Nouvelles de l’Association Axiome: Nouveau Directeur et Président

L’Association Axiome a été fondée en 2012 par David Haines et Dominique Monosiet. Après que David Haines ait piloté l’Association dans ses premières années, un comité exécutif a été mis sur pied en 2016, composé de David Haines, de Jean-Luc Lefebvre et de Guillaume Bignon. L’Association Axiome est avant tout un groupe francophone d’universitaires chrétiens. Son objectif? Pourvoir aux églises locales des conférenciers et des consultants experts. Nous voulons épauler l’Église dans l’évangélisation et la formation de disciples; faire avancer l’érudition chrétienne dans la francophonie; offrir une tribune aux érudits chrétiens; et affermir la foi des jeunes croyants francophones en démontrant le bien-fondé de leur foi, tout cela en vue d’avoir un impact sur la culture francophone. Nous nous mettons à la disposition des chrétiens pour répondre aux questions des croyants et des non-croyants.


Nous vous annonçons aujourd’hui un changement de garde : cette année, le comité exécutif de l’Association Axiome a élu Jean-Luc Lefebvre à titre de directeur et président du comité exécutif.


Quelques mots sur M. Lefebvre : il est conférencier en apologétique chrétienne depuis le début des années 2000. Il se spécialise en christologie et en défense de la résurrection. Après l’obtention d’un baccalauréat de l’UQTR, M. Lefebvre étudie à la maîtrise en théologie à l’Université Laval et en théologie/counseling biblique à SEMBEQ. Au cours des dernières années, M. Lefebvre a étudié l’évangile de Jean, la prédication de l’évangile et l’eschatologie. Il s’intéresse particulièrement à la théologie biblique et l’intertextualité, la résurrection, la création de l’univers, et l’existence de Dieu. Il a agi à titre de modérateur lors de débats et de conférences sur l’apologétique depuis les débuts de l’Association Axiome. Il a publié dans la Revue Théologique SEMBEQ.

Grâce à sa ferveur pour l’apologétique chrétienne à son expertise en théologie biblique, nous sommes confiants que M. Lefebvre dirigera l’Association Axiome dans l’atteindre ses deux principaux objectifs : 1) rassembler des universitaires protestants francophones en les encourageant dans l’excellence dans leurs domaines d’expertise; et 2) servir les églises francophones dans l’articulation et défense de l’évangile.

Comment évaluer les connexions intertextuelles au sein du canon biblique ?

Je m’intéresse de longue date à l’intertextualité, ou plutôt à “l’exégèse intra-biblique” pour reprendre l’appellation proposée initialement par Michael Fishbane dans sa monographie pionnière, Biblical Interpretation in Ancient Israel. L’un des aspects de ma thèse de doctorat consiste à analyser les relations textuelles qui unissent Esaïe 24-27, une section parfois appelée “L’apocalypse d’Esaïe”, aux onze premiers chapitres de la Genèse, la fameuse “Histoire des origines”.

CONSULTEZ >>Comment interpréter l’Histoire des origines ?


Dans le cadre de ma thèse, j’ai été amené à developper une méthode d’analyse des connexions littéraires qui lient différents textes canoniques. Cette méthodologie, légèrement modifiée, vient d’être publiée dans le numéro 289 de La Revue Réformée. L’objectif de cet article est de proposer une méthodologie permettant d’identifier les points de connexion qui lient les textes canoniques entre eux et d’évaluer comment de tels procédés littéraires en affectent le sens.

Merci à Jean-Philippe Bru et au comité d’édition de la revue de m’autoriser à diffuser cet article par voie numérique, merci à Élodie Bourin pour la traduction de larges portions de ma thèse pour les besoins de ce projet, et merci à Florent Varak, Daniel Saglietto, et Gaétan Brassard pour leur relecture attentive et leurs remarques utiles.

>> Pour consulter cet article, visitez ma page Academia




Une déclaration étrange après la résurrection (partie 2 suite): Les témoins de Jéhovah et Jean 20.28 

« Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jean 20.28)

Probablement dans votre entourage, vos connaissances, ou quelqu’un au travail, est Témoins de Jéhovah. Nous savons que les Témoins de Jéhovah n’ont pas la même conception de Jésus que nous pouvons l’avoir, nous chrétiens évangéliques. Ils doivent eux aussi interpréter ce passage (Jn 20.28) et en offrir une explication conforme avec leur compréhension de Jésus. Prendre ce verset pour ce qu’il déclare est extrêmement difficile pour eux, car ils croient au mieux que Jésus est une divinité de « second rang », comme on le verra. Enfin, ils donnent quelques explications pour harmoniser avec ce qu’ils croient :

  1. C’est une exclamation de surprise.

« Mon Seigneur ! Mon Dieu! » Il serait surprenant que ce texte s’interprète de cette façon. La première réponse de Thomas serait de nature blasphématoire et vulgaire. Nous savons que chaque culture a ses expressions grossières qui leur sont propres  et ici c’est ce que Thomas ferait. Ce serait invraisemblable pour au moins trois raisons :

  1. Parce que Thomas est un juif dévoué et le mot « Dieu » vient avec son bagage juif de considération.
  2. Même si cela était possible, cette interprétation tombe en considérant le mot « et », qui la rend ridicule.
  3. Advenant que ce soit le cas, cela voudrait dire que Jésus accepte l’adoration de Thomas.

Cette première tentative est plus qu’improbable, car elle ne tient pas en compte du contexte propre au texte, ainsi qu’au judaïsme de l’époque. Elle est plutôt une tentative d’imposer leur théologie sur le texte, au lieu d’être dirigé par le texte.

  1. Thomas s’adresse à Jésus en termes d’une divinité dans une position exceptionnelle devant Jéhovah.

C’est probablement l’explication la plus courante et la plus développée. Voici en quoi elle consiste dans leur livre Comment raisonner à partir des Écritures, dans la citation intégrale :

« Rien ne s’opposait à ce que Thomas appela Jésus ‘’Dieu’’, si c’est bien là ce qu’il a voulu dire? Cela s’harmoniserait avec un texte des Psaumes que Jésus a cité dans lequel des juges puissants sont qualifiés de ‘’dieu’’. (Jean 10;34, 35, Tob; Ps 82.1-6.) Bien entendu, Jésus occupe une position de loin supérieure à celle de ces hommes. En raison de sa position exceptionnelle vis-à-vis Jéhovah. Jésus est appelé ‘’le dieu fils unique’’ en Jean 1 :18 (MN; voir également GL, CT, VB). Par ailleurs, Essaie 9 :6 le qualifie en termes prophétiques de ‘’dieu puissant’’, mais pas de Dieu Tout-Puissant. Tout cela s’accorde avec le fait que Jésus est décrit comme étant ‘’dieu’’, ou un ‘’être divin’’, en Jean 1 :1 (MN, CE). »[1]

Il y a plusieurs éléments à considérer dans ce paragraphe :

  1. La conception de l’argument : En logique nous appelons cela une pétition de principe. Il nous demande de considérer comme admis ce qui doit être démontré. C’est-à-dire, que la réponse est déjà orientée d’une certaine façon vers la conclusion. Voilà la forme de l’argument :
    1. « Rien ne s’opposait à ce que Thomas appela Jésus ‘’Dieu’’ […]»
    2. « […] si c’est bien là ce qu’il a voulu dire? »
    3. « Cela s’harmoniserait avec […] »

En fait cela s’harmoniserait avec leur propre vision à savoir que Jésus n’est pas Dieu. Mais c’est justement cela qu’il faut démontrer. Le psaume cité en Jean 10.34-35 ne concerne pas Jésus directement. Il s’adresse aux juifs qui jugent Jésus justement parce qu’il s’est fait Dieu (Jn 10.33). Les juifs eux-mêmes reconnaissaient qu’ils se faisaient Dieu, et c’est la raison pour laquelle ils voulaient le lapidé (Jn 10.33).

