, l’athée ne peut prouver que Dieu n’existe pas, et ce même s’il juge qu’il a de très bonnes raisons de le croire. Il en va de même pour toutes les questions de la liste : on peut avoir de très bonnes raisons d’adopter une croyance plutôt qu’une autre, mais notre vision du monde, qu’elle soit chrétienne, musulmane, athée ou autre, est ultimement un ensemble de croyances.

Ainsi, quand vous rencontrez une personne qui vous dit fièrement qu’elle n’a pas de croyances et qu’elle n’accepte que la connaissance objective, sortez la liste de questions que vous venez de lire, et demandez-lui de prouver sa réponse à n’importe laquelle d’entre elles : vous réaliserez que nous devons admettre notre impuissance à tout démontrer assez rapidement, et que nous adoptons nos croyances de bien d’autres manières que par la « connaissance objective » !

Avant de passer à la prochaine partie, prenez le temps de répondre à mes deux questions au début du texte ! Et pour ceux qui comprennent l’anglais, je recommande l’écoute de cette conférence de James W. Sire (l’auteur du livre The Universe Next Door : A Basic Worldview Catalog, dont j’ai parlé dans la partie précédente), qui explique en quoi chacun de nous adhère à bien plus de croyances que ce que nous pensons :

À la découverte des « visions du monde » (partie 1)

Chaque fois que l’on me demande d’expliquer ce qu’est une vision du monde (et surtout, à quoi ça sert et pourquoi on devrait s’en préoccuper), la première image qui me vient en tête est la scène que vous voyez sur la photo ci-dessus, qui a eu lieu un jour d’octobre à Katmandou où j’ai eu la surprise et le privilège de découvrir les sâdhu, ces hommes saints de l’hindouisme, et leur mode de vie on ne peut plus éloigné du mien, moi le « Québécois techno », baptisé environ un an auparavant dans l’océan Pacifique. Nous avions beau, mon ami et moi, être assis l’un à côté de l’autre le temps d’une prise de photo, je n’exagère pas en disant que lui et moi étions en même temps à des années-lumière de distance, et je dirais même, pour illustrer mon propos d’aujourd’hui, que nous habitions deux univers différents[1]. Lui et moi voyons Dieu, l’humain, la société, la vie et la mort de manières fondamentalement différentes, et il va sans dire que notre manière de voir les choses, notre « vision du monde », influence nos vies de façons bien différentes aussi. Une semaine dans la vie de ce sâdhu n’a rien à voir avec une semaine dans ma vie.

Quand on cherche à discuter de la foi chrétienne ou des croyances (religieuses ou non) à notre époque, la notion de vision du monde est l’un des premiers « outils » qui sont importants à maîtriser, puisque c’est un peu l’équivalent d’un ensemble de tournevis : c’est un outil essentiel, et une fois qu’on l’a, on l’emploie constamment. C’est une notion à laquelle on va faire appel encore et encore pour mieux comprendre nos échanges avec autrui à propos de nos croyances et des leurs. D’ailleurs, une vision du monde, vous en avez une, ainsi que chacune des personnes que vous avez croisées cette semaine !

Mais qu’est-ce qu’une vision du monde au juste ? Chaque auteur qui a écrit à ce sujet-là a proposé sa propre définition[2], et celle que je vais employer dans cette série d’articles est une définition retravaillée par moi-même à partir de plusieurs sources. Voici donc :

Une « vision du monde » est un ensemble de croyances à propos du monde, de Dieu, des humains, du Bien et du Mal, à l’aide duquel je fais du sens de la réalité dans laquelle je vis, et qui me fournit une base pour ma façon d’être, d’agir et de comprendre mes actions.

Dans les prochaines parties de la série, je vais m’attarder (1) aux questions auxquelles doit répondre une vision du monde, (2) aux tests qu’une vision du monde doit pouvoir passer avec succès, (3) à la manière dont on peut comparer des visions du monde et (4) aux façons dont on peut employer cette notion-là dans nos discussions avec autrui à propos de leurs croyances et des nôtres. Mais pour l’instant, je veux revenir sur la définition que je viens de présenter.

Pour vous montrer à quel point des croyances différentes peuvent affecter profondément notre manière de penser et d’agir, considérez une minute les deux croyances suivantes :

1.  Dieu existe.
2.  L’humain est libre.

Maintenant, considérez quatre personnes qui adhèrent à ces deux croyances-là de manières différentes :

Personne A : « Dieu existe et l’humain est libre. »
Personne B : « Dieu existe et l’humain n’est pas libre. »
Personne C : « Dieu n’existe pas et l’humain est libre. »
Personne D : « Dieu n’existe pas et l’humain n’est pas libre. »

Évidemment, une personne n’a pas seulement deux croyances, mais je veux montrer, à l’aide de cet exemple, à quel point des différences au niveau de deux croyances uniquement peuvent avoir un impact profond sur la vie et les actions d’une personne. La personne A, pour qui Dieu existe et l’homme est libre, a des croyances qui vont entraîner un sentiment généralisé d’espérance. Si elle conçoit Dieu comme un être qui aime sa Création et en prend soin, elle peut avoir confiance que le cours des événements est réglé de manière à ce que la volonté de Dieu s’accomplisse. Même si elle observe que les actions libres de l’homme entraînent souvent une grande souffrance, la présence et l’action de Dieu lui donnent espoir que le sort final de l’humanité ne dépend pas uniquement des actions de celle-ci : il y a aurait, par exemple, espoir d’un exercice ultime de justice pour les millions de personnes qui sont mortes dans des situations de grande injustice. La foi chrétienne se rapproche beaucoup de cette première vision du monde, puisqu’elle admet l’existence de Dieu et la bonté divine, tout en accordant à l’homme une certaine liberté et un certaine responsabilité par rapport à ses actions (bien que le degré de liberté varie selon les traditions de différentes dénominations).

En ce qui concerne la personne B, Dieu existe et l’homme n’est pas libre. Le sort de l’homme dépend donc entièrement de la nature de Dieu. S’il est conçu comme étant un être bon se préoccupant de sa Création, juste, puissant et sage, cette vision du monde peut être une source d’optimisme, d’espérance et de résignation, l’humain se trouvant à être un instrument dans les mains de son Créateur, agissant de la manière dont il a été déterminé à le faire. L’optimisme ou le pessimisme de l’homme seraient justifiés par la conception de Dieu de celui-ci. On retrouve dans l’hindouisme et dans l’islam des éléments qui les rapprochent de ce type de vision du monde. Jean Calvin, Thomas Hobbes, Jonathan Edwards et plus près de nous, John Piper, bien qu’ils admettent une certaine notion de liberté, ont des idées qui se rapprochent aussi de ce type de vision du monde.

La personne C, elle, pour qui Dieu n’existe pas et l’homme est libre, possède une vision du monde dans laquelle l’espoir de l’humanité en toutes choses repose complètement sur l’humanité elle-même. S’il y a des valeurs dans le monde, celles-ci doivent être définies par l’homme. S’il y a un espoir de justice, ou un sens à la vie, ceux-ci dépendent de l’homme aussi. On peut imaginer facilement qu’une telle vision du monde encourage l’humanité à contrôler chaque aspect de son environnement, de manière à créer une société et un monde idéaux assurant le bonheur de tous. La vision du monde de la personne B est de grand intérêt, car elle ressemble à celle de plusieurs personnes de nos jours, et résulte en partie des révolutions scientifiques et technologiques que nous avons traversées. L’humanisme séculier contemporain, dont j’aurai l’occasion de discuter plus amplement dans un article ultérieur, correspond à ce type de vision du monde.

Finalement, dans la perspective de la personne D, Dieu n’existe pas et l’humain n’est pas libre, ce qui ne laisse l’humanité qu’avec peu d’espoir. Les actions humaines sont déterminées par certaines lois naturelles inexorables et indifférentes par rapport au sort ou au bien-être de l’humanité. Dans une telle vision du monde, la nature est active et prédominante, et l’humanité est un de ses produits les plus récents. Cette vision du monde, qui constitue une sorte de naturalisme alimenté d’un désespoir en les capacités humaines à entraîner un véritable changement des choses, peut aisément devenir une source de cynisme ou d’hédonisme, ou encore entraîner un rejet existentiel du naturalisme au profit d’une autre vision du monde. Bien qu’il se présente comme un humaniste prônant la capacité de l’humain à amener un changement véritable à l’ordre des choses, certains passages des oeuvres de Richard Dawkins le rapprochent de ce type de vision du monde[3].