  1. Ils orientent leur interprétation selon deux versets tirés de l’évangile de Jean, qui est évidemment interprété selon eux comme « Jésus = être divin » (Jn 17.3; 20.17). La démonstration n’en est pas faite. Ils ont simplement commencé en supposant la question résolue, en y trouvant ce qui est déjà déterminé. C’est une orientation théologique tendancieuse. À titre d’exemple, il mentionne que le Fils est qualifié en « […] termes prophétiques de ‘’dieu puissant’’, mais pas de Dieu Tout-Puissant. » Il faut simplement lire le verset au complet pour répondre à cela et y voir qu’il est aussi appelé Père éternel:

« Car un enfant nous est né, Un fils nous est donné, Et la souveraineté (reposera) sur son épaule ; On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix.» (Esaïe 9.5 CL [6])

  1. Il commence dans la reconnaissance que Thomas a appelé Jésus « Dieu » [D majuscule] et que rien ne s’y opposait. Par la suite, dans le texte jamais il est appelé « Dieu », mais bien « dieu » [d minuscule]. Malgré cela, leur Traduction du monde nouveau conserve le « D » majuscule[2], ainsi que leur texte grec interlinéaire.[3]

Il semble que rien ne s’opposait à appeler Jésus « Dieu », à l’exception de leur théologie. Suite à ce paragraphe, immédiatement ils nous annoncent que « le contexte nous aide à tirer les bonnes conclusions. »[4] Voilà qui nous intéresse. Cela commence par un rappel de Jean 17.3 ou Thomas aurait entendu Jésus prier qu’à son Père comme « au seul vrai Dieu ».[5] Ensuite,

« Une fois ressuscité, Jésus avait fait dire à ses apôtres, dont Thomas, qui venait de voir Jésus et de toucher Jésus ressuscité, l’apôtre Jean a déclaré : ‘’[Ces signes] ont été [rapportés] pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.’’ (Jean 20 :31, Tob). Par conséquent, si quelqu’un en était venu à penser, sur la foi des paroles de Thomas, que Jésus lui-même est le ‘’seul vrai Dieu’’ ou ‘’Dieu le Fils’’ au sein de la trinité, il aurait intérêt à reconsidérer la déclaration de Jésus (v.17) et la conclusion très claire que tire l’apôtre Jean. »[6]

Faisons quelques observations encore une fois :

  1. Ils font seulement allusion au contexte du chapitre 20 de Jean, sans les explications contextuelles nécessaires. Le contexte n’est-il pas roi?
  2. Ils font allusion encore une fois à des passages (Jean 17.3) déjà interpréter selon leur théologie. Où est la démonstration? Où sont les autres passages qui parlent explicitement de Thomas dans l’évangile (11.16; 14.5-6) qui établit le portrait de Thomas et de son doute? Nous pourrions faire une tout autre liste qui mentionne la divinité de Jésus et le fait que c’était le motif de mise à mort par la lapidation. D’ailleurs ce motif est explicitement mentionné dans les passages comme Jean 10.33 [cf. motif Jn 8.58; 11.8]. Les Témoins de Jéhovah refusent de voir que Jésus lui-même se faisait Dieu, les juifs eux-mêmes l’ayant compris.
  3. Par conséquent, la conclusion, c’est que si nous ne pensons pas comme eux nous devrions nous interroger et considérer la conclusion de Jean 20.17, 31. Dresser une christologie sur la base de deux versets, sans le contexte, c’est très difficile.

Sans revenir à tout ce que nous avons dit dans l’article précédent[7] sur le contexte du passage, nous devons admettre le caractère très personnel de la confession de Thomas, lui, juif monothéiste du premier siècle. L’évidence textuelle, historique et contextuelle ne va pas dans le sens de la compréhension des témoins de Jéhovah.

Conclusion

En traçant les grandes lignes d’une réponse aux témoins de Jéhovah, j’espère avoir rendu clair mon amour pour eux. Loin de moi l’idée des ridiculisé. Mon désir est de rendre clair l’évangile de Jésus-Christ, la bonne nouvelle de tout ce que Dieu a fait en Jésus-Christ. Cet essai tente donc d’ouvrir une brèche pour questionner les témoins de Jéhovah, mais surtout, les amené dans le texte biblique et non par la compréhension de la société des témoins de Jéhovah. Une compréhension de la divinité de Jésus est certainement nécessaire, et cela commence sans aucun doute dans les textes mêmes de la bible qui nous rapporte les événements entourant la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Le texte est Roi!

En terminant, Jésus disait en Jean 5.39 : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. »

 

 

 

 

 

 

[1] Comment raisonner à partir des Écritures, Watch Tower Bible and Tract society of Pennsylvania, 1986, p.206-207.

[2] Sans entrer dans les détails techniques, il ne respecte pas leur propre règle de grec qui fait mettre un petit « d » à Jean 1.1, 18 [lorsque Dieu est précédé d’un article défini, il faut un grand D, mais pas si l’article n’y est pas]. Il semble que les règles exégétiques sont très sélectives.

[3] The Kingdom interlinear translation of the Greek Scripture: Three bible texts. Watch Tower Bible and Tract society of Pennsylvania and International bible students association, 1985, p.513

[4] Comment raisonner, p.207

[5] Comment raisonner, p.207

[6] Comment raisonner, p.207

[7] https://www.associationaxiome.com/declaration-etrange-apres-resurrection-partie-2/

Qu’est-ce que l’évangile? – Partie 2 (L’évangile est-il tolérant en condamnant?)

Dans l’avant-propos du commentaire « The death of death in the death of Christ » écrit par John Owen, J.I. Packer souligne l’urgence de retrouver l’évangile:

« Sans nous en rendre compte, nous avons, au cours du dernier siècle, troqué l’évangile pour un substitut qui lui ressemble à plusieurs égards, mais qui dans son entité, constitue une notion tout à fait différente. De là tous nos troubles, car le substitut ne peut arriver au même résultat que l’évangile authentique qui a si puissamment fait ses preuves dans le passé.»[1]              

L’observation de Packer est plus que pertinente. Si l’évangile est le fondement de la vie chrétienne et qu’il doit diriger l’église, le ministère, la sainteté, l’évangélisation, l’édification, la discipline et la vie en générale, alors c’est un véritable problème de changer cet évangile. Ce « nouvel évangile »[2] pour reprendre l’expression de Packer, échoue à la transformation du chrétien. Quel est donc le problème? Selon Packer :

« Il n’amène pas les hommes à être centré sur Dieu dans leurs pensées et n’inspire pas la crainte de Dieu à leurs cœurs, car ce n’est pas son but premier. En d’autres termes, la différence entre l’ancien évangile et le nouveau est que ce dernier s’intéresse exclusivement à « aider » l’homme – lui apporter la paix, le réconfort, le bonheur, la satisfaction – et se soucie trop peu de glorifier Dieu. »[3]

Cela met la table pour regarder le contenu de l’évangile dans la lettre de Paul aux Galates. Pourquoi? Parce qu’à la première lecture cette lettre, nous constatons qu’il y a un problème sérieux concernant l’évangile. Rapidement dans la lettre le sujet y est apporté avec un langage unique que Paul n’utilise nulle part ailleurs dans ces écrits. En effet, il y a une damnation attachée à ce sujet (1.9).

A.        Le problème des Galates concernant l’évangile

C’est une épître qui contient un avertissement que nous ne trouvons nulle part ailleurs :

« Mais si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (1.8)

Selon ce verset si nous n’avons pas le bon évangile, nous sommes damnés. Le problème n’est pas seulement que les Galates se sont trompés doctrinalement, mais bien qu’ils se sont détournés de celui qui les « […] a appelés » (1.6) pour passer à un autre évangile. C’est donc un évangile différent de celui prêché par Paul et approuvé des apôtres et par conséquent, ce n’est donc pas l’évangile (1.7)[4].

Le fait que Paul parle d’un « autre » évangile (1.6, 7) ou d’un « évangile différent » (1.8, 9), suggère qu’il y a un contenu à l’évangile. Un contenu tellement important que si nous le manquons nous ne sommes pas seulement dans l’erreur, mais on se détourne de Dieu lui-même. À première vue ce ne semble pas être une bonne nouvelle.

B. L’évangile dans Galates

Quel est donc le contenu de l’évangile, dans le contexte de l’épître aux Galates? Paul souligne un contenu minimum et irréductible commun aux autres écrits du Nouveau Testament[5]. Le langage utilisé par Paul dans son introduction, ainsi que le fait que Paul souligne qu’ils se sont détournés vers un « autre » évangile (1.6), laisse entendre que les versets qui précèdent 1.6 sont déterminants en ce qui concerne le contenu irréductible de l’évangile, car il y fait référence dans le reste de la lettre. La formulation du contenu diverge selon l’auteur, mais nous sommes capables de tracer un contenu minimum. Par exemple, F.F. Bruce souligne deux points[6] :

  1. Que Jésus-Christ s’est donné lui-même pour nos péchés (1.4a)
  2. Et que l’objectif de ce sacrifice était de nous délivrer du présent siècle mauvais (1.4b)

D’un autre côté, D.A. Carson dans un cours sur Galates[7] souligne la compréhension que Paul a de l’évangile en trois points[8] :

  1. Sa mort
  2. Sa résurrection
  3. Un certain point de vue eschatologique qui accomplit quelque chose à la fin par Jésus-Christ

Nous revenons encore à notre résumé[9] de l’évangile: « L’évangile est la bonne nouvelle de tout ce que  Dieu a fait pour nous, par son Fils unique à la croix et la résurrection. »[10] On peut ajouter beaucoup de détail[11], mais jamais moins que cela. Le contenu de l’évangile et le sérieux avertissement adressé par Paul nous font dire que « la croix est la seule voie de salut; aucune autre partie des Écritures ne le dit plus explicitement que l’épître aux Galates. »[12] C’est une déclaration d’exclusivité!

C. L’évangile est-il tolérant en condamnant?

Les religions ne se valent-elles tous pas? Par définition l’évangile en condamnant, n’est-elle pas intolérant? Il vaut la peine de rectifier quelques informations :

1)      Tout système de pensée est implicitement ou explicitement exclusif. Tout système de pensée religieux ou philosophique[13] va se réclamer d’une certaine forme d’exclusivisme.

2)      La tolérance présuppose d’abord qu’il y a au moins quelque chose de négatif (ou de faux) dans la pensée de l’autre. En dénonçant la fausseté d’une pensée (religieuse ou philosophique) nous pourrions croire que c’est intolérant, surtout pour celui qui le reçoit, mais elle peut aussi être la marque du plus grand amour qui soit! D’ailleurs, beaucoup de chrétiens par amour son mort pour annoncer l’évangile, car ils croyaient que le monde courrait à la perdition.

3)      Beaucoup réclament la tolérance par ignorance, par refus de croire, par rejet d’évidences ou par doute. Cela dispense donc de remettre en question ma propre philosophie. Il y a longtemps qu’Henri Poincaré nous disait :

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »

Il faut l’avouer, souvent ceux qui rejettent le christianisme ont raison de nous accuser. Le problème que nous rencontrons souvent de la part des chrétiens, c’est le manque d’amour. D’ailleurs, je pourrais vous raconter plusieurs moments ou moi-même j’en ai manqué. Cependant, le manque d’amour dans la communication n’est pas gage de fausseté. D’ailleurs, Paul, malgré son affirmation percutante, fait preuve d’un grand amour pastoral afin d’éviter la dérive des chrétiens de Galatie. C’est la raison pour laquelle il faut toujours lier vérité et amour.

L’évangile met en lumière nos péchés (souvent considérer condamnant), mais c’est à la fois un message de grâce disponible pour tous ceux qui croient. L’évangile est sérieux et rempli d’amour. Gardons l’équilibre dans la proclamation de la vérité et l’amour exprimé :

« […] mais en disant la vérité avec amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. » (Éphésiens 4.15)


[1] John Owen, La vie par sa mort, Édition SEMBEQ, 2010, p.10.

[2] Ibid., p.10

[3] Ibid., p.10

[4] Le problème ne se limite pas au contenu doctrinal seulement. Car nous agissons en fonction de ce que nous croyons. C’est pour cela que Paul ajoute que la vie chrétienne doit être vécue selon la vérité de l’évangile (2.14).

[5] Malgré que nous devions faire souvent la distinction entre la bonne nouvelle elle-même et sa proclamation, il n’en demeure pas moins que Paul souligne un contenu minimum irréductible, un contenu commun à son utilisation.

[6] F.F. Bruce, The epistle to the Galatians, NIGTC, Eerdmans, 1982, p.33.

[7] D.A. Carson, cours Sembeq : Épître aux Galates (2014).

[8] Dans le contexte de Galates. Voir aussi de façon plus détaillé e1 Corinthiens 15.1-8.

[9] Qu’est-ce que l’évangile, partie 1 : https://www.associationaxiome.com/quest-ce-que-levangile-partie-1/

[10] Ibid.

[11] Entre autres l’espérance que nous avons dans les promesses futures, comme ici dans Galates.

[12] D.A. Carson et Douglas Moo, Introduction au Nouveau Testament, Excelsis, Charols, 2005, p.439.

[13] Même en science. Si nous disons que tout ce que l’on peut connaître provient de la science, je rejette à la fois les systèmes qui y font moins référence ou pas du tout, à tort ou à raison.

Général Tom Lawson: Des propos troublants!

Et si les athées allaient au bout de leur raisonnement!Tom Lawson

Je prends le risque d’écrire cette petite réflexion, qui m’attirera certainement des commentaires, mais c’est quand même magnifique. Cette semaine, le général Tom Lawson a déclaré que les hommes étaient en quelque sorte programmés biologiquement pour avoir des pulsions les poussant à l’inconduite sexuelle. Il s’en est suivi d’une nuée de critiques à son égard, ce qui l’a poussé à faire des excuses.

Nous avons caractérisé sa pensée de plusieurs commentaires :

–          Aberrant, et abruti… on se croirait à l’âge des cavernes…

–          Pensée de l’âge médiévale…

–          Les bonobos ne font pas cela

–          Etc.

C’est intéressant de voir que nous associons la pensée de “programmation biologique” à quelque chose d’archaïque. Je ne peux m’empêcher de souligner deux choses :

1)      Nous louons souvent la pensée de Freud (athée) et de la psychanalyse. Mais ce qu’il disait il y a près de 100 ans, c’est que l’humain est régi par des pulsions inconscientes. Et nous applaudissons cette pensée, encore dans nos universités. Selon lui, l’homme est un animal, pourquoi agirait-il autrement? À moins, qu’il soit différent, mais il ne faut certainement pas dire : à l’image de Dieu… Ça, c’est religieux.

2)      Mon deuxième commentaire est encore plus intéressant. Voici ce que Richard Dawkins dit :

« Si l’univers n’était que des électrons, le problème du mal ou de la souffrance n’existerait pas. Au contraire, si l’univers n’était que des électrons et des « gênes égoïstes […] Un tel univers ne serait ni mal ni bon en intention. Il ne démontrerait aucune intention de quelques sortes que ce soit. Dans un univers de forces physiques aveugles et de la réplication génétique, quelques personnes vont être blessé, d’autres vont être chanceux et on ne s’attendrait pas y voir de sens, ni de justice. L’univers que nous observons a précisément les propriétés dont nous nous attendrions de lui s’il n’y a pas, au fond, de design, de but, pas de bien ni de mal, rien que l’indifférence aveugle et sans pitié. Comme le poète malheureux A.E Housman l’a exprimé : la nature sans cœur, sans raison ne saura rien (de tes troubles) et ne s’en soucierait jamais. L’ADN n’en sait rien et ne s’en soucie pas. L’ADN est, c’est tout. Et nous dansons à sa musique.  »

Ceci est le monde selon Dawkins : une indifférence aveugle, impitoyable, sans but, aucun mal, dansant au son de notre ADN (programmé biologiquement). Et Dawkins fait appel à la science et mentionne que la science n’est pas là pour déterminer ce qui est bien ou mal. Pourtant ce n’est pas au moyen âge, c’est le porte parole des athées.

Malheureusement, lorsqu’il s’agit d’applaudir un philosophe quand elle rejette Dieu, il n’y pas problème. Mais lorsque la même pensée est véhiculée dans un contexte de valeur morale touchant directement nos femmes et le jugement moral des humains, on lève les barricades et immédiatement dénonce le caractère arriéré de cette pensée. Mais voici la triste réalité que les chrétiens nous disent depuis plus de deux millénaires : nous agissons en fonction de ce que nous croyons, pas seulement du fruit des gènes!

Il vaut la peine de souligner le jugement moral qui est posé sur de tel propos. Les chrétiens apportes l’argument moral depuis de nombreuses décennies:

1)      Si Dieu existe, les valeurs  morales objectives existent

2)      Les valeurs morales objectives existent

3)      Donc Dieu existe

Je ferais simplement ce commentaire, sans débattre la validité de l’argument (qui est logique) : Tous ceux qui s’abjectes contre les propos du générale Lawson, vous démontrez par ce comportement que vous vivez en fonction de ces valeurs morales objectives, en vous permettant de les juger. Mais, si les athées allaient au bout de leur raisonnement, je leur pose la question : pourquoi êtes-vous si étonné de voir de tel comportement? C’est justement ce qu’on s’attendrait dans un monde sans Dieu, tel que décrit par vos penseurs.