Cet exemple fait réaliser à quel point des différences au niveau de deux croyances peuvent entraîner des perspectives et des façons de voir la vie complètement différentes, et qui vont amener les gens qui tiennent ces croyances à agir avec des motivations profondément différentes aussi. Les quatre personnes données en exemple peuvent toutes donner de l’argent aux pauvres, mais elles le feront, ultimement, pour des raisons différentes qui donnent un sens différent à leurs actions.

Mon prochain article présentera les différentes questions auxquelles une vision du monde doit répondre, et j’en profiterai pour mettre en parallèle différentes réponses à ces questions que l’on retrouve à notre époque.

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Pour ceux qui voudraient aller plus loin, je recommande l’une ou l’autre des ressources suivantes :

Livres :

  • CRAIG, W. L. et MORELAND, J. P. Philosophical Foundations for a Christian Worldview, Downers Grove, InterVarsity Press, 2003, 653 p.
  • MORIN, Jean-Sébastien. Nous croyons en dieu la foi évangélique pour tous, Longueuil, Éditions Ministères multilingues, 2009, 189 p.
  • SIRE, James W. The Universe Next Door: A Basic Worldview Catalog, 5th ed., Downers Grove, InterVarsity Press, 293 p.
  • SIRE, James W. Naming the Elephant: Worldview as a Concept, Downers Grove, InterVarsity Press, 2004, 163 p.
  • ZACHARIAS, Ravi. Jesus Among Other Gods: The Absolute Claims Of The Christian Message, 2nd ed., Nashville, Thomas Nelson, 2002, 208 p. (une traduction française de ce livre est disponible en format électronique sur Amazon).

Ressources en ligne :

  • Be Thinking : une banque d’articles très intéressants, classés par thèmes, et qui fournissent des ressources pour mieux comprendre la foi chrétienne et le regard qu’elle porte sur les croyances du monde qui nous entoure. (lien 1 ; lien 2 ; lien 3)
  • Reasonable Faith : un site Web dirigé par le philosophe chrétien William Lane Craig, et qui propose une foule d’articles, de débats et d’émissions (en format .mp3) à propos de la foi chrétienne et de son contact avec le monde d’aujourd’hui. William Lane Craig est un des auteurs dont je recommande fortement la découverte.
  • Ravi Zacharias International Ministries : comme William Lane Craig, Ravi Zacharias est fortement engagé dans la réflexion à propos de la vision du monde chrétienne, et de son contact avec les autres visions du monde d’ici et d’ailleurs. L’émission Let My People Think est disponible gratuitement en format .mp3. (lien 1 ; lien 2 ; lien 3)
  • Harvard Veritas Forum : le Veritas Forum rassemble des penseurs (chrétiens ou non) qui discutent des enjeux concernant la foi chrétienne et le 21e siècle. Pour ceux d’entre vous qui fréquentent l’université, cette ressource alimentera sûrement plusieurs de vos conversations. (lien 1 ; lien 2 ; lien 3)
  • An Evangelical Manifesto : le manifeste évangélique fournit une description assez universelle de ce qu’est la foi chrétienne évangélique de notre époque, en Occident et ailleurs.
  • Humanist Manifesto : le manifeste humaniste de la American Humanist Association est un très bon texte pour comprendre les croyances d’une des visions du monde les plus répandues en Occident à notre époque.

[1] James W. Sire emploie l’analogie des univers différents pour faire sa présentation de la notion de « vision du monde », ainsi que pour discuter des principales visions du monde que l’on retrouve à notre époque en Occident. Je recommande fortement la lecture de son ouvrage (qui n’est malheureusement pas traduit en français pour l’instant). Voir SIRE, James W. The Universe Next Door: A Basic Worldview Catalog, 5th ed., Downers Grove, InterVarsity Press, 293 p.