Mais vous faite bien de dénoncé de tel propos qui sont inacceptables! Reste à reconnaître l’image de Dieu en nous. C’est pour cela que l’on s’indigne de l’offense faite à nos femmes et qu’on s’indigne beaucoup moins quand il s’agit d’une marmotte écraser sur la rue, ou encore de la disparition de nos bélugas. Vous avez beaucoup plus de valeur, car vous êtes plus que des animaux, même si nous partageons le même environnement!

 

« Confusion matérielle » : La matière, l’immatériel, et le matérialisme – Partie 9 de ma critique du « traité d’athéologie » de Michel Onfray

<<< Partie 8

Si aucune critique moderne de la religion n’est complète sans l’allégation usuelle qu’un  soi-disant conflit ouvert existe entre la religion et la science, le traité d’athéologie de Michel Onfray ne fait pas défaut à la règle. Il nous dit, (p.122) qu’ « En matière de science, l’Église se trompe sur tout depuis toujours : en présence d’une vérité épistémologique, elle persécute le découvreur », avec Galilée en « emblématique représentant de la haine de l’Église pour la science et du conflit entre Foi et Raison » (p.125).

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Il ajoute (en p.135) que « Les monothéismes n’aiment pas l’intelligence, les livres, le savoir, la science ». Je note en passant que si les croyants monothéistes sont tels que Michel Onfray nous l’annonçait, des mineurs mentaux, leur dédain de l’intelligence et de la science n’est pas particulièrement surprenant, mais ne revenons pas sur le sujet des insultes personnelles généralisées, et voyons plutôt exactement quelles thèses (scientifiques ou métaphysiques) sont supposées être en conflit avec la religion.

Michel Onfray mentionne les découvertes des grecs, disant que la religion les condamne universellement : « Tourner le dos aux acquis de ces recherches, agir comme si ces trouvailles n’avaient jamais eu lieu, reprendre les choses à zéro, c’est pour le moins stagner, entrer dans un dangereux immobilisme ; pour le pire, pendant que d’autres avancent, reculer à vive allure et se diriger aveuglément vers les ténèbres dont, par essence et par définition, toute civilisation essaie de s’affranchir pour être. Le refus des Lumières caractérise les religions monothéistes : elles chérissent les nuits mentales utiles pour entretenir leurs fables. » (p.121-122) L’accusation est claire : il s’agit d’un obscurantisme obstiné qui refuse d’accepter l’évidence des découvertes scientifiques, anciennes et/ou modernes. Voyons donc quelles preuves Onfray fournit pour étayer cette affirmation.

Il commence par une section importante sur le « matérialisme », dans laquelle il affirme que « l’une des lignes de force de ce tropisme anti-science » est la « condamnation constante et acharnée des hypothèses matérialistes » (p.122). Je n’ai aucune idée de ce qu’il entend par « constante et acharnée », mais oui, le théiste par définition rejette le matérialisme. Le matérialisme est la thèse qui dit que la matière est la seule chose qui existe. Comme Dieu n’est pas fait de matière (Il est immatériel), le théiste, lorsqu’il affirme l’existence de Dieu, s’engage logiquement à dire qu’il existe au moins une entité réelle au delà du monde matériel. La grande majorité des théistes affirment aussi que les personnes humaines ne sont pas que matérielles : elles ont un corps matériel, mais leur âme, ou esprit, locus de leur conscience, est un composant immatériel. Cette thèse, appelée « dualisme », requiert donc aussi un rejet du matérialisme. Jusque là, tout va bien. Le problème est que la section sur le sujet dans le traité d’athéologie est intitulée « Le déni de la matière ». Onfray confond le déni du matérialisme et le déni de la matière. Il comprend bien que l’existence de Dieu ou de l’âme requiert un rejet du matérialisme, car « si tout est composé de matière, l’âme, l’esprit, les dieux le sont aussi » (p.123), mais il ajoute l’affirmation absurde que les monothéismes ont « une forte détestation pour la matière et le réel, donc toute forme d’immanence » (p.135). N’importe quoi. Bien sûr que les chrétiens affirment la matière. Leur affirmation que quelque chose d’autre existe aussi, ne veut évidemment pas dire qu’ils refusent le fait que la matière existe !

Ceci étant, quelles raisons Michel Onfray nous donne-t-il en favmatiereeur du matérialisme ? Il dit que « L’agencement de ces atomes rend compte de la constitution de toute matière, donc du monde » (p. 123). Ce « donc » est injustifié, c’est une pétition de principe, ou raisonnement circulaire. Il présuppose ce qui doit être démontré, à savoir que le monde se réduit à la matière. Il continue : « le matérialisme constitue la bête noire du christianisme depuis les origines. L’Église ne recule devant rien pour discréditer cette philosophie cohérente qui rend absolument compte de tout le réel » (p.123). Encore une fois, la prétendue capacité du matérialisme à rendre absolument compte de tout le réel n’est qu’une affirmation insupportée. Onfray nous dit que le matérialisme est une philosophie « cohérente ». Le problème est que la cohérence n’implique pas la vérité. Les affirmations « Je suis un adulte américain » et « j’ai le droit de voter aux États-Unis » sont cohérentes, mais elles sont toutes deux fausses : je suis français, je n’ai pas le droit de voter aux États-Unis. Lorsqu’Onfray nous dit que l’Église ne « recule devant rien » pour discréditer le matérialisme, je ne sais pas forcément à quoi il fait référence, mais pour ma part, pour discréditer la thèse, j’offre des arguments. J’ai déjà défendu dans cette critique l’argument moral pour l’existence de Dieu, l’argument évolutionnaire de Plantinga contre le naturalisme, certains autres arguments classiques ont été mentionnés tels que l’argument cosmologique, l’argument ontologique, ou les cinq voies de Thomas d’Aquin ; si ne serait-ce qu’un seul de ces arguments est valable, il s’ensuit logiquement que le matérialisme est faux.

Michel Onfray semble penser qu’une des raisons principales de la réjection chrétienne du matérialisme est que cette thèse exclut la transsubstantiation (p.126-129). Personnellement, j’ai déjà affirmé dans une partie précédente que cette doctrine n’était ni chrétienne ni biblique, ce n’est donc pas ma motivation à moi, alors je passe sur la question, et je profite plutôt de l’occasion pour offrir un argument supplémentaire en réfutation du matérialisme, basé sur la loi logique de la non-distinguabilité des identiques. fingerprintCette loi de logique toute simple dit que si deux choses sont identiques, alors toutes les propriétés de l’une sont des propriétés de l’autre. Exemple, « le mari de Katherine Bignon » et « l’auteur de cette critique » sont identiques, et donc tout ce qui est vrai de l’un est vrai de l’autre : le mari de Katherine Bignon s’appelle Guillaume, l’auteur de cette revue s’appelle Guillaume. Le mari de Katherine Bignon mesure 1m94, l’auteur de cette revue mesure 1m94, etc… et si l’on trouvait une seule chose vraie au sujet du mari de Katherine Bignon qui n’est pas vraie au sujet de l’auteur de cette revue, il s’ensuivrait logiquement que ces deux ci ne sont en fait pas identiques après tout. Rien de cela n’est sérieusement disputable. Appliquons alors le principe à la personne humaine : le matérialiste affirme qu’une personne, comme toute autre chose selon lui, est uniquement matérielle ; la personne doit donc être identique avec son corps physique. Le problème c’est qu’il y a un bon nombre de propriétés de la personne qui ne sont pas partagées avec son corps physique : l’intentionnalité, la subjectivité, les émotions, sont toutes des propriétés de la personne, mais ne sont pas des propriétés du corps physique. Quand je suis joyeux, c’est moi qui suis joyeux, ce n’est pas mon cerveau qui est joyeux. Quand je pense à Paris qui me manque, je pense à ce sujet, mais mon cerveau n’a pas cette intentionnalité : un morceau de matière ne peut pas être « au sujet » d’un autre morceau de matière. De même, j’ai conscience d’exister et d’être conscient, ce n’est pas mon corps qui a conscience d’exister. Toutes ces propriétés de la personne qui ne sont pas des propriétés du corps démontrent qu’une personne n’est pas identique à son corps, et donc que le matérialisme est faux. Il ne rend pas compte de tout le réel (indépendamment de l’existence de Dieu).

Michel Onfray discute enfin des conséquences de la question. Quelle différence cela fait-il que le  matérialisme soit vrai ou faux ? De manière surprenante, il dit que la négation du matérialisme mène au désespoir : « L’espoir d’un au-delà, l’aspiration à un arrière-monde génèrent immanquablement le désespoir ici et maintenant » (p.136-137). Mais bien au contraire, le fait que ce monde ne soit pas la fin de toute chose est une condition nécessaire pour justifier l’espoir ultime. titanicAucun chrétien digne du nom ne se dit « j’ai une autre vie dans le futur hors de ce monde, alors je peux gâcher celui-ci ». Au contraire, la vie après la mort, par définition, fournit au chrétien l’espoir que ses actions dans ce monde auront un impact éternel. Alors évidemment, en aucun cas l’espoir chrétien ne démontre par lui seul qu’un autre monde existe bien, mais l’allégation que le rejet du matérialisme mène au désespoir est démontrablement fausse. Au contraire, le désespoir provient du matérialisme et de la mort. Elle est inévitable, il n’y a aucun espoir d’y échapper. Et si la mort est la fin de toutes choses, c’est le grand effaceur qui empêche la vie humaine d’avoir un sens objectif. Quelle différence entre une voie ou une autre dans ce monde s’il est voué à la destruction ? Tout ce qu’on fait alors est semblable à la personne qui réorganise les chaises sur le pont du Titanic. Le projet est futile, car le navire est en train de couler et tout va relativement bientôt être annulé, annihilé.

En conclusion et pour résumer, le matérialisme qu’Onfray suggère être une bonne raison de rejeter le théisme s’avère être : 1-présupposé et non prouvé, 2-réfuté par tous les arguments théistes offerts ou mentionnés jusqu’ici, 3-réfuté par l’existence de l’âme supportée par l’argument sur la non-distinguabilité des identiques, et 4-incompatible avec tout espoir ultime, du fait qu’il exclue la possibilité que nos actions aient des répercutions au delà de nos courtes vies sur cette terre. En bref, le matérialisme n’est effectivement pas une option pour le chrétien, mais ce n’est donc clairement pas une grosse perte, intellectuelle ou existentielle.

Dans la partie suivante, nous regarderons les thèses scientifiques plus précises que Michel Onfray pense être établies par la science moderne et incompatibles avec le christianisme.

>>> Partie 10

Avis de recherche sur les arguments théistes et athées – Partie 2 de ma critique du « traité d’athéologie » de Michel Onfray

<<< Partie 1

On en arrive donc, dans cette critique du « traité d’athéologie », à l’évaluation des arguments qui pèsent sur la question de l’existence de Dieu. Quelles bonnes raisons y a-t-il de penser que Dieu n’existe pas, et quelles bonnes raisons y a-t-il de penser que Dieu existe ? Ces deux questions distinctes sont importantes, car la question « Dieu existe-t-il ? » se répond par « oui » ou par « non », sans juste milieu possible. Le fardeau de la preuve est donc partagé par les théistes et les athées, ces derniers nous devant des arguments négatifs, et ces premiers des arguments positifs.

adam-300x136Dans un traité d’athéologie ayant l’ambition d’offrir un plaidoyer convainquant en faveur de l’athéisme, on s’attendrait ainsi à trouver les éléments suivants : 1-une revue des arguments théistes et leur réfutation montrant qu’il n’y a pas de bonne raison de croire en Dieu, 2-un ou des arguments supportant l’athéisme, et 3-des réponses aux réfutations de ces arguments, par les théistes dans la littérature.

Malheureusement, malgré ses 300 pages, le « traité d’athéologie » ne contient pratiquement aucun de ces trois éléments. Il critique vigoureusement la fiabilité de la Bible, la cohérence de son contenu, les capacités intellectuelles des croyants, le vice et les atrocités accomplies par les croyants au fil des âges, l’existence du Jésus historique, le caractère et les capacités intellectuelles de Paul de Tarse, Constantin, Jérôme, les papes catholiques, le prétendu « christianisme » d’Adolf Hitler, les enseignements perçus comme chrétiens au sujet de la science, de la moralité, de la sexualité, des femmes, de l’esclavage, de la nourriture, de la vie après la mort, etc., mais aucune de ces choses ne pèse sur la question de l’athéisme. Même si absolument toutes ces accusations se trouvaient être vraies—chose que bien entendu je m’apprête à contester dans la suite de cette critique—, il ne s’ensuivrait pas un instant que l’athéisme est vrai. Alors évidemment, ce plaidoyer offert par Michel Onfray requiert une réponse ; après tout, je ne suis pas juste un « théiste », mais bel et bien un « théiste chrétien », et j’ai donc à cœur de défendre la cohérence de mes croyances au delà de l’existence de Dieu. Mais il est ici important de réaliser que si ce livre souhaite offrir ce que sa quatrième de couverture nous annonce, « un athéisme argumenté », c’est un échec presque total.

–Presque.

Il y a néanmoins deux passages qui s’approchent très brièvement des 3 éléments que j’ai demandés ci-dessus, et même une remarque initiale on ne peut plus vraie, et particulièrement encourageante. Cette dernière apparaît lorsque Michel Onfray discute du type d’arguments et des disciplines qui entrent en jeu dans l’évaluation d’une vision du monde : il liste pages 34-35 la psychologie, la métaphysique, l’archéologie, la paléographie, l’histoire, le comparatisme, la mythologie, l’herméneutique, la linguistique, les langues, l’esthétique, et la remarque très encourageante vient alors : « Puis la philosophie, évidemment, car elle paraît la mieux indiquée pour présider aux agencements de toutes ces disciplines. »

—Amen !

Il est rafraichissant d’entendre un athée qui réalise que la philosophie (au meilleur sens du terme : avec sa logique rigoureuse, ses outils pour examiner la cohérence des idées, et détecter les sophismes), est l’outil fondamental qui doit bel et bien « présider » à l’agencement des arguments de toutes les disciplines. Sur ce point, je me trouve de manière enthousiaste dans le camp de Michel Onfray.

Hélas, tandis que la philosophie est reconnue comme discipline maîtresse, aucun des arguments des philosophes théistes n’est évalué et réfuté. Le demi-siècle dernier a vu une réelle renaissance de philosophie analytique chrétienne, et une littérature incroyablement volumineuse a explosé avec des discussions très sérieuses des arguments en faveur de l’existence de Dieu: l’argument de la contingence, l’argument cosmologique de Kalaam, l’argument moral, l’argument ontologique, l’argument téléologique basé sur l’accord fin des constantes de l’univers, l’argument transcendantal basé sur l’existence des lois de la logique, autant d’arguments rationnels qui, si l’athée les trouve peu convaincants, méritent au grand minimum une brève réfutation.

St-Thomas-Aquinas-213x300D’un certain côté, on pourrait pardonner à Michel Onfray d’être ignorant de la littérature moderne majoritairement  anglo-saxonne, expliquant le manque d’interaction avec le travail des champions philosophes chrétiens américains et anglais tels qu’Alvin Plantinga, William Lane Craig, Richard Swinburne, Peter van Inwagen, Robert Adams ou tant d’autres (quoiqu’on pourrait se demander s’il est bien responsable de proclamer l’irrationalité d’une croyance lorsqu’on est ignorant des meilleurs arguments en sa faveur du seul fait qu’ils soient écrits dans la langue de Shakespeare au lieu de celle de Molière), mais Michel Onfray témoigne quand même d’une certaine familiarité avec les arguments classiques. En page 53, il fait une allusion directe aux célèbres « cinq voies » de Thomas d’Aquin et aux arguments classiques qu’il qualifie de « constructions extravagantes bricolées avec des causes incausées, des premiers moteurs immobiles, des idées innées, des harmonies préétablies et autres preuves cosmologiques, ontologiques, ou physico-théologiques… »

Les noms d’arguments importants sont listés explicitement ; quel dommage qu’ils ne soient alors pas réfutés, ou même expliqués ! S’ils ne sont que des « bricolages » extravagants, il aurait été facile de détruire ces bricolages philosophiques ; Michel Onfray ne le fait pas.

Enfin, du côté des arguments en faveur de l’athéisme, c’est le silence presque complet. Le plus près que Michel Onfray s’approche d’un argument athée est en bas de la page 75, où deux phrases nous sont servies comme un geste timide vers l’argument du mal : « Les théistes ont fort à faire en termes de contorsions métaphysiques pour justifier le mal sur la planète tout en affirmant l’existence d’un Dieu à qui rien n’échappe ! Les déistes paraissent moins aveugles, les athées semblent plus lucides. »

Il s’agit de l’argument athée classique du « problème du mal ». Michel Onfray ne le défend pas vraiment, et bien entendu n’interagit pas avec la littérature sur la question ; on aurait aimé une réfutation des « contorsions métaphysiques » offertes par Plantinga, van Inwagen et compagnie, mais au moins il s’agit d’une tentative d’argument athée, alors je dirai quelques mots de plus à son sujet dans la prochaine partie de ma critique, qui traitera des remarques de Michel Onfray sur la moralité (et particulièrement l’immoralité) et sa relation avec le théisme.