 

[2] Ronald B. Nash, dans son cours sur l’analyse des visions du monde (biblicaltraining.org), donne cette définition : « Une ‘vision du monde’ est un schème conceptuel qui contient nos croyances fondamentales. C’est aussi le moyen par lequel nous interprétons et jugeons la réalité. » Ce type de définition est courante, mais elle peut donner l’impression qu’une vision du monde n’est qu’un outil d’interprétation de la réalité, sans lien nécessaire avec l’action humaine. Mais une définition adéquate doit inclure davantage qu’une référence à un ensemble de croyances : elle doit indiquer clairement que ces croyances sont engagées, consciemment ou inconsciemment, dans les actions de l’individu qui la tient. C’est pourquoi l’impact pratique de chaque vision du monde sera un des éléments sur lesquels je mettrai l’accent dans cette série.

Une autre définition, celle-ci de James W. Sire, se montre plus satisfaisante à cet égard : « Une  vision  du  monde  est  un  engagement,  une orientation  profonde  du  coeur,  qui  peut  être  exprimée sous  la  forme  d’une  histoire  ou  d’un  ensemble  de présuppositions,  que  l’on  accepte  à  propos  de  la conception de la réalité, et nous fournissent la fondation sur laquelle on vit, on agit et on existe. » J’amène deux nuances à cette définition par contre : (1) pour être exprimable, une vision du monde DOIT être présentée sous la forme d’un ensemble de propositions ou d’une histoire (et non se résumer à un « élan du coeur ») et (2) les propositions qui font partie de cet ensemble vont bien souvent prendre la forme de croyances justifiées, et non pas simplement de présuppositions.

 

[3] Un des passages en question se trouve dans DAWKINS, Richard. A River Out of Eden : A Darwinian View of Life, New York, Basic Books, 2008 (reproduction de l’édition de 1995), pp. 112-113. J’en propose ici une traduction libre : « Dans un univers de forces physiques aveugles et de duplication de gênes, certaines personnes vont se faire blesser, d’autres personnes vont être chanceuses, et vous n’allez pas trouver ni de rime ou de raison pour ça, ni aucune justice. L’univers que nous observons a exactement les propriétés que nous devrions attendre si, au fond de tout, il n’y a aucun plan, aucune raison, aucun mal et aucun bien, rien d’autre que de l’indifférence sans pitié. […] L’ADN ne connaît rien et ne se préoccupe pas de rien. L’ADN est, tout simplement. Et nous dansons au son de sa musique. »

Est-il rationnel de croire en Dieu sans avoir un (bon) argument?

L’intérêt principal d’un Apologète chrétien consiste en général à établir que le christianisme est vrai, c’est à dire, qu’il est vrai que Dieu existe, qu’il a créé l’univers, et qu’il s’est révélé spécialement à sa création à travers la Bible (Ancien et Nouveau Testaments), ultimement pour entrer dans sa création en la personne de Jésus de Nazareth, afin de sauver les hommes de leur péché par sa mort et sa résurrection.

Toutes ces propositions sont essentielles à la vérité du christianisme. Mais, qu’elles soient vraies ou pas, ces propositions importantes présentent une autre question pour le penseur chrétien: est il ‘raisonnable’ de les croire vraies? Est-il raisonnable de croire que Dieu existe, qu’il a créé l’univers, etc…?

Il se pourrait très bien que même si ces protableaupositions s’avéraient être vraies, personne ne pourrait réellement le savoir ou être rationnellement justifié dans ces croyances. En conséquence, le sceptique se voit souvent demander des arguments. Il demande que le Chrétien fasse plus qu’énoncer sa croyance en Dieu, et qu’il offre des arguments logiques pour soutenir rationnellement ses croyances. Ce souci fait l’objet d’un argument déductif contre la rationalité de la foi chrétienne, formulé plus ou moins comme cela:

Prémisse 1 – Il n’est rationnel de croire une proposition p que si l’on possède un argument (ou une preuve) en faveur de p

Prémisse 2 – Il n’y a pas d’argument ou de preuve en faveur du christianisme

Conclusion 3 – Par conséquent, il n’est pas rationnel de croire au christianisme.

Cet argument est valide logiquement, c’est à dire que si les deux prémisses sont vraies, sa conclusion s’ensuit logiquement, et le Christianisme est prouvé irrationnel (à défaut d’être prouvé faux, quoi que ces deux problèmes ne soient pas incompatibles).

Le problème de cet argument, cela dit, c’est que non-seulement il n’est pas établi que ses deux prémisses soient vraies, mais ces deux-ci sont même toutes les deux fausses!