>>> Partie 3

Est-il cohérent de maintenir que les athées ‘croient’ en Dieu?

Un des sujets de controverse régulière dans le débat portant sur les “méthodologies” d’apologétique concerne l’affirmation, faite principalement (mais pas exclusivement) par les apologètes dits ‘présuppositionnels’, que les athées croient en fait en Dieu, et même savent que Dieu existe, mais refoulent cette croyance par malice. L’affirmation se veut proche de ce que dit Paul au sujet des non-croyants païens en Romains chapitre 1:

La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive,

19 car ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître.

20 En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables,

21 puisque ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres.

Etant donné que l’affirmation semble plutôt biblique, il est aisé de se demander pourquoi il s’agirait d’un sujet de controverse, même entre Chrétiens. Mais la controverse touche également les athées, qui habituellement trouvent assez insultant le fait de se voir dire qu’ils croient en Dieu, alors qu’ils vous affirment clairement que ce n’est pas le cas. Leur sentiment est bien compréhensible, alors qu’en est il?

La difficulté est la suivante: par définition, un athée est ‘une personne qui croit que Dieu n’existe pas’ (si, comme moi, vous employez la définition standard que l’on trouve dans la littérature), ou ‘une personne dépourvue d’une croyance en l’existence de Dieu’ (si vous adoptez la définition révisionniste que l’internet nous force de plus en plus à tolérer). Mais quelle que soit la définition que l’on adopte, il reste qu’un athée ne croit pas la proposition ‘Dieu existe’; autrement, cela ferait de lui… un théiste! (ou du moins un déiste).

La question se pose alors: comment peut-on dire qu’un athée, qui ne croit pas que Dieu existe, en vérité sait que Dieu existe? Il existe in principe assez simple d’épistémologie (la science de comment l’on sait ce que l’on sait), qui dit que le savoir requière au moins une croyance véridique. A vrai dire, le savoir requiert bien plus qu’une croyance véridique, parce qu’une croyance véridique pourrait s’avérer n’être qu’un coup de chance, et non pas une instance de savoir, mais quoique demande le savoir en plus d’une croyance véridique, il demande au moins une croyance véridique.

Illustrons ces deux conditions simples: dans le cas d’un savoir, la proposition sue doit être vraie: peu importe si je suis parfaitement convaincu que la lune est habitée par des extra-terrestres, je ne peux pas savoir que c’est le cas, si cette proposition se trouve être fausse. De même, dans le cas d’un savoir, la proposition sue doit être crue: en effet, même si cela est vrai, je ne peux pas savoir que je suis né en France, si je ne crois pas être né en France.

Mais donc cela veut dire que le savoir implique une croyance, et donc dans ce sens, une personne qui ne croit pas que Dieu existe ne peut pas savoir que Dieu existe. Tout cela est bien convainquant. Alors pour répondre en toute clarté, permettez moi d’insérer ici une notion un peu différente, touchant à mon domaine d’étude doctorale: la question de la responsabilité morale. Ce sujet pose la question de savoir si des personnes sont responsables moralement, c’est à dire dignes d’éloge ou de blâme, pour leurs actions, et demande s’il existe des circonstances dans lesquelles la responsabilité morale serait annulée. Par exemple, si je mens librement pour avancer ma carrière, je suis a priori coupable, digne de blâme pour mon mensonge; mais il existe des circonstances dans lesquelles je pourrais être excusé pour énoncer ces mêmes propos mensongers. La coercion est une de ces circonstances: si ma fausse confession était obtenue par la torture, je ne pourrais pas être tenu responsable et digne de blâme pour ‘mentir’. Vous saisissez le concept.

Ainsi, dans ce domaine également, un bon nombre de controverses apparaissent, mais il y a une condition pour la responsabilité morale qui ne devrait pas être trop controversée, et qui se trouve être particulièrement intéressante pour notre présente question concernant les athées. Elle s’énonce comme suit: Pour qu’une personne soit responsable moralement pour faire quelque chose de mal, il est nécessaire que cette personne sache que ce qu’elle fait est mal. Par exemple, si je verse du poison dans le café de ma femme parce que quelqu’un a collé une étiquette de sucre sur un pot de poison, je ne suis pas moralement responsable pour avoir tué ma femme, bien que je sois assurément la personne qui l’ait tuée: j’ai versé du poison dans son café! Alors pourquoi ne suis-je pas coupable? Parce que je ne savais pas que ce que je faisais était mal. Ce critère peut également être appliqué à certains cas dans lesquels une maladie mentale exclut la responsabilité morale, pour des actions qui serait autrement coupables, si elles étaient accomplies par des personnes en possession de toutes leurs facultés. Une personne sévèrement autiste qui blesse son donneur de soin lors d’une crise de violence peut (au moins dans certains cas non-discutables), être excusée, et déclarée non-responsable, en vertu du fait qu’elle ne savait pas que ce qu’elle faisait était mal. Tout cela semble assez raisonnable.

Mais voila le souci. Prenez ce critère, et appliquez le à une autre situation, celle d’Adolf Hitler, et posez la question de savoir s’il était moralement responsable pour avoir organisé la mort de millions de Juifs et de Tsiganes. Etait-il coupable moralement? Je pense que la réponse est évidente: oui. Mais posons maintenant notre question au sujet d’Hitler: ‘Hitler savait il qu’il est mal de tuer des Juifs et des Tsiganes?’ Dans un sens certainement, et dans un autre sens, évidemment pas. Je m’explique.

Hitler croyait-il que tuer des Juifs et des Tsiganes est mal? Evidemment pas; il pensait même que c’était la meilleure chose à faire pour le monde! Mais si, comme établit ci-dessus, on ne peut pas savoir une proposition sans avoir une croyance en cette proposition, alors il s’ensuivrait qu’Hitler n’avait pas le savoir qu’il est mal de tuer des Juifs et des Tsiganes. Sommes nous alors dans la position particulièrement pénible d’avoir à admettre que: ‘Hitler n’était pas moralement responsable pour avoir tué des Juifs et des Tsiganes parce qu’il ne savait simplement pas que ce qu’il faisait était mal’? Cette conclusion ne peut surement pas être correcte non-plus. Alors que dire?

Je pense que ce qu’il nous faut conclure est que notre critère pour le savoir et notre critère pour la responsabilité morale sont tous deux essentiellement correctes, mais ils doivent laisser la place à un certain sens du savoir dans lequel une personne peut savoir que quelque chose est vrai, tout en professant (même honnêtement) une non-croyance à ce sujet. Dans ce sens, Hitler savait qu’il est mal de tuer des Juifs et des Tsiganes, car ce fait moral est rendu évident à tous par la lumière de la conscience humaine, mais il a refoulé ce savoir–un refoulement coupable, par ailleurs, et un refoulement qui l’amena à professer une non-croyance en cette proposition, tout en étant une cible appropriée de blâme moral, basé sur le fait que dans un autre sens bien réel, il savait ce qu’il professait même ne pas croire.

Lorsque l’on applique ces concepts à la croyance en Dieu, nous sommes maintenant équipés pour exprimer les deux sens distincts dans lesquels les Chrétiens peuvent affirmer de manière cohérente que les athées savent et ne savent pas que Dieu existe. Ils ne le savent pas, dans le sens où il n’ont pas de croyance consciente en l’existence de Dieu et donc l’absence de savoir s’ensuit de leur manque de croyance, mais il y a aussi un autre sens dans lequel les Chrétiens affirment que l’existence de Dieu est rendue évidente à tous par sa création, et que donc quiconque la rejette est coupable de refouler une vérité qu’il ‘sait’, tout en professant (sincèrement) ne pas la croire.

De tout cela, deux conclusion ne s’ensuivent pas.

Premièrement, il ne s’ensuit pas que l’apologétique présuppositionelle est correcte et que l’apologétique classique ne l’est pas. C’est tout bonnement une autre question, sur laquelle toutes mes pensées se trouvent dans cet autre article.

Et deuxièmement, il ne s’ensuit pas que les Chrétiens doivent dire aux athées que ces derniers croient en fait en Dieu. Personnellement, je trouve douteux qu’il soit sage de le faire dans la plupart des circonstances.