La prémisse 2 prétend qu’il n’y a pas d’argument ou de preuve en faveur du christianisme. C’est une croyance malheureusement très populaire à la limite du slogan, répété ad-nauseam par une culture fondamentalement séculière, mais il témoigne d’une ignorance profonde de la discipline de l’apologétique chrétienne. Il se trouve qu’il y a de nombreux et excellents arguments logiques défendus par des philosophes parfaitement compétents (anciens et contemporains) en faveur des croyances fondamentales du christianisme énoncées ci-dessus: l’argument cosmologique, l’argument téléologique, l’argument moral, l’argument ontologique, l’argument transcendant, etc.. Ces différents arguments feront sans doute l’objet d’autre postes sur ce site, et donc leur défense n’est pas le but du présent article. Ils sont listés ici uniquement afin de challenger en principe la prémisse 2 de l’argument ci-dessus, comme étant tout au moins présomptueuse, si ce n’est prouvée fausse.

Notre intérêt pour l’heure, en revanche, se situe autour de la prémisse 1: est il vrai qu’il n’est rationnel de croire une proposition que si l’on possède un argument (ou une preuve) en sa faveur?

Ma réponse est non. Tout d’abord, cette prémisse ne nouscercle-vicieux est pas démontrée de manière indépendante. Que dirait le sceptique pour établir de manière non-circulaire que la prémisse 1 est vraie? Il n’y a pas grand-chose à dire en sa faveur. C’est déjà un problème, certes. Mais de manière plus fondamentale, cette prémisse n’est pas juste infondée, elle se trouve être démontrablement fausse, et ce pour deux raisons relativement imparables.

Tout d’abord, elle est prouvée fausse par l’existence d’une multitude de contre-exemples relativement unanimes. Il y a un grand nombre de propositions diverses et variées en faveur desquelles nous n’avons pas de bon argument (pour certaines, un tel argument serait même tout bonnement impossible), mais qui pourtant sont parfaitement raisonnables, et tout individu en possession de ses facultés rationnelles peut être justifié en les croyant vraies. Ce genre de croyance a été nommé “proprement basique” par les philosophes qui travaillent dans la discipline de l’épistémologie (la science qui s’intéresse à la connaissance, ou “comment sais-ton ce que l’on sait?”) Ce sont des croyances que l’on accepte naturellement, plus ou moins comme points de départ, ou fondation rationnelle pour d’autres croyances, et qui sont tout à fait raisonnables à adopter même en l’absence d’arguments en leur faveur. Voici au moins 4 exemples de familles de propositions qui ont été suggérées comme bon candidats pour une telle croyance “proprement basique”:

1- Les lois de la logique. Ces lois, incluant la loi de l’identité, la loi de non-contradiction, la loi du milieu exclu, les lois d’inférence logiques (modus ponens, modus tollens, syllogisme disjonctif, syllogisme hypothétique, etc..) sont toutes absolument fondamentales pour toute discussion rationnelle dans quelque discipline que ce soit. Elles sont non-seulement raisonnables elles-mêmes, mais elles sont même la fondation de toute rationalité. Et pourtant, il n’y a pas d’argument qui établisse leur vérité indépendamment. Un tel argument serait tout bonnement impossible, étant donné qu’un argument présuppose la logique: un argument présupposerait donc ce qu’on souhaiterait ici établir. Les lois de la logique sont donc un excellent exemple de proposition non-prouvée (même impossible à prouver) par un argument, et pourtant on ne peut plus raisonnable.

2- Les vérités métaphysiques (ou ontologiques)

Ces vérités, telles qmatrixue “Le monde extérieur existe vraiment”, ou “il y a d’autres âmes que moi”, ou “le passé est réel, l’univers n’est pas apparu il y a une minute avec une apparence d’âge”, sont toutes proprement basiques. Encore une fois, elles ne sont pas prouvables par arguments. Il est impossible de prouver que le monde extérieur existe, démontrant que je ne suis pas un cerveau dans un bocal stimulé par un savant fou, ou bien juste un corps dans la Matrice, stimulé pour penser que le monde virtuel que j’appréhende est vrai. Ma croyance proprement basique dans le fait que le monde extérieur existe vraiment n’est pas prouvable par argument, mais elle est des plus raisonnables.