Mais en vérité, ce qui s’ensuit logiquement, c’est qu’il est cohérent pour les Chrétiens de maintenir leur conviction que dans un sens, le savoir de Dieu est inévitable à la lumière d’une révélation générale, une lumière que Paul nous dit se trouve être refoulée dans la non-croyance, jusqu’à ce que l’Esprit vienne, et fasse ‘briller la lumière dans nos coeurs, pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu, sur la face de Christ’. (2 Cor 4:6).

Trois étapes pour des évidences en faveur du théisme : Revue de Dallas Willard

Revue de Dallas Willard: Language, Being, God, and the three stages of
theistic evidence
[1]

Dieu existe-t-il? Pourquoi écrire une revue d’un chapitre de livre sur l’existence de Dieu? Est-ce parce que je suis un intellectuel renfermé dans un bureau et coupé du reste du monde? À qui s’adresse cette revue? En fait, la réponse à ces questions est assez simple. C’est parce que c’est pertinent pour vous! Peut-être que vous ne la trouvez pas intéressante ou pertinente, mais il faut néanmoins admettre que votre réponse à cette question déterminera comment vous allez interpréter le monde et comment vous allez agir dans le monde. Il vaut la peine de confronté ou de réfléchir sur nos convictions, et c’est mon désir dans ce compte rendu.

L’article de Willard est une réponse au professeur athée Nielsen qui accusait Dallas Willard d’avoir une croyance « irrationnel » en Dieu. Bien que la discussion à ce propos soit intéressante, elle n’est qu’une partie de l’article, et ce n’est pas l’intérêt principal de cette revue. Quand même, il faut mentionner que ce contexte servira à offrir une argumentation en trois étapes pour valider le théisme [2]. Et c’est ici l’objectif de cette revue, à savoir, exposer les trois étapes de son argument en faveur du théisme.

  • Remarques sur l’argumentation :

Pour construire son raisonnement il fait deux remarques importantes :

1)      Ce ne sont pas trois arguments ou moyens, dont chacun nous mène à un même point logique. Chaque phase de l’argumentation n’est pas une fin en soi, mais ils ont une force collective. Ce qui est soutenu dans chaque phase ne détermine pas la suite des autres étapes de l’argumentation. Par exemple, lors de la première étape il est montré qu’il pourrait y avoir quelque chose que l’on nomme Dieu, dans un sens conventionnel.

2)      Il est difficile de discuter de ces questions sans tomber dans des enchevêtrements de questions qui n’ont rien à voir avec le sujet. C’est pourquoi il veut se limiter à l’examen de preuves et de démonstrations.

À cet effet, il souligne ce qu’il entend par démonstration :

« Par démonstration, je veux dire une structure logique de propositions où les prémisses sont vraies et impliquent logiquement (ou entraînent) la conclusion lorsqu’ils sont pris ensemble. » [3]

A)     Étapes Un : Argument concernant la nature et l’existence de la réalité physique [4]

« Il est vrai qu’il existe un monde physique et nous savons que cela est vrai ». En plus, « il y a certaines choses sur son caractère général que nous connaissons pour vrai. » L’un de ces caractères est le suivant : toute réalité physique doit son être à autre chose que lui-même. « Peu importe comment on divise en parties la réalité physique, le résultat sera un état qui doit son existence à quelque chose autre qu’elle-même. » [5] Que ce soit par l’expérience personnelle ou encore en science, malgré la complexité de la question, nous savons que cela est vrai.

« […] que chaque état ​​physique, quel que soit inclusive, a une condition nécessaire à un certain type spécifique d’état qui le précède immédiatement dans le temps et est entièrement existant avant l’apparition de l’état qui le conditionne. » [6]

Qu’est-ce que cela signifie? Prenons une pomme dans mon panier sur ma table. Nous savons qu’elle n’est pas apparue d’elle-même. Nous savons que ce que ça prend pour qu’elle puisse être dans ce panier, c’est un arbre en santé qui produit des pommes. Ajouter à cela, toutes les conditions nécessaires qui doivent préexister avant même l’apparition de la pomme. Elles doivent toutes être complétées dans le temps avant son apparition afin qu’elle puisse croitre dans l’arbre. La pomme n’explique pas sa propre existence, elle est dépendante de certaines conditions qui doivent être complété dans le temps pour produire l’entité que nous sommes en train de discuter présentement [7]. Nous pouvons remonter à l’arbre et à une série de processus qui amène la pomme à exister.

Cette compréhension générale de la dépendance de l’état physique est quelque chose de bien connu. Aristote le nommait « cause ». Toutes les conditions nécessaires à un certain « état » doivent être entièrement existantes avant l’apparition de l’événement ou de l’état d’une quantité physique, ou d’une réalité physique. La série de cause est terminée par un événement ou un état donné. Cet ensemble achevé de causes est très structuré dans le temps et doit être fini.

« Ainsi, aucun état physique est temporellement ou ontologiquement avant lui-même […] Le plus important pour les intérêts présents, puisque la série de causes pour un état donné est terminée, non seulement il présente une structure rigoureuse, comme indiqué, mais que la structure dispose également d’un premier mandat. Autrement dit, il est au moins une «cause», un état d’être, qui ne tire pas son existence de quelque chose d’autre. Il est auto-existant.».

Ainsi, la réalité physique concrète implique un être radicalement différent de lui-même : un être qui, contrairement à un état physique quelconque, est auto-existant. Autrement dit, on ne peut pas remonter à un infini de cause ou de série d’événement.

Pour illustrer, imaginons une ligne de dominos. S’il y a un nombre infini de dominos qui doit tomber avant de frapper un domino x, il ne sera jamais frappé. C’est pourquoi, la réalité physique concrète implique un être (cause) radicalement différent(e) de lui-même, qui lui est auto-existant et non physique. À moins d’être prêt (comme Spinoza) à traiter l’univers lui-même comme ayant un type d’être essentiellement différent, on doit concéder ce point.

Il est fréquent d’entendre, en réponse à cet argument, l’affirmation selon laquelle il ne peut tout simplement pas être un être existant en soi. Mais il faut souligner aussi qu’il est très rare d’entendre une très bonne raison de cette affirmation. C’est une conséquence logiquement nécessaire qu’il y est quelque chose dont l’existence ne découle pas d’une autre chose. À la question de l’enfant  « D’où vient Dieu? La réponse c’est qu’il ne vient pas de rien, car il n’est pas venu du tout. » Dallas Willard a raison de souligner que « l’on aura de la difficulté avec cette réponse que si nous avons déjà assimilé « existence » à l’existence physique. » [8]

Aucune réalité physique n’existe par elle-même et aussi aucune quantité de  temps ne peut consumer une série infinie de cause pour vous mener à l’état présent. Ce qui signifie qu’en quelque part, tout cela s’explique par une cause auto-existante qui n’est pas matériel (physique). Parce que toute quantité physique ou réalité physique ne s’explique pas par elle-même. C.S. Lewis explique cela dans son livre God in the Dock:

« Un œuf qui n’est pas venu d’un  oiseau n’est pas plus « naturel » qu’un oiseau qui a existé éternellement. »[9] [10]

Aujourd’hui, c’est une tendance à traiter la théorie du « Big Bang » comme un état apparu sans cause. En un mot, il tire son origine « à partir de rien ». Ce qui lui confère une originalité, car c’est un « bang » très différent de tous les autres. Comment le traite-t-on ce « Big Bang »? Souvent de façon mystique, soit celui de jouer le rôle de Dieu, ce qui à première vue est attrayant. Mais il semble manquer quelque chose, car une chose ne peut pas sortir de rien par elle-même. Comme le fait remarquer Dallas Willard en ajout à C.S. Lewis :

« Et nous devons au moins préciser qu’un être auto-subsistant éternellement n’est pas plus improbable qu’un événement auto-subsistant émergent sans cause. » [11]

B)      Étapes deux : Argument téléologique (dessein)

Bien que je ne partage pas toutes les vues de Willard, il est nécessaire de souligner quand même quelques points importants de cette deuxième étape.

Premièrement, de façon générale, l’argument téléologique veut montrer que l’ordre dans l’univers est le produit d’un dessein, ce qui implique un principe intelligent et ordonnateur. Autrement dit, d’un créateur. Dallas Willard a raison de souligner que les débats entourant l’argument du dessein crée souvent de la confusion de part et d’autre, ainsi que des discussions qui souvent sont en dehors du propos.