3- Les vérités d’éthique, ou de morale

Les propositions exprimant la moralité objective (ou l’immoralité objective) de certaines actions sont également probablement proprement basiques. Les propositions “il est objectivement immoral de torturer un enfant pour le plaisir”, ou “il est objectivement immoral d’exterminer les juifs et les gitans”, ou “il est objectivement immoral d’être raciste” sont des propositions plausiblement vraies, et il est impossible de prouver par un argument indépendant que les immoralités qu’elles communiquent ne sont pas en fait subjectives, juste une question de préférences personnelles, telles que “Une glace au chocolat est meilleure qu’une glace à la vanille”. Les vérités objectives de ces propositions morales sont perçues directement, basiquement dans le contexte de l’expérience morale humaine, et il n’y a pas plus de raison de douter de leur vérité objective, qu’il n’y a de raisons de douter de l’existence du monde physique que l’on perçoit proprement, basiquement par nos 5 sens. Ces vérités d’éthique, pour ceux qui les croient, constituent donc un autre contre-exemple pour la prémisse 1 ci-dessus.

4- Les vérités d’esthétique.

Le beau et le moche, tout comme le bien et le mal, sont des considérations plausiblement basiques. Leur vérité objective est évidemment une matière de controverse, particulièrement disputée entre les théistes et les athées, mais s’il existe des jugement esthétiques objectifs (ou au moins si certains d’entre eux sont objectifs), alors notre connaissance de leur vérité est aussi proprement basique.

Si ne serait-ce qu’une seule de ces 4 catégories de vérités proprement basiques s’avère être telle, alors la prémisse 1 ci-dessus sera réfutée: il sera prouvé faux qu’un argument ou preuve est nécessaire pour croire rationnellement une proposition.

Mais plus fondamentalement, la deuxième raison de rejeter la prémisse 1 de l’argument ci-dessus est encore plus affligeante, et pour cause: la prémisse 1 se réfute elle même!

Elle annonce qu’il n’est pas raisonnable de croire une proposition sans avoir un argument ou preuve en sa faveur. Mais existe-t-il un argument ou preuve en sa faveur à elle? Pas du tout. Elle énonce un standard épistémologique purement arbitraire, sans justification, et un qui comme expliqué ci-dessus, s’avère être particulièrement mauvais. De ces considérations, il s’ensuit que la prémisse 1, par son propre standard, n’est pas raisonnable. A la bonne heure!

Par conséquent, quelque soit le statut de la prémisse 2, la prémisse 1 ayant été prouvée fausse, l’argument ci-dessus tentant d’établir que le christianisme n’est pas raisonnable, se trouve réfuté.

Alors évidemment, il ne s’ensuit pas que le christianisme est par là prouvé cross_fieldvrai ou raisonnable. La question reste à poser: est-ce que le Christianisme est effectivement proprement basique, de la même manière que les propositions offertes ci-dessus? C’est une affirmation forte d’un bon nombre de philosophes chrétiens, qui affirment qu’il est possible de croire (et d’être justifié rationnellement! en croyant) en Dieu, non pas sur la base d’un argument purement logique, mais sur la base d’une expérience immédiate du Dieu vivant, dont l’Esprit Saint témoigne directement à notre esprit, de la vérité du christianisme: que Dieu existe, qu’il s’est révélé en la personne de Jésus, et que par la foi en lui, nous recevons le pardon gratuit de nos péchés: “Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ” (Romains 5:1) Cette position est tout à fait compatible avec la conviction qu’il y a bel et bien d’excellents arguments convaincants en faveur du christianisme, mais si ces croyances sont également proprement basiques, alors ces arguments ne sont que la cerise sur le gâteau épistémologique d’une croyance bien raisonnable en un Dieu qui se révèle à ceux qui le cherchent. “Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre coeur” (Jérémie 29:13).

 

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Note: pour aller plus loin dans les sujets abordés par cet article, vous pouvez par example consulter le travail de William Lane Craig pour une défense des arguments traditionnels en faveur du christianisme, ainsi que son exposition des types de propositions proprement basiques énoncées ci-dessus; et pour une défense de la croyance en Dieu de manière proprement basique, consultez Alvin Plantinga, et son travail sur la notion de ‘Warrant’, ainsi que sa réfutation du “fondationnalisme classique”