Deuxièmement, il a aussi raison de soulever la réflexion concernant la théorie de l’évolution qui ne peut être une théorie ultime de l’existence et de l’ordre. [12] L’évolution n’est pas une explication ultime de l’origine. Elle n’explique pas le « Big Bang ». Est-ce que le Big Bang a évolué. Qu’est-ce qui a causé le Big Bang? Il est important de noter ceci : C’est l’argument vers le dessein et non à partir du dessein. La distinction est importante.

Après avoir discuté sur ces propos, Willard résume la deuxième étape de son argument :

« Nous avons établi que tout ordre est évolué [13] et par rapport à nos données, il y a la probabilité de zéro que cette ordre soit sorti du chaos ou de rien pour venir dans le monde physique. En outre, nous avons l’expérience de l’ordre émergeant de l’esprit (notre esprit) dans le monde physique. » [14]

Quel est l’effet de tout cela? Ce n’est pas une démonstration de l’existence de Dieu dans le sens complet du théisme, mais tout comme la première étape, l’existence de Dieu est devenue beaucoup plus importante. Il développe l’idée selon laquelle nous voyons par l’expérience que l’intelligence peut produire de la complexité, ou de l’ordre et que la cause ou les causes de l’ordre dans l’univers supporte probablement une lointaine analogie à l’intelligence humaine [15].

Dallas Willard ne développe pas de façon exhaustive l’argument téléologique qu’il laisse à un J.P. Moreland dans un autre chapitre du livre paru à l’origine. À mon sens, il y a d’autres formulations de l’argument téléologique de l’existence de Dieu qui ont plus de force, mais l’idée centrale à retenir, c’est justement que la complexité n’est pas le fruit d’une évolution strictement physique et que la complexité, ainsi que l’ordre dans l’univers peut s’expliquer par l’existence d’une entité intelligente, ainsi qu’elle n’apparait pas à partir de rien. Dans la mesure où ne comprenons que rien ne produit rien, il y a la possibilité qu’un être intelligent en dehors de la matière l’ait fait, tout comme les humains qui produisent par leur volonté des choses complexes.

C)      Étapes trois : Argument tiré du cours des événements humains : historiques, sociales et individuelles

Suite aux deux étapes de l’argumentation qui précède, nous devons donc placer et interpréter la vie humaine dans un cadre « extranaturel » (étape 1) et d’un « intellectualisme » plausible (étape 2).

Quand nous regardons l’histoire du monde, nous pouvons poser la question suivante : Comment expliquer plusieurs faits dans l’histoire? Il y a des choses qui se sont produites dans l’histoire qui sont inexplicable en terme strictement naturaliste, à moins bien sûr d’avoir adopté une incrédulité systématique en matière de religion, voir même d’histoire.

Ce que nous savons c’est « que les esprits humains créent, de façon standard, pour un but et qu’ils conservent un intérêt actif dans la chose créé; ils se sentent intimement investi dans ce qu’ils créent et cela d’autant plus l’originalité ou la « créativité » est impliquée. » [16] Autrement dit, comme dirait un de mes amis : « je n’achète pas un chien pour le mettre au fond du terrain pour ne jamais avoir de relation avec lui. » Et si on élargie l’analogie à Dieu, il faut considérer la possibilité qu’il entretienne une certaine relation avec sa création. Cela est rendu probable à cause des deux premiers arguments, mais aussi une fois que l’on place l’humain dans un contexte qui n’est pas exclusivement matérialiste.

Plus important que des spéculations dans le troisième argument, c’est l’examen du cours réel de l’histoire et le contenu de l’expérience humaine, observé le plus honnêtement et complètement possible. Avant d’être accusé de religieux superstitieux, considérer les paroles de Willard :

« Mais nous devons aussi être approfondies, et nous avons le droit d’exiger la même chose de nos co-chercheurs athées et d’ignorer leurs griefs s’ils refusent. La foi ne se limite pas aux personnes religieuses, ni le préjudice aveugle et le dogmatisme. L’athée qui ne prend pas la peine de se pencher sérieusement sur les faits allégués pour des histoires religieuses et de l’expérience religieuse est le frère jumeau de l’ecclésiastique qui a refusé de regarder à travers la lunette de Galilée, car il savait déjà ce qui était et ne devait pas être vu. »

Enfin, pour ce troisième argument nous sommes invités à regarder Jésus, sa vie, sa mort et sa résurrection, mais à la lumière du contexte des deux premiers arguments. D’ailleurs, Jésus nous appelais à faire de même : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14.2), il en va de sa véritable nature et de son identité. Nous sommes donc invités à considérer les évidences concernant la personne de Jésus et de s’approprier les critères rationnels pour prendre une décision.

De quelle façon pouvons-nous faire une enquête sur Jésus de façon crédible? La réponse de Willard : « Par une inférence en termes de « meilleure explication », mais « meilleure » dans la pleine lumière des résultats des étapes un et deux. » [17]

Bien que ce travail soit une tentative d’aider le chercheur à être ouvert à ce qu’il peut découvrir, sans adhérer aveuglément à un rejet de tout ce que nous pourrions nommer de « religieux », Willard n’explique pas tout dans ces paragraphes touchant le sujet de Jésus, mais suggère néanmoins le rôle que Dieu peut avoir exercé dans l’histoire, surtout à partir de la vie, la mort et la résurrection de Jésus.

  • Remarques finales :

Bien que Dallas Willard ne traite pas exhaustivement de chacun de ces trois sujets, il invite à considérer les limites de son travail. [18] Nous devrions en faire autant et rester ouvert aux opportunités qu’elle nous offre, par exemple, de considérer la possibilité réelle que nous ayons été créé et que l’humain se trouve dans le contexte de cette création.

Deuxième possibilité qu’elle nous offre, c’est de considérer que tout comme l’humain, il se peut que Dieu s’intéresse à sa création et cela nous pouvons le voir dans l’histoire.

Enfin, retenons la structure des trois arguments à l’intérieur desquels nous pouvons travailler à présenter la cohérence du théisme d’une manière logique. À cet effet, terminons par sa remarque de conclusion :

« J’ai tenté dans ces pages de clarifier certains points au sujet de la structure dans laquelle des preuves du théisme doivent être organisés, si nous voulons les apprécié correctement. » [19]

 


[1] Willard, Dallas, Language, Being, God, and the three stages of theistic evidence, in Does God exist, edd. Moreland and nielson, 1993. Le document original: Willard Dallas, in Moreland J.P., and Nielsen, Does God exist? Les citations ainsi que les pages cités sont tirés de la version disponible sur son site internet à l’adresse suivante, version imprimable : http://www.dwillard.org/articles/artview.asp?artID=42 Visité  pour la dernière fois le 20 mai 2014.

[2] Enseignement qui admet l’existence d’un Dieu unique et personnel comme cause du monde.

[3] Ibid. p.3

[4] Ou encore de « quantité physique ».

[5] Willard, p.3

[6]

[7] Image tiré de Ravi Zacharias : https://www.youtube.com/watch?v=VTVOufIzyPY, visualisé le 12 juin 2014.

[8] Willard, p.4

[9] Willard, p.4

[10] Voici la citation complète : « Un œuf qui n’est pas venu d’un  oiseau n’est pas plus « naturel » qu’un oiseau qui a existé éternellement. Puisque la séquence œuf-oiseau-œuf ne conduit à aucun commencement plausible, n’est-il pas raisonnable de chercher sa véritable origine à l’extérieur de la séquence? Vous devez regarder ailleurs que parmi les machines pour trouver l’origine de la fusée; vous devez plutôt regardez chez les hommes. N’est-il pas raisonnable de regarder à l’extérieur de la nature pour trouver la véritable origine de l’ordre naturel? » Lewis C.S. God in the Dock : Essays on theology and ethics (Grand Rapids) Eerdmans Publishing, 2001, p.211). La citation française est tirée de Cahill Mark, Destination Finale : Votre pèlerinage vers l’éternité (Québec) Aujourd’hui l’espoir, 2011, p.22.

[11] Willard, p.4

[12] « Toute sorte d’évolution  de l’ordre, de quelque nature qu’elle soit, présuppose toujours un ordre préexistant et aussi des entités préexistantes gouverner par celle-ci. »Willard, p.6

[13] Nous pouvons aussi comprendre « complexe ». Tout ce qui est ordonné est complexe.

[14] Willard, p.7

[15] Citation de David Hume apporté avec nuance par Willard. Je ne l’ai pas traduit littéralement, je rapporte l’idée centrale.

[16] Willard, p.7

[17] Willard, p.8

[18] Willard, p.9

[19] Willard, p.